Recension de Denis Sureau pour l'Homme Nouveau

Le Forum Catholique

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XA -  2009-05-25 14:27:43

Recension de Denis Sureau pour l'Homme Nouveau

Source : L'Homme Nouveau

Normalien, agrégé de géographie, professeur de classes préparatoires à la Légion d’honneur et à l’Ices, Marc Levatois, 50 ans, publie un essai à la fois docte et agréable à lire intitulé La messe à l’envers. Extrait d’une thèse de géographie fort sérieuse qui se présente comme une contribution à une géographie du sacré, son titre peut sembler provocateur. Il se réfère en fait à un article publié dans Le Figaro littéraire par Paul Claudel l’année de sa mort (1955) et qui fit grand bruit. L’illustre poète s’inquiétait des premières expériences de retournement des autels et d’appauvrissement du culte : « La liturgie nouvelle dépouille le peuple chrétien de sa dignité et de son droit. »
Tournés vers l’est
Marc Levatois s’intéresse d’abord à l’histoire de l’orientation des églises : vers l’est, où fut le paradis terrestre, où le Christ est mort et où il reviendra. Il montre que si l’on ne peut trancher le débat de sa généralisation dans les premiers âges chrétiens, l’orientation devient clairement la norme du Moyen-Âge aux années soixante du XXe siècle. Même si, à l’époque classique, la règle est un peu mitigée, l’orientation extérieure s’effaçant derrière l’orientation intérieure marquée par une exigence de visibilité face au protestantisme : les jubés sont supprimés, les maîtres-autels monumentaux affirment la présence réelle du Seigneur dans l’Eucharistie tandis que l’importance des chaires expriment celle de la prédication. Ce modèle tridentin perdure, note Marc Levatois, jusque dans l’architecture pourtant révolutionnaire de la chapelle de Ronchamp conçue par Le Corbusier.
Pourtant, les tentatives de célébration versus populum apparues dans les mouvements de jeunesse et le scoutisme vont préfigurer le retournement général des autels préconisé non par Vatican II (muet sur le sujet) mais dans les réformes successives des années 1965 à 1970. Encore officiellement proscrit par l’épiscopat français en 1956, il devient souhaitable dix ans plus tard, et concrètement obligatoire. Marc Levatois rapproche cette désacralisation de l’espace liturgique de l’abandon du latin, né d’une même sécularisation de la « divine liturgie » et d’une survalorisation de la sphère intellectuelle au détriment de celle du corporel et donc du rituel.
En 1967, un jésuite expliquait dansla revue Les Études que le lieu de culte idéal est le stade, le palais des expositions, la salle des fêtes, autant de symboles de «l’actualité du christianisme et de la présence de l’Église au monde » ! Ces extravagances expliquent l’essor de la réaction traditionaliste que l’auteur analyse dans une dernière partie, avant de conclure sur l’espace sacré dans la pensée de Benoît XVI.
Denis Sureau
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