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Le Forum Catholique

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Yves-Marie Adeline -  2009-02-02 18:27:24

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Je considère avoir fait erreur vers 1985 en me jetant tête baissée dans le mouvement de Mgr Lefebvre. Il faut dire, mais ce n’est pas une excuse, que la pratique dominicale devenait pénible, rythmée de chansonnettes du genre « qu’il est formidable d’aimer, qu’il est fort- qu’il est mimi » etc., j’exagère à peine.
Cette erreur, je l’ai payée cher dans ma vie personnelle, mais c’est normal.
Contrairement à certains commentateurs engagés dans la vie de l’Eglise sans toujours avoir suffisamment médité sur la parabole de l’Enfant prodigue, je crois que le retour (plein et entier) au sein de l’Eglise apporte une pluie de grâces, du seul fait de la sainteté surnaturelle de l’Eglise, mais que cela demande du temps de revenir dans l’histoire vécue, dans la vraie tradition qui est vivante et vécue. En fait, la ruse de Satan est de nous pousser à croire que le Bien peut être figé dans l’histoire, c’est ainsi qu’il nous arrache à l’Eglise qui sanctifie le monde. Tous les discours contre le monde, contre l’exaltation de l’homme au motif légitime que Dieu doit être premier servi, présentent le risque de renier l’Incarnation elle-même, le fait que Jésus ait pris chair d’homme, qu’Il ait été un tout petit enfant abandonné entre nos mains, qu’Il ait été vrai Dieu, certes, mais aussi vrai homme. C’est tout le sens de la prédication de Jean-Paul II, qui enseignait que l’honneur de l’homme est certes en Dieu, mais que l’honneur de Dieu est aussi dans l’honneur de l’homme. Pensez à l’Echelle de Jacob, que les anges montent et descendent. A vrai dire il faut aimer l’homme parce que c’est en l’homme qu’est Jésus. Au lieu de rester dans les nuées célestes comme dans les autres (et fausses, et faciles) religions, le Dieu véritable est entré dans notre histoire, passant plusieurs alliances successives, avec Noé, Abraham, Moïse, puis la Nouvelle Alliance. En se faisant homme, Jésus est plus que jamais dans l’histoire, dans notre histoire. Songez au dieu des philosophes grecs, au concept de Dieu chez Aristote : ses attributs font qu’Il n’a besoin de personne, parce qu’Il est parfait et absolu. L’Eglise nous a enseigné tout autre chose : Dieu a besoin de l’homme, parce qu’Il l’aime. Dieu au jardin d’Eden cherche Adam qui lui a manqué (au sens fort de ce terme), Dieu peut souffrir à cause de l’homme ; telle est la puissance qu’Il nous a laissée.
Je m’égare un peu sans doute, il me faut répondre précisément à votre question. J’ai vécu, je l’ai déjà dit publiquement, dans la presse et dans des livres, mon retour plein et entier à l’Eglise comme le plus grand bonheur de ma vie. J’ai constaté cependant que cela demande beaucoup d’humilité, et même de la mortification morale, d’y revenir comme une brebis, et non pas en se prenant pour un pasteur. Bien sûr je n’ai jamais pensé être un pasteur à proprement parler, mais je participais à un péché d’orgueil qui consistait à se persuader que nous, un petit groupe d’élite, étions en train de sauver l’Eglise. En fait, ma religion, c’est l’Eglise. C’est facile d’avoir une religion, cela peut même servir d’opium, comme dirait Marx, ou de simple consolation, comme pensait Nietzsche, ou de régulation sociale, comme ont pensé les Sophistes, ou Napoléon, ou Maurras. L’Eglise, c’est autre chose. Dans le Décaméron, Boccace raconte comment un chrétien et un juif du XIVe siècle se rencontrent en marchant sur la route de Rome. Le juif demande au chrétien de lui raconter l’histoire de cette Eglise dont le siège est à Rome. Méditant sur cette histoire déjà longue qu’il vient d’entendre : il conclut que, avec de si mauvais hommes pour la servir, jamais une organisation humaine normale aurait pu survivre. Il faut donc qu’elle ait été réellement fondée par Dieu. Et il se convertit. J’ai peut-être des lectures trop profanes, mais il me semble que cette histoire est marquée du mystère de la vérité.
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