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Le Forum Catholique

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Michel De Jaeghere -  2008-12-09 20:07:09

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Chère Anne,
Ce qui me paraît essentiel, c’est la primauté de la loi naturelle. La question du régime politique me parait seconde. Elle est affaire d’époque et de circonstances.
Ce que je reproche à la démocratie moderne, ce n’est pas tant la forme républicaine du gouvernement que sa prétention à définir la loi comme l’expression de la volonté générale. La loi n’est pas cela : elle est le commandement de l’autorité légitime en vue du bien commun. Elle ne peut prévaloir sur les lois divines dont nous savons depuis Antigone qu’elles sont inscrites dans le cœur de l’homme. La loi du nombre peut devenir totalitaire si elle viole les lois divines; elle est illégitime si elle s’affranchit du bien commun. Elle n’est pas une loi, elle n’en mérite pas le nom. Tout cela a été superbement exposé dans le beau livre de Jean Madiran, les deux démocraties, dont on ne saurait trop recommander la lecture.
Si nous vivions sous l’Ancien Régime je serais monarchiste sans état d’âme. Je le suis resté longtemps, légitimiste au demeurant. J’ai rencontré le Prince Jean, que j’ai trouvé charmant, et j’ai compris la fascination qu’il exerce sur un certain nombre de mes amis. Parce qu’il incarne la possibilité de faire de la politique proprement, avec des gens honnêtes, désinterressés, seulement soucieux du bien commun. Je me demande si c’est très réaliste. Si ce n’est pas une utopie commode, qui nous dégage des turpitudes du temps, nous donne un alibi de ne rien faire pour que les choses changent, en attendant "le Prince qui vient", et qui peut-être ne viendra pas (sans qu'il y soit lui-même pour rien), tandis que les barbares ne se contentent pas d'assiéger la Cité, qu'ils l'ont d'ores et déjà investie.
Maintenant, je n'ai pas de solution républicaine à proposer non plus. Nous savons, si nous en doutions, ce qu'il faut penser des chances de restaurer le bien commun par le jeu normal des institutions...
La monarchie me parait le meilleur des régimes pour la France, mais je suis irrité par l’illusion qu’il suffirait de couronner notre démocratie parlementaire pour mettre fin à notre décadence : l’exemple de l’Espagne montre, il me semble, qu’il n’en est rien. Ce dont nous avons d’abord besoin, c’est d’une réforme intellectuelle et morale, qui nous fasse revenir à la loi naturelle et au bien commun. La restauration monarchique pourra en être le couronnement. Mais la question est de savoir ce que nous pouvons faire pour susciter cette réforme. Faute d'avoir trouvé une meilleure solution, je me suis investi à Renaissance catholique parce que nous y poursuivons avant tout une oeuvre de formation intellectuelle et morale qui peut en être la préparation: formation des jeunes esprits, mais aussi et peut-être surtout formation des parents. Le monde traditionaliste, ou plus largement, contre-révolutionnaire dispose d'un atout: ses familles, ses enfants. Ce qui compte, c'est que ces parents soient capables de transmettre ce qu'ils ont reçu ou conquis à grand peine à la génération suivante. Faute de quoi leurs efforts, nos efforts se révèleront vains. Cela passe par la fondation de bonnes écoles (le processus en cours est tout à fait impressionnant). Cela passe aussi par la formation permanente des parents. Nous vivons, nos enfants vivent dans un océan de mensonge. Le premier contrefeu est apporté par les parents. Il faut qu'ils parlent à leurs enfants, qu'ils soient capables de combattre l'influence des idées fausses, des légendes noires, des caricatures et des calomnies déversées sur notre héritage politique et spirituel par la pensée dominante. Il n'y a pas de meilleur contre-poison. Tout notre effort (Universités d'été, publications, sessions de jeunes) est leur en donner les moyens. Ce qui est dommage, c'est que la prise de conscience est acquise pour ce qui concerne les écoles (les écoles hors contrat peinent à faire face à la demande), mais qu'il n'en va pas de même pour la formation. Chacun estime volontiers en savoir assez comme ça. Beaucoup considèrent qu'aller au delà relève de l'érudition: une manie comme une autre. Je crois que c'est une tragique illusion, et que les parents doivent au contraire se mettre en situiation de faire face à la désinformation multiforme que subissent leurs enfants.Tel est le sens de notre action.
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