Entre les murs

Le Forum Catholique

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Bernard Viallet -  2008-12-01 18:36:28

Entre les murs

J’ai vu ce film. Il a le mérite d’exister et de montrer avec une certaine honnêteté ce qui se passe réellement dans les milieux difficiles. J’en ai fait une recension précise pour le site « Lire et Ecrire ». La voici :
"J’ai été agréablement surpris par le docu-fiction que L.Cantet a librement adapté du livre témoignage éponyme de François Bégaudeau, ex-prof lui-même et également interprète du rôle du professeur de Français, M. Marin, à qui est confié la délicate voire impossible mission d’enseigner les beautés de la langue de Molière à une classe de 4ème « multiculturelle » du collège F.Dolto de Paris. En effet, on pouvait craindre pour pareil sujet le traitement à la sauce démagogico-angélique qui accommode habituellement la plupart des descriptions du monde scolaire et heureusement, il n’en est rien.
A ce film courageux, on peut faire le reproche d’une faible qualité esthétique et même du peu d’originalité dans le cadrage ou la mise en scène, mais certainement pas celui du manque d’honnêteté ou de franchise…Oui, cela se passe bien comme cela dans nos « quartiers » (cela peut même être encore bien pire !) et ce n’est pas moi qui ait exercé plus de trente années dans ce milieu et qui en témoigne au niveau de l’enseignement primaire dans mon livre « Le Mammouth m’a tué » qui m’inscrirait en faux. Chez nous, l’enseignement n’est qu’un long, épuisant et malheureusement parfois stérile affrontement entre des profs qui essaient d’établir un semblant de discipline pour tenter de transmettre vaille que vaille quelques bribes de savoirs et des élèves qui s’expriment dans un sabir « banlieue » composé d’une mixture indigeste de verlan, d’arabe et d’expressions argotiques déformées qui n’a qu’un très lointain rapport avec notre langue maternelle…
L’intérêt de ce film est de montrer les difficultés rencontrées par l’enseignant (la séquence du prof pétant les plombs devant ses collègues est particulièrement émouvante), la violence des rapports, le peu d’attachement à leur pays d’accueil montré par certains élèves et le peu d’intérêt qu’ils portent à des études inadaptées. Souvent, le prof se retrouve en grande difficulté face à une classe déchaînée, par exemple quand Souleymane, le Malien le plus rebelle de la classe, lui demande s’il est homosexuel ou quand Khoumba refuse de lire un passage d’Anne Franck car elle n’en a pas envie… L’impression que le spectateur retire après avoir vu ce film, est celle d’un immense gâchis, d’une monstrueuse faillite. Rien ne fonctionne vraiment dans ce système devenu une sorte de machine à broyer. On se demande même qui, des profs ou des élèves, sont les plus à plaindre. M.Marin (F.Bégaudeau), empêtré dans une pédagogie faussement moderne, faite de dialogue (de sourds) ironique et d’oralité inefficace représente le parfait prototype du jeune enseignant complètement démuni devant une situation qui lui échappe. Il a face à lui des élèves en échec, sans doute depuis longtemps, qui ne se font plus aucune illusion sur les bienfaits qu’ils pourront retirer de leur séjour « entre les murs » des excellents établissements de notre belle Education Nationale. Ils ne s’autorisent plus à exister que dans l’insolence et la provocation permanente. Depuis l’école primaire, ils n’ont pas pu (ou su, ou voulu) s’approprier les bases minimales du savoir. Ils sont très souvent arrivés au collège en sachant à peine lire, écrire et compter et leur handicap n’a fait que s’aggraver au fil des années. Ce ne sont certainement pas l’ambiance et les méthodes du collège Dolto qui leur permettront de combler leur retard.
Ces jeunes ont plus ou moins conscience de la course à l’échec dans laquelle ils sont entrainés. Mais, au lieu de retrousser leurs manches et mettre les bouchées doubles, ils préfèrent pour diverses raisons, dont la moindre n’est sans doute pas le regard des autres, s’enferrer dans cette attitude peu productive. A qui la faute ?
Méthodes d’enseignement inadaptées à tous les niveaux, idéologie imbécile et faussement égalitaire, manque de courage des autorités, démagogie des politiques, laxisme des parents et des enseignants ne pouvaient que déboucher sur un aussi terrible échec.
Puisse ce film, qui a l’énorme mérite d’en établir le cruel constat, rassembler autant de spectateurs que les « Ch’tis » pour qu’enfin une prise de conscience se déclenche dans l’opinion publique et que l’Education Nationale puisse enfin revenir à sa véritable mission : enseigner pour permettre à l’ascenseur social de redémarrer. L’avenir de nos enfants et celui de toute notre société en dépend ! Pour que ce tableau de catastrophe généralisée soit complet, il serait d’ailleurs temps qu’un équivalent d’ « Entre les murs » soit tourné en primaire dans une de nos banlieues, là où se déroule bien autre chose que ce que montrait le délicieux « Etre et avoir » dans sa charmant classe unique de campagne…
« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois et les règles parce qu’ils ne reconnaissent au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie… » (Platon)

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