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Le Forum Catholique

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Luc Perrin -  2006-11-20 19:21:33

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Monsieur,
1. à vous lire un air me vient à l'oreille, je ne sais pourquoi, "en passant par la Lorraine, avec mes sabots" ...
Vos jugements sur la Faculté que je sers sont infondés. L'histoire de l'Antiquité y occupe, de l'avis unanime, une place trop importante. La patristique/patrologie y est enseignée - grecque et latine - par 2 collègues, sans compter l'histoire de la liturgie qui porte sur ces mêmes premiers siècles etc. Le recutement des enseignants se fait selon la procédure en vigueur dans l'université française, avec en plus le nihil obstat requis du Chancelier ecclésiastique. Quant à mon Collègue, l'archevêque de Dijon, il est toujours à notre effectif sur le plan administratif pour quelques mois encore. Bref, on vérifie ses sources avant de colporter des ragots à tous vents.

2. Sur votre conception "sunnite" du catholicisme, c'est plus intéressant car c'est, à mon sens, une plaie de l'Église aujourd'hui. Non la Tradition catholique ne s'arrête pas à la fin du IIIe ou du IVe ou du VIe siècle, eh non ! Vouloir s'y borner est une erreur déjà dénoncée par le Magistère dans la capitale bulle Auctorem fidei (1794) : tous à vos Dentzinger et lisez là, vous verrez combien elle est - hélas - très actuelle. Pie VI stigmatisait la fausse vision de la Tradition développée par les Jansénistes tardifs du synode de Pistoie (ex. l'évêque Ricci). Pie XII y revient dans Mediator Dei sous le nom d'archéologisme. Mgr Jounel a expliqué après Vatican II que le Consilium qui a fabriqué le NOM avait puisé dans les thèses des jansénistes de la fin du XVIIIe.
Bien sûr les Pères ont une place d'honneur mais l'Aquinate aussi, ce que Vatican II rappelle au demeurant. La Tradition catholique n'est pas une "Sunna" fermée.
De plus les Pères ne pouvaient ni de près ni de loin prévoir la Modernité et ses dérivés : notre situation, née de la Révolution, est un inédit historique. C'est pourquoi je déplore l'inculture crasse des catholiques contemporains en matière d'histoire de l'Eglise moderne et surtout contemporaine : caricatures, sottises, préjugés foisonnent mais on est fier de pouvoir disserter sur telle débat de Tertullien.
Ozanam, le saint curé d'Ars, la petite Thérèse etc. me semblent plus qualifiés que les saints Pères pour nous guider face à la Modernité.
Je vous concéderai que l'arianisme revient de façon rampante dans le clergé moderne et le recours aux Pères pourrait s'avérer utile sur ce point.
A condition que l'on sache les lire, qu'on ne s'en serve pas comme ouvre-boîte pour glisser toutes sortes de marchandises frelatées dans la doctrine de l'Église.
3. La tentation gallicane est toujours renaissante en France : elle se pare aujourd'hui du manteau de la collégialité. Mais quand je lis Mgr Hofman, évêque de Würzburg, proférer "Nous ne voulons pas d'une Eglise bi-rituelle", les traités d'écclésiologie me tombent des mains. Je croyais que c'était la Révélation que l'évêque devait servir, c'est du moins l'enseignement de la Tradition et du dernier concile. Le fébronianisme n'est pas loin outre-rhin.
Ceci dit, je crois que le communiqué final de l'épiscopat français montre un début de prise de conscience salutaire : le cum Petro et sub Petro a dû revenir dans les mémoires de quelques Excellences qui avaient eu un subit trou de mémoire. Deo gratias.
4. La politique Maurras, l'AF, Le Pen ...
Là c'est à Molière que je pense avec cette réponse du faux médecin "le poumon", "le poumon", "le poumon vous dis-je".
D'abord qui dans l'épiscopat français et au-delà connaît la pensée de Charles Maurras aujourd'hui ? combien ont lu la thèse de N'guyen et celle de Prévotat ? Laissons les morts avec les morts.
Et puis, l'Église ce n'est pas la France : c'est un peu ce que Maurras croyait d'ailleurs, en ce sens, ce nombrilisme des catholiques "de progrès" est assez maurrassien.
Promenez vous avec un portrait de Maurras aux Philippines, à Hong Kong, au Texas, à Sacramento, en Australie ... vous n'aurez pas beaucoup de succès : pourtant il y a des communautés tradies partout.
Bref ne cachons pas les vrais problèmes de l'Église derrière des amulettes venues des temps jadis.
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