Dépassement du judaïsme et dépassement de l'individu

Le Forum Catholique

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auxiliumchristianorum -  2008-02-17 12:13:29

Dépassement du judaïsme et dépassement de l'individu

Je voudrais vous remercier d'abord d'avoir bien voulu répondre aux questions des liseurs de ce forum, dont certains, sont très attachés à Edith Stein - Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix.

Ce qui m'a le plus intéressé dans votre livre c'est les derniers chapitres qui constituent une réflexion sur les rapports entre judaïsme et christianisme à la lueur de la vie et de l'oeuvre d'Edith Stein. Aussi vous ai-je à plusieurs reprises entendu dire qu'une des particularités de cette juive convertie était d'avoir substitué à la fonction totalisante de l'Israël "social", communautaire, l'individu juif par le biais de la connaissance du Christ, ce qui montrerait par ailleurs que si la religion juive a été dépassée dans l'esprit de la sainte, l'identité juive individuelle serait au centre de toute sa méditation et de sa réflexion. En un mot, Edith Stein aurait été à la recherche de cet "intermédiaire originaire pur" - pour reprendre la terminologie phénoménologique et philosophique propre à la pensée allemande - qu'elle aurait trouvé dans le Christ dans un stade d'achèvement complet.

Cela dit et il y a sûrement du vrai dans ces affirmations, ne pensez-vous pas que la recherche d'Edith Stein a plus été centrée sur la découverte de Dieu par Dieu, par ce Dieu personnel, intime, amoureux de l'âme humaine que le Père devient dans le Fils, exclusivement, et non pas de Dieu par l'homme,par la communauté, par son identité, son ethnie, sa particularité ? Une des oeuvres majeures d'Edith Stein est son conteste son analyse de la théologie symbolique de Denys l'Aéropagite, où elle fait sienne la théologie de la négation qui ouvre à la mystique : "...l'approche de Dieu par la négation de ce qu'on lui attribue mais qu'il n'est pas, en gravissant l'échelle des créatures, pour remarquer à chaque échelon que ce n'est pas là que se trouve le Créateur", Celui-ci ne se trouvant ni en un peuple, ni en une culture en particulier, ni même en un individu - le Christ pour Stein est bien plus qu'un héros existentiel, puisqu'Il est Dieu.

N'est-ce pas par là que nous devrions passer pour comprendre la hantise de la carmélite devant l'incroyance des Juifs ? Comprendre, avec elle, qu'il n'y a de salut que dans la Passion expiatoire sur la Croix, celle que le Catholique célèbre tous les jours à la messe, que ce salut ne se trouve ni dans l'appartenance à un groupe ethnique ou social qui s'approprie Dieu, ni dans le héros existentiel qui se croit Dieu.

C'est là me semble-t-il que devient intelligible cette phrase qui conclut le testament d'Edith Stein : "Mourir en expiation de l'incroyance de tout un peuple", ce qui a dû être toujours une évidence pour celle pour qui "...l'expérience de l'action de Dieu dans le destin personnel et celle de l'action de Dieu dans l'histoire des hommes sont d'une importance égale dans l'élaboration de son langage" (Les voies de la connaissance de Dieu, Ad Solem 2005)

Edith Stein est au centre d'un dépassement complet qui est une voie sûre dans la connaissance de la transcendance de Dieu. Maritain, dont l'épouse était une juive convertie et qui fut un des correspondants assidus de la carmélite martyre disait : "Les juifs (assimilés) qui deviennent comme les autres demeurent (aux yeux des autres) pires que les autres. Quand un juif reçoit la grâce chrétienne, il est au contraire moins que jamais comme les autres, car il retrouve son Messie."

Ne pensez-vous pas, que c'est la vocation d'Israël qu'Edith Stein a voulu dévoiler, par son existence, son oeuvre et qu'elle a réussi à accomplir par sa mort et par là même par sa vie avec la Croix et Jésus-Christ seul au bout de la perspective, comme le titre de votre ouvrgae le dit si bien ? Où se situe la vraie dignité spirituelle du Juif : dans l'irréductible affirmation de soi et de sa tradition millénaire - qui nourrit sans cesse la foi chrétienne - ou dans la reconnaissance dans la radicalité salvifique de l'Evangile où le Messie, ce Jésus, l'un de nous, un Juif, est Dieu en vérité ?

Merci d'avance de vos réponses et excusez, je vous prie, la longueur de mes propos.
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=5020