Questions complémentaires à M.Hecquard

Le Forum Catholique

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Une Ame -  2007-10-10 13:30:15

Questions complémentaires à M.Hecquard

Cher Monsieur,

j'ai relu avec attention votre texte sur l'objection de conscience concernant le vote démocratique. J'avoue que vos arguments sont percutants et que je serais presque convaincu. Néanmoins, quelques questions complémentaires me viennent à l'esprit.

Tout d'abord, vous écrivez :

Mais cette légèreté fait de plus en plus place à un refus délibéré de participer à un système auquel « on ne croit plus ». La démocratie perd des troupes qui la jugent une comédie masquant des intérêts partisans. Le vote est désormais perçu comme un acte symbolique inutile car incapable de modifier le cours des choses. De là une partie grandissante du corps électoral récuse un système qu’elle estime totalitaire et refuse de jeter son grain d’encens à la religion démocratique.



Deux objections me viennent à l’esprit :
1/ les résultats des dernières élections, notamment la présidentielle, montrent qu’au contraire les taux d’abstention ont connu une baisse significative. Le système démocratique semble donc encore loin de l’effondrement sur lui-même par désertion de l’électorat
2/ peut-être qu’une part grandissante du corps électoral condamne le système. Cependant, au sein de l’ensemble de ceux qui s’abstiennent, je ne suis pas persuadé que ce soit l’opinion majoritaire. Et même si c’était le cas, dans la pensée (manipulée, certes !) collective, ce n’est pas la cause qui est avancée lorsqu’on parle des abstentions. L’abstentionnisme n’est pas expliqué comme une condamnation du système démocratique, mais bien comme une condamnation des hommes politiques. L’abstention étant comptabilisée de la même façon que le vote blanc, ceux qui condamnent les politiciens et non la politique ne voient pas l’intérêt d’exprimer un vote blanc plutôt que de rester tranquillement chez eux. Et c’est donc bien cette position – condamnation des politiciens et non de la politique – qui est dans l’inconscient collectif matérialisée par l’abstention.

Il me semble donc pour ces deux raisons que ce ne n’est pas demain que l’abstention fera s’effondrer le système démocratique. Qu’en pensez-vous ?

Dans ce contexte, il faut considérer que quelque soit notre choix, abstention ou vote, l’un des candidats sera élu. Le mal est inévitable. Partant, et sans bien sûr espérer qu’il puisse d’un moindre mal sortir un bien (cf. St Thomas, comme vous le rappelez, le mal étant une absence de bien), ne doit-on pas chercher au maximum à limiter les dégâts, limiter les conséquences négatives d’un choix politique qui de toute façon se fera, avec ou sans nous ?
Dans Evangelium vitae, Jean-Paul II prend l’exemple d’un parlementaire catholique, opposé radicalement, officiellement et publiquement à l’avortement, qui, devant l’opportunité de voter une loi plus restrictive que l’actuelle libéralisation, pourrait licitement apporter son soutien à une telle loi dans le but de limiter le préjudice de la légalisation déjà en vigueur. Il s’agirait non d’apporter son soutien à une loi inique, mais d’en limiter les aspects injustes.
Vous prenez l’exemple du chirurgien qui, pour sauver un membre en gangrènerait un autre ; je prendrais plutôt comme exemple celui du chirurgien qui, devant une main gangrénée, convaincu à l’encontre de ses collègues qu’il suffit d’amputer au poignet plutôt qu’au coude, préférera amputer au poignet plutôt que de s’abstenir car il sait que s’il s’abstient, un de ses confrères fera le choix à sa place et risque de choisir le coude.

Reste, je vous l’accorde, à savoir si les citoyens lambda que nous sommes sont capables de faire un tel choix, de poser un tel acte de gouvernement. Mais considérer cet argument ne revient-il pas à dire que si nous ne nous estimons pas capables de faire un tel choix, nous laissons aux autres le soin de le faire ? On retombe dans un abstentionnisme inefficace.
Par ailleurs, il me semble qu’il peut exister un certain nombre de critères objectifs permettant de juger quel candidat est « le moins opposé » à la doctrine catholique, à défaut de critères permettant de juger quel candidat est « le plus catholique ». Dernièrement, une liste de critères de ce genre a été publiée par la CEF. Ils ne sont peut-être pas tous bons, ou pas tous bien formulés, et la liste mériterait sans doute d’être complétée, mais ils ont le mérite d’exister et de permettre un jugement éclairé par l’Eglise.

En synthèse :
- les système démocratique ne semble pas prêt à s’effondrer. Quel est votre point de vue ?
- Dans ce contexte, ne doit-on pas limiter les dégâts ?
- N’a-t-on pas et ne pourrait-on pas avoir les éléments de jugement qui permettent de faire un choix ?

Bien à vous
Une Ame



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