Comme vous le savez, les dirigeants turcs ont fait de l’adhésion de leur pays à l’Union européenne une de leurs priorités. Une partie de l’élite turque est également favorable à cette adhésion. Les uns et les autres y voient le moyen de libéraliser leur système politique mais pas dans la même direction. Pour les dirigeants, l’adoption de critères européens plus démocratiques est un moyen de limiter les pouvoirs de l’armée, gardienne de l’idéologie kémaliste, ce qui leur permettrait de promouvoir leur projet visant à « réislamiser » l’Etat et la législation, la société étant pour une grande part gagnée au « tout-islam ». Pour les intellectuels attirés par le modèle européen, l’adhésion obligerait la Turquie à respecter la liberté de pensée et le pluralisme religieux, ce qui est loin d’être le cas actuellement comme le montrent les violences visant les journalistes et les écrivains ainsi que des prêtres et des laïcs chrétiens.
Intégrer la Turquie dans l’UE serait une faute majeure et entraînerait la déstabilisation des sociétés européennes. Le tort des dirigeants européens a été de louvoyer : on ouvre des négociations en vue de l’adhésion tout en souhaitant au fond qu’elles n’aboutiront pas, d’autant plus que les opinions publiques y sont dans l’ensemble défavorables. C’est une attitude malhonnête. Des Turcs en nombre croissant la ressentent comme humiliante.
Nicolas Sarkozy a raison de vouloir un partenariat privilégié avec la Turquie (ce qui aurait dû être proposé aux Turcs dès le départ, au moins les choses seraient claires) et j'approuve aussi son projet de réunir toutes les nations du bassin méditerranéen en un espace euro-méditerranéen. Les rapports étroits qu'il entretient avec Israël risquent cependant de rendre ce projet compliqué.
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