Mes questions porteront sur Maurras en raison de votre grande connaissance de cet auteur (entre autre une biographie du félibre de Martigues et de nombreux travaux).
Est-ce que, d'après vous, Maurras a quelque chose à nous dire de concret, donc de pratique, pour une articulation du politique et du discours chrétien?
On a récemment accusé l'Eglise pour ses prises de positions sur les enjeux de la biologie génétique et de ses applications, au motif qu'elle sortait de son champ de compétence purement spirituel. Cela revient à réintroduire le dualisme absolu, reproché en son temps à Maurras, avec la primauté du politique (politique d'abord) coupée de la religion (comme de la morale). Or les adversaires de Maurras, Maritain après la condamnation de 1926, comme, et surtout, la Cal de Lubac ou le R.P. Y. Congar avec l'intégration théologique de la nature et de la grâce, préconisaient une primauté du spirituelle au motif que l’état de nature « pur » était une invention moderne. Mais ils réintroduisaient, de fait, un certain dualisme par la distinction de plans réservant le politique à l’Etat et non à l’Eglise, aux laïcs et non aux clercs.
Autrement dit, la critique faite à l’Eglise par l’incursion de sa parole dans le champ politique, par le biais d’un discours éthique sur des décisions scientifiques et des mises en garde sur une législation en bioéthique, ne réintroduit-elle pas la totale séparation de la nature et de la grâce par ceux-là même qui, en politique, agitent Maurras comme l’épouvantail de la droite la plus extrême ?
Et, par cette parole, l’Eglise ne donne-t-elle pas raison, paradoxalement, à Maurras qui lui reconnaissait la possibilité d’avoir un rôle politique important par son action sur les mécanismes sociaux ?
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