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[réponse] par Aude Mirkovic (2018-06-11 18:46:57) Imprimer

L'intitulé de l'association que vous présidez dit bien dans quel champ vous entendez inscrire votre travail. Du coup, cela n'est-il pas regrettablement limitatif?

On ne peut pas être sur tous les fronts : j’ai choisi le droit car, n’ayant pas un temps illimité, j’ai pensé utile de mettre mon expertise juridique au service du bien commun. Je rentabilise le travail fait dans un cadre professionnel en utilisant cette expertise au profit des politiques et du public. Mais cela ne prive pas du tout d’intérêt les autres aspects de ces questions que nous abordons ce soir : la PMA, par exemple, relève avant tout de la morale, l’anthropologie, la sociologie, l’économie aussi…. Que les moralistes, les sociologues, les économistes fassent leur travail, je me contente de faire le mien !

La juriste que vous êtes peut difficilement s'exprimer en tant que théologienne. Or comme vous le soulignez, la racine du problème est beaucoup plus dans la PMA que dans la manière dont on l'autorise ou non à telle ou telle catégorie de célibataires ou de couples.

En effet, mais il n’y a pas à l’horizon de projet de loi sur la PMA en général. En revanche, on nous annonce une loi sur la PMA pour les femmes, aussi l’urgence est de s’occuper de ce projet, ce qui n’empêche pas au passage d’alerter sur les nombreux autres problèmes liés à la PMA en général et de poser déjà les fondements d’une réflexion sur ces pratiques. Mais si quelqu’un préfère travailler sur le long terme et s’atteler à la PMA en soi et en général, fantastique ! Il n’y a pas une stratégie : que chacun suive celle qui lui semble réalisable et efficace. Bien malin celui qui peut dire à autrui « vous devriez plutôt faire ceci ou cela ». Dans ce cas, je réponds « mais quelle bonne idée ! je vous en prie, faites-le vous-même ! »

Vous n'avez d'autre latitude que de poser les dilemmes que le choix de telle solution pose à la société. Vous ne pouvez que rappeler la loi actuelle et intervenir, comme vous le faites, en fonction du respect de la Convention des droits de l'enfant. Ne risquez-vous pas à tout moment d'être accusée de parti pris, de donner dans la pente savonneuse ou d'extrapoler, quand vous supposez, par exemple, que bientôt, les parents ressentiront une espèce d'obligation morale à ne plus avoir d'enfant biologique, d'où un eugénisme rampant?

Dans le contexte que nous connaissons de relativisme généralisé des valeurs (chacun sa morale, chacun son opinion, chacun ses priorités, ce qui vaut pour vous ne vaut pas pour moi etc.), le droit apparaît comme la seule norme commune à tous : ce n’est pas une opinion à laquelle on se rallie si on est intéressé ou convaincu, c’est un ensemble normatif contraignant et commun à toute la société. Du coup, le droit se retrouve promu au rang de quasi dernier espace public de discussion avec nos contemporains. Il est le cadre pour tous, et chacun est légitime à intervenir sur ce terrain car la loi concerne tous les citoyens que nous sommes.
Si je vais voir un député et que je lui dis : « priver légalement un enfant de père, c’est mal », il peut me répondre : « ah oui ? c’est votre avis, moi je trouve que c’est bien ». Fin de la discussion.
En revanche, si je lui dis « priver un enfant légalement de père c’est contraire à la Convention des droits de l’enfant », il est supposé être intéressé car la France a ratifié cette convention qui s’impose donc au législateur.
On m’a déjà reproché d’utiliser le droit pour défendre mes idées : je réponds : le droit appartient à tous les citoyens, je suis désolée pour vous si le droit en vigueur plaide ma cause. Si la convention des droits de l’enfant ne vous plait pas, réformez-la mais, tant qu’elle dit que l’enfant a le droit de connaître ses parents et d’être élevés par eux, vous ne respectez pas les droits de l’enfant. Assumez-le plutôt que de m’accuser d’instrumentaliser le droit.
Ensuite, je ne pense pas provoquer les dégâts à les annoncer (par exemple, le risque de pression sociale en faveur de la PMA généralisée, ou la marchandisation des éléments du corps) : prévoir les dégâts, ce n’est pas cela qui provoque les dégâts. Au contraire, ne pas prévoir les dégâts permet d’adopter naïvement des lois catastrophiques qui produisent bel et bien les dégâts qu’on n’a pas voulu voir.


Quelles limites fixez-vous à votre champ d'intervention? Quelles frustrations pouvez-vous éventuellement ressentir dans la fixation de ces limites? Sur quels thèmes estimez-vous que les pouvoirs publics accordent de la légitimité à votre parole en fonction de la bonne définition de votre périmètre d'intervention?

Mon champ d’intervention est le terrain juridique. Je ne ressens à ce jour aucune frustration liée à cette limitation car je n’arrive pas à couvrir ce terrain. Quand on aura remis le droit en accord avec la justice, on en reparlera. Pour l’instant, il y a de quoi faire !
Je ne peux répondre pour « les pouvoirs publics en général » : il y a chez les politiques des personnes qui ont le souci de la justice et du bien commun, et je crois leur apporter des éléments utiles. Il y a ceux qui ne se soucient pas des conséquences car ils sont dans l’idéologie, avec ceux-là les arguments ne portent pas tout de suite….
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images/icones/neutre.gif Champs par le torrentiel (2018-06-07 02:51:37)
     images/icones/neutre.gif [réponse] par Aude Mirkovic (2018-06-11 18:46:57)



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