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images/icones/livre.gif  ( 8285 )Les sources de la morale chrétienne par Escartefigue (2009-12-06 19:16:22) 

Servais Th. PINCKAERS
Les sources de la morale chrétienne
Sa méthode, son contenu, son histoire
Académic Press Fribourg/Cerf, février 2007, 38 €

La réédition de cette somme (523 pages) de la morale thomiste, éditée primitivement en 1985, rend disponible un guide sûr sur les questions morales actuelles. Disons d’emblée que l’auteur participe au redéploiement de la morale, entamé avant le concile Vatican II mais accentué après (Décret Optatam totius, n. 16 : l’Ecriture Sainte doit être l’âme de toute la théologie). La morale a été longtemps marquée par les nécessités du ministère pastoral du confesseur à l’origine des manuels visant avant tout à être concis et pratiques. Ce livre sur les fondements de l’édifice moral articule son propos autour de trois grands thèmes : une morale humaine et chrétienne ; une histoire de la théologie morale ; la liberté et la loi naturelle. Cette approche présente une affinité avec celle du dominicain Ceslas Spicq (Connaissance et Morale dans la Bible, Paris, Cerf/Editions Universitaires de Fribourg, 1985, ouvrage malheureusement épuisé) : celle du modèle téléologique du traité de la béatitude, central dans la moralité thomasienne, qui renvoie à la fin dernière, c’est-à-dire au bonheur et à l’amitié. Ainsi apparaît dans toute sa force la question : comment rétablir le lien entre la morale et le bonheur ? On avait, après la vague protestante, arraché la théologie morale à sa source naturelle et patristique : l’Ecriture Sainte. C’est donc tout naturellement que dans son ample relecture la morale de la vertu supplante la morale de l’obligation. Le but est de nous conduire aux sommets de la perfection chrétienne en mettant fin au divorce qui aurait indûment séparé la théologie morale de la théologie ascétique et mystique, sous prétexte que cette dernière s’occupe d’actes libres (les Béatitudes) qui dépassent l’obligation légale. Mais S. Pinckaers, op, force parfois le trait : un pan de la morale catholique serait influencé par les morales modernes, post-nominalistes et post-kantiennes. Centrées sur les normes, les impératifs, l’étude des actes singuliers et des cas, elles ne pourraient rendre compte d’une morale de l’intériorité, du « cœur » et conduiraient, de ce fait, à une morale étriquée. On ne s’étonnera donc pas de la volonté du dominicain de dépasser les querelles historiques entre systèmes moraux mis en place au seuil de l’âge moderne (XVIe-XVIIIe s.) : casuistique des Institutiones Morales, probabilisme et ses variantes, conciliation de saint Alphonse de Liguori, pourtant classiques dans l’Eglise.