Le Forum Catholique

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images/icones/abbe1.gif  ( 8119 )Comment crée-t-on une Fraternité? par Pierre Marciani (2009-11-20 18:27:35) 

On a un certain nombre de témoignages de prêtres qui expliquent ce qui les a amenés au sacerdoce. Un peu moins concernant les fondateurs de Fraternités sacerdotales, notamment avec la vocation d'une communauté comme la vôtre. Pouvez-vous, en quelques mots, nous dire ce qui vous a conduit à fonder la Fraternité st Vincent Ferrier? Quel fut l'élément déclenchant qui vous a fait vous dire "Il faut que je fonde une Fraternité"?

Question subsidiaire: pourquoi "Saint Vincent Ferrier"?
images/icones/abbe1.gif  ( 8193 )[réponse] par Révérend Père Louis-Marie de Blignières (2009-11-27 18:49:03) 
[en réponse à 8119]

On a un certain nombre de témoignages de prêtres qui expliquent ce qui les a amenés au sacerdoce. Un peu moins concernant les fondateurs de Fraternités sacerdotales, notamment avec la vocation d'une communauté comme la vôtre. Pouvez-vous, en quelques mots, nous dire ce qui vous a conduit à fonder la Fraternité st Vincent Ferrier? Quel fut l'élément déclenchant qui vous a fait vous dire "Il faut que je fonde une Fraternité"?
Question subsidiaire: pourquoi "Saint Vincent Ferrier"?


Réponse. Comme beaucoup de ceux qui réalisent une vocation sacerdotale, j’ai pensé très tôt être prêtre. Comme je désirais être missionnaire et que j’avais de l’attrait pour l’astronomie, je me disais que la vocation jésuite (eh oui !) réunissait tout cela… Une crise grave à l’adolescence me fit traverser une période d’agnosticisme ou d’athéisme, de 16 à 21 ans. Grâce à Dieu (et à l’ami qui m’a poussé à faire une retraite de Saint Ignace, à un moment où à vrai dire j’étais prêt, ayant touché les abîmes du désespoir métaphysique), j’ai retrouvé la foi en 1970 ; et deux ans après, encore lors d’une retraite, la vocation de mon enfance. Je suis rentré dans la communauté des prédicateurs de cette retraite, des bénédictins, qui se fixèrent en Suisse à Martigny où je passais trois ans. Mais je ressentis l’appel à davantage d’études, et à un apostolat plus varié, et orienté vers la formation doctrinale. Evidemment, je découvris en étudiant la vocation dominicaine qu’elle répondait parfaitement à ces aspirations.
Avec deux ou trois séminaristes plus jeunes (je faisais alors ma théologie à Ecône, mon cours comportant d’ailleurs des personnalités diverses … comme Richard Williamson), nous formâmes le projet d’une Fraternité dominicaine. Le patronage de Saint Vincent Ferrier s’imposa, par la lecture d’une biographie de ce « saint des temps de crise » (voyez sur notre site : www.chemere.org à : Saints Patrons >> Saint Vincent Ferrier) qui nous enthousiasma, et aussi du fait que le patronage de Saint Dominique était déjà pris, par ces jeunes du MJCF, qui allaient devenir les religieux d’Avrillé. Le Père Guérard des Lauriers nous encouragea, et finalement nous donna son appui, bien qu’il eût souhaité au début que nous nous réunissions au projet des jeunes du MJCF. Après mon départ de la FSSPX, Dom Gérard (auquel me présentât Jean Madiran, dont mon frère Hugues Kéraly était un proche collaborateur) eût la charité de me recevoir comme oblat régulier du Prieuré Sainte-Madeleine, alors à Bédoin. C’est à ce titre que je reçus le diaconat, puis le sacerdoce des mains de Mgr Lefebvre, le 25 août 1977 à Chatelperron dans l’Allier.
Après deux ans pour compléter mes cours et chercher un point de chute, je trouvais une possibilité ici à Chémeré. Les premières vocations sont venues des cours de spiritualité que je donnais à Saint Nicolas du Chardonnet, et des premières retraites du Rosaire prêchées à l’été 1979.
Il est difficile de dire à quel moment on entend l’appel intérieur à fonder. Cela a mûri progressivement, de 1975 à 1979. Je craignais mon inexpérience, et cherchais si un Père de l’Ordre accepterait de se mettre à la tête de notre groupe : en vain. J’ai gardé la lettre de l’un d’entre eux (qui est monté depuis très haut dans la hiérarchie de l’Eglise). Il me disait en substance que la vie dominicaine telle que je la cherchais n’existait plus dans l’Ordre. Je me suis dit : « Va-t-on attendre la fin de la crise dans l’Eglise pour tenter quelque chose » ? C’est peut-être ce qui m’a décidé à me jeter à l’eau… On sent comme une force intérieure surhumaine à laquelle il est difficile de résister. En gros : je veux, je dois mener la vie dominicaine traditionnelle, avec la liturgie propre ; avec saint Thomas comme maître pour sa valeur de vérité, et non seulement comme option historique préférentielle ; avec les observances régulières. Or il n’y a plus de communauté qui la propose. Donc il faut fonder.
Mais je vous avoue que l’on fait cela avec crainte et tremblement, surtout lorsque l’on a conscience du caractère non-canonique de l’entreprise. Je me souviens d’avoir dit la veille de ma première profession (privée) au Père G des L : « Et si nous nous trompons ? ». Il s’est concentré, avant de me répondre : « Nous sommes de bonne foi, Dieu sera miséricordieux ». Il avait raison, et cette miséricorde a pris pour nous des chemins imprévisibles, nos contacts avec des dominicaines contemplatives qui nous ont édifiés, nos échanges avec des Pères de la CDF, notre changement par rapport à l’Autorité, notre rapide reconnaissance de droit pontifical (deux mois entre la demande et la réponse : nous étions neuf, dont un seul prêtre !) ; et les encouragements reçus de vieux pères qui disaient se retrouver chez nous comme dans leur jeunesse dominicaine…