Le Forum Catholique

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images/icones/hum2.gif  ( 8103 )Esprit du concile du Vatican II par AVV-VVK (2009-11-15 21:26:02) 

Très Révérend Père, j'aimerais savoir quel est précisément l'esprit du concile dernier, quelle est exactement sa dynamique. D'une part je lis avec dévotion des extraits des textes conciliaires dans la "Liturgia Horarum", d'autre part on est peiné par une contestation continue (doctrine, liturgie, discipline, etc.) se réclamant d'une dynamique "perdue" des années soixante (du siècle précédent) et qui n'est pas réprouvée tandis que... "Ecône" a été puni. Pourquoi deux poids et deux mesures? Excusez-moi de poser cette question un peu simpliste mais une telle situation devient éprouvante dans notre Eglise. D'avance, merci.
images/icones/fleche2.gif  ( 8105 )Un exemple, par AVV-VVK (2009-11-16 20:45:43) 
[en réponse à 8103]

Réverénd Père, comment faudrait-il juger la lettre ouverte au Pape par le père jésuite Henri Boulad. Il rêve déjà d'un Vatican III! Merci.
images/icones/carnet.gif  ( 8139 )La lettre du RP BOULAD est effectivement édifiante ! Je crois utile de la reproduire par Athanase (2009-11-24 16:25:28) 
[en réponse à 8105]

Merci, cher AVV-VVK, de l'avoir citée: c'est consternant et bien révélateur d'une crise dans les esprits.

" L'Eglise a besoin de Vatican III "- P. Henri Boulad,s.j.
20 / 07 / 2009
J'ai pense qu'une telle lettre-initiative merite d'etre lue et generalisee pour la gloire de Dieu et pour le bien de l'homme -Tout l'homme et tout homme; et afin qu'une nouvelle Pentecote arrive!

Lettre personnelle au Pape Benoît XVI
Auteur du texte: Henri Boulad ~ Publié le Mercredi 8 juillet 2009
Objet : SOS POUR L’EGLISE D’AUJOURD’HUI
Très Saint Père,
J’ose m’adresser directement à vous, car mon cœur saigne de voir l’abîme dans lequel notre Eglise est en train de sombrer. Vous voudrez bien excuser ma franchise toute filiale, dictée à la fois par « la liberté des enfants de Dieu » à laquelle nous invite saint Paul, et par mon amour passionné pour l’Eglise. Vous voudrez bien aussi excuser le ton alarmiste de cette lettre, car je crois qu’ « il est moins cinq » et que la situation ne saurait attendre davantage. Permettez-moi tout d’abord de me présenter. Jésuite égypto-libanais de rite melkite, j’aurai bientôt mes 76 ans. Je suis depuis trois ans recteur du Collège des jésuites au Caire, après avoir assumé les charges suivantes : supérieur des jésuites à Alexandrie, supérieur régional des jésuites d’Egypte, professeur de théologie au Caire, directeur de Caritas-Egypte et vice-président de Caritas Internationalis pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Je connais très bien la hiérarchie catholique d’Egypte pour avoir participé pendant plusieurs années à ses réunions, en tant que Président des Supérieurs religieux d’Instituts en Egypte. J’ai des relations très personnelles avec chacun d’eux, dont certains sont mes anciens élèves. Par ailleurs, je connais personnellement le Pape Chenouda III, que j’avais l’habitude de voir assez régulièrement.
Quant à la hiérarchie catholique d’Europe, j’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois personnellement tel ou tel de ses membres, dont le Cardinal Koenig, le Cardinal Schönborn, le Cardinal Martini, le Cardinal Daneels, l’Archevêque Kothgasser, les évêques diocésains Kapellari et Küng, les autres évêques autrichiens, ainsi que des évêques d’autres pays européens. Ces rencontres ont lieu lors de mes tournées annuelles de conférences en Europe : Autriche, Allemagne, Suisse, Hongrie, France, Belgique… Dans ces tournées, je m’adresse à des auditoires très divers, ainsi qu’aux médias (journaux, radios, télévisions…). J’en fais autant en Egypte et au Proche-Orient.
J’ai visité une cinquantaine de pays dans les quatre continents et publié une trentaine d’ouvrages dans une quinzaine de langues, notamment en français, arabe, hongrois et allemand. Parmi mes treize livres dans cette langue, vous avez peut-être lu Gottessöhne, Gottestöchter, que vous a passé votre ami, le P. Erich Fink de Bavière.
Je ne dis pas tout cela pour me vanter, mais pour vous dire simplement que mes propos sont fondés sur une connaissance réelle de l’Eglise universelle et de sa situation aujourd’hui, en 2007.
J’en viens à l’objet de cette lettre, où j’essaierai d’être le plus bref, le plus clair et le plus objectif possible. Tout d’abord, un certain nombre de constats (la liste est loin d’être exhaustive) :
La pratique religieuse est en déclin contant. Les églises d’Europe et du Canada ne sont plus fréquentées que par un nombre de plus en plus réduit de personnes du 3ème âge, qui disparaîtront bientôt. Il n’y aura plus alors qu’à fermer ces églises, ou à les transformer en musées, en mosquées, en clubs ou en bibliothèques municipales – comme cela se fait déjà. Ce qui me surprend, c’est que beaucoup d’entre elles sont en train d’être entièrement rénovées et modernisées à grand frais dans l’intention d’attirer les fidèles. Mais ce n’est pas cela qui freinera l’exode. Les séminaires et noviciats se vident au même rythme, et les vocations sont en chute libre. L’avenir est plutôt sombre et l’on se demande qui prendra la relève. De plus en plus de paroisses européennes sont actuellement assumées par des prêtres d’Asie ou d’Afrique. Beaucoup de prêtres quittent le sacerdoce et le petit nombre de ceux qui l’exercent encore – dont l’âge est souvent au-dessus de celui de la retraite - doivent assurer le service de plusieurs paroisses, de façon expéditive et administrative. Beaucoup parmi ceux-ci, tant en Europe que dans le tiers-monde, vivent en concubinage au vu et su de leurs fidèles, qui souvent les approuvent, et de leur évêque, qui n’en peut mais… vu la pénurie de prêtres. Le langage de l’Eglise est désuet, anachronique, ennuyeux, répétitif, moralisant, totalement inadapté à notre époque. Il ne s’agit pas du tout d’aller dans le sens du poil et de faire de la démagogie, car le message de l’Evangile doit être présenté dans toute sa crudité et son exigence. Ce qu’il faudrait plutôt, c’est de procéder à cette « nouvelle évangélisation » à laquelle nous conviait Jean-Paul II. Mais celle-ci, contrairement à ce que beaucoup pensent, ne consiste pas du tout à répéter l’ancienne, qui ne mord plus, mais à innover, inventer un nouveau langage qui redise la foi de façon pertinente et signifiante pour l’homme d’aujourd’hui. Cela ne pourra se faire que par un renouveau en profondeur de la théologie et de la catéchèse, qui devraient être repensées et reformulées de fond en comble. Un prêtre et religieux allemand rencontré récemment me disait que le mot « mystique » n’était pas mentionné une seule fois dans Le nouveau catéchisme. J’en étais estomaqué. Il faut bien constater que notre foi est très cérébrale, abstraite, dogmatique et parle très peu au cœur et au corps. Comme conséquence, un grand nombre de chrétiens se tournent vers les religions d’Asie, les sectes, le New-Age, les églises évangéliques, l’occultisme, etc. Comment s’en étonner ? Ils vont chercher ailleurs la nourriture qu’ils ne trouvent pas chez nous, car ils ont l’impression que nous leur donnons des pierres en guise de pain. La foi chrétienne qui, autrefois, conférait un sens à la vie des gens, est pour eux aujourd’hui une énigme, la survivance d’un passé révolu. Sur le plan moral et éthique, les injonctions du Magistère, répétées à satiété, sur le mariage, la contraception, l’avortement, l’euthanasie, l’homosexualité, le mariage des prêtres, les divorcés remariés, etc. ne touchent plus personne et n’engendrent que lassitude et indifférence. Tous ces problèmes moraux et pastoraux méritent plus que des déclarations péremptoires. Ils ont besoin d’une approche pastorale, sociologique, psychologique, humaine… dans une ligne plus évangélique. L’Eglise catholique, qui a été la grande éducatrice de l’Europe pendant des siècles, semble oublier que cette Europe a accédé à la maturité. Notre Europe adulte refuse d’être traitée en mineure. Le style paternaliste d’une Eglise Mater et Magistra est définitivement périmé et ne colle plus aujourd’hui. Nos chrétiens ont appris à penser par eux-mêmes et ne sont pas prêts à avaler n’importe quoi. Les nations les plus catholiques d’autrefois – la France, « fille aînée de l’Eglise », ou le Canada français ultra-catholique – ont opéré un retournement à 180° pour verser dans l’athéisme, l’anticléricalisme, l’agnosticisme, l’indifférence. Pour un certain nombre d’autres nations européennes, le processus est en cours. On constate que plus un peuple a été couvé et materné par l’Eglise dans le passé, plus la réaction contre elle est forte. Le dialogue avec les autres Eglises et les autres religions marque aujourd’hui un recul inquiétant. Les avancées remarquables réalisées depuis un demi-siècle semblent en ce moment compromises.
Face à ce constat plutôt accablant, la réaction de l’Eglise est double :
- Elle tend à minimiser la gravité de la situation et à se consoler en constatant un certain renouveau dans son aile la plus traditionnelle, ainsi que dans les pays du tiers-monde.
- Elle invoque la confiance dans le Seigneur, qui l’a soutenue pendant vingt siècles et sera bien capable de l’aider à dépasser cette nouvelle crise, comme il l’a fait pour les précédentes. N’a-t-elle pas les promesses de la vie éternelle ?…
A cela je réponds :
- Ce n’est pas en s’arc-boutant sur le passé, en en recueillant les fragments, que l’on résoudra les problèmes d’aujourd’hui et de demain.
- L’apparente vitalité des Eglises du tiers-monde est trompeuse. Selon toute vraisemblance, ces nouvelles Eglises passeront tôt ou tard par les mêmes crises qu’a connues la vieille chrétienté européenne.
- La Modernité est incontournable et c’est pour l’avoir oublié que l’Eglise est dans une telle crise aujourd’hui. Vatican II, a essayé de rattraper quatre siècles de retard, mais on a l’impression que l’Eglise est en train de refermer lentement les portes qui se sont ouvertes alors, et tentée de se tourner vers Trente et Vatican I, plutôt que vers Vatican III. Rappelons-nous l’injonction plusieurs fois répétée de Jean-Paul II : « Pas d’alternative à Vatican II ».
- Jusqu’à quand continuerons-nous à jouer à la politique de l’autruche et à enfouir notre tête dans le sable ? Jusqu’à quand refuserons-nous de regarder les choses en face ? Jusqu’à quand essaierons-nous de sauver à tout prix la façade – une façade qui ne fait illusion à personne aujourd’hui ? Jusqu’à quand continuerons-nous à nous braquer, à nous crisper contre toute critique, au lieu d’y voir une chance vers un renouveau ? Jusqu’à quand continuerons-nous à remettre aux calendes grecques une réforme qui s’impose impérativement et qu’on n’a que trop longtemps remise ?
- C’est en regardant résolument vers l’avant et non vers l’arrière, que l’Eglise accomplira sa mission d’être lumière du monde, sel de la terre, levain dans la pâte. Or, ce que nous constatons malheureusement aujourd’hui, c’est que l’Eglise est à la traîne de notre époque, après avoir été la pionnière du monde pendant des siècles.
- Je répète ce que je disais au début de cette lettre : « IL EST MOINS CINQ ! » - fünf vor zwölf ! L’Histoire n’attend pas, surtout à notre époque, où le rythme s’emballe et s’accélère.
- Toute entreprise commerciale qui constate un déficit ou des dysfonctionnements se remet immédiatement en question, réunit des experts, tente de se reprendre, mobilise toutes ses énergies pour dépasser la crise.
- Pourquoi l’Eglise n’en fait-elle pas autant ? Pourquoi ne mobilise-t-elle pas toutes ses forces vives pour un radical aggiornamento ? Pourquoi ?
- Paresse, lâcheté, orgueil, manque d’imagination, de créativité, quiétisme coupable, dans l’espoir que le Seigneur s’arrangera et que l’Eglise en a connu bien d’autres dans le passé ?…
- Le Christ, dans l’évangile, nous met en garde : « Les fils des ténèbres sont beaucoup plus habiles dans la gestion de leurs affaires que les fils de lumière… »
ALORS, QUE FAIRE ?… L’Eglise d’aujourd’hui a un besoin impérieux et urgent d’une TRIPLE REFORME : Une réforme théologique et catéchétique pour repenser la foi et la reformuler de façon cohérente pour nos contemporains. Une foi qui ne signifie plus rien, qui ne donne pas un sens à l’existence, n’est plus qu’un pur ornement, une superstructure inutile qui tombe d’elle-même. C’est le cas aujourd’hui. Une réforme pastorale pour repenser de fond en comble les structures héritées du passé. (Voir ci-après mes suggestions dans ce domaine.) Une réforme spirituelle pour revivifier la mystique et repenser les sacrements en vue de leur donner une dimension existentielle, de les articuler à la vie. J’aurais beaucoup à dire là-dessus.
L’Eglise d’aujourd’hui est trop formelle, trop formaliste. On a l’impression que l’institution étouffe le charisme et que ce qui compte finalement c’est une stabilité tout extérieure, une respectabilité de surface, une certaine façade. Ne risquons-nous pas de nous voir un jour traiter par Jésus de « sépulcres blanchis… » ?

Pour terminer, je suggère la convocation, au niveau de l’Eglise universelle, d’un synode général auquel participeraient tous les chrétiens – catholiques et autres – pour examiner en toute franchise et clarté les points signalés plus haut et tous ceux qui seraient proposés. Un tel synode, qui durerait trois ans, serait couronné par une assemblée générale – évitons le terme de « concile » - qui rassemblerait les résultats de cette enquête et en tirerait les conclusions.
Je termine, très Saint-Père, en vous demandant de pardonner ma franchise et mon audace et en sollicitant votre paternelle bénédiction. Permettez-moi aussi de vous dire que je vis ces jours-ci en votre compagnie, grâce à votre livre remarquable, Jésus de Nazareth, qui fait l’objet de ma lecture spirituelle et de ma méditation quotidienne.
Sincèrement vôtre dans le Seigneur,





images/icones/neutre.gif  ( 8138 )Remarque ! par Athanase (2009-11-24 16:10:48) 
[en réponse à 8103]


On dit: "un poids, deux mesures", faute de quoi votre propos justifie ce que vous dénoncez !
images/icones/fleur.gif  ( 8142 )Merci par AVV-VVK (2009-11-24 19:54:27) 
[en réponse à 8138]

pour cette remarque linguistique, bien que mon dictionnaire mentionne "deux poids et deux mesures"....
images/icones/fleche2.gif  ( 8180 )[réponse] par Révérend Père Louis-Marie de Blignières (2009-11-27 18:32:21) 
[en réponse à 8103]

Très Révérend Père, j'aimerais savoir quel est précisément l'esprit du concile dernier, quelle est exactement sa dynamique. D'une part je lis avec dévotion des extraits des textes conciliaires dans la "Liturgia Horarum", d'autre part on est peiné par une contestation continue (doctrine, liturgie, discipline, etc.) se réclamant d'une dynamique "perdue" des années soixante (du siècle précédent) et qui n'est pas réprouvée tandis que... "Ecône" a été puni. Pourquoi deux poids et deux mesures? Excusez-moi de poser cette question un peu simpliste mais une telle situation devient éprouvante dans notre Eglise. D'avance, merci.

Réponse. J’ai moi-même bien du mal à comprendre ce qu’est ce fameux « esprit ». Ce sont ceux qui l’invoquent qui lui donnent un contenu, variable selon les personnes et les moments, mais toujours marqué par un esprit antidogmatique et l’« impiété à l’égard de l’être historique de l’Eglise » (comme dit Madiran). Peut-être que le discours de Benoît XVI à la Curie le 22 décembre 2005 vous éclairerait. L’ « herméneutique de rupture » s’appuie sur un supposé « esprit », qui fut celui des éléments les plus progressistes au moment du Concile, et qu’ils n’ont pu que très partiellement inscrire dans les textes eux-mêmes. Disons que les considérants de plusieurs textes sont marqués d’équivoques ou d’imprécisions, de silences, qui viennent peut-être de l’intention délibérée de placer là le moyen d’aller plus loin ultérieurement. Mais le magistère comme tel, s’il a accepté que les textes soient promulgués par lui avec ces insuffisances, n’a pas ratifié ces intentions de « dépassement » ultérieur. On peut dire même que Benoît XVI les a désavouées par le discours cité. Reste à mon avis que des interprétations authentiques de fort degré d’autorité (préparées par le Catéchisme de l’Eglise catholique et certaines des Encycliques de Jean-Paul II) sont nécessaires sur les points les plus épineux : collégialité, liberté religieuse, œcuménisme, rapport aves les non-chrétiens. Je remarque que Benoît XVI parle, non d’une « herméneutique de continuité » mais « de la réforme (ou du renouveau) dans la continuité ». Disons que « le Concile » (évènement) est terminé, ce qui reste ce sont les Actes promulgués (donnée magistérielle). L’avenir dira si ces Actes seront la base d’une vrai réforme dans la continuité.