Le Forum Catholique

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images/icones/hein.gif  ( 6979 )Monarchie nationale par Conomore (2009-01-19 10:43:40) 

A partir de quel moment peut-on dire que la monarchie capétienne est une monarchie nationale?
images/icones/hein.gif  ( 6980 )le concept de nation par A Nodin (2009-01-19 11:00:23) 
[en réponse ŕ 6979]

dans son sens moderne, n'est-il pas surtout issu de la révolution?

La nation est l'ensemble des citoyens, le citoyen est celui qui est utile.
La nation, c'est la terre et les vivants, Maurice Barrès, d'où ce concept d'utilité? Qu'en pensez vous?
images/icones/neutre.gif  ( 7020 )rĂ©ponse Ă  l'idĂ©e de nation par Gabriel Dubois (2009-01-20 18:32:22) 
[en réponse ŕ 6980]

L’idée de nation au sens moderne est plus contraignant, plus écrasant, plus identitaire également que celui où l’entendait nos pères. Il est certainement issu de la Révolution jacobine, qui confondait l’unité et l’unanimité.

Ainsi, aujourd’hui, nul ne conçoit une nation sans une unité de coutumes, de langue, de lois, etc.

Pour les Français de l’Ancien Régime, appartenir à la nation française, avoir un roi de France et aller se battre pour la patrie française, cela ne signifiait pas pour autant renier son village, sa province, sa langue, ses coutumes, ses droits et ses privilèges, en bref ses libertés. Et une même nation pouvait être composée de corps divers, sans souci d’unanimisme.

La notion de nation républicaine, largement acceptée aujourd’hui, n’a donc rien à voir avec la nation d’Ancien régime.

J’irais plus loin en disant que la nation d’Ancien Régime est profondément organique. A la différence de l’unanimisme national contemporain, qui, détruisant les particularités, crée des atomes individuels dans la nation. De fait, ne concevant la nation que comme un agglomérat d’êtres identiques, cette vision de la nation est mère de tous les individualismes et destructrices, de ce fait, des nations, qui ont besoin de ces corps divers pour respirer. Enfin, la nation moderne est mère des nationalismes guerriers, bien loin de ce nationalisme protecteur, fait du respect des libertés, que vivaient les Français des siècles passés et que chantaient encore les félibriges du début du XXe siècle.

Il y a en effet, dans cette idée de nation, confondue avec le citoyen anonyme, la citoyenneté, cette idée d’utilité. N’est bon pour la nation que le citoyen actif, producteur en quelque sorte, et donc artisan physique de la nation. Cette idée de la nation était déjà en germe chez les philosophes des Lumières, et ce n’est pas pour rien qu’ils avaient en horreur les ordres contemplatifs, jugés inutiles. De même, les légistes de la révolution détestaient la jurisprudence et les corps constitués, car ces deux choses représentaient l’indépendance des juges, la vitalité d’un droit local dans le premier cas, et l’existence d’institutions entre le citoyen et l’Etat, dans le deuxième cas.

En revanche, j’introduirais une correction pour la citation de Maurice Barrès, qui disait que la nation c’est « la terre et les morts. » Autrement dit, la terre charnelle et nos ancêtres qui l’ont peuplée et travaillée.
images/icones/neutre.gif  ( 7019 )[réponse] par Gabriel Dubois (2009-01-20 18:30:47) 
[en réponse ŕ 6979]

Avant de répondre, il me semble nécessaire de nous entendre sur les termes.

C'est-Ă -dire :

La nation, et l’idée, ensuite de nationalité ou d’espace national, ou d’appartenance nationale, sont liées à l’idée de peuple, exclusivement. Peuple au sens d’un ensemble social, culturel, politique, ayant une conscience, même confuse, de lui-même. Au sein de ce peuple peuvent vivre des sous-composants régionaux qui seront autant de micro-nations étant les parties du tout national.

La patrie, elle, étant la terre, autrement dit, l’ensemble territorial, parfois concordant parfaitement avec l’Etat.

Partant de là, peut-on dire que la royauté capétienne fut toujours une royauté nationale, au sens qu’elle aurait toujours régné sur une seule et unique nation ?

Déjà, Grégoire de Tours, au VIe siècle, dans son Historiae Francorum, parle des Francs comme d’une nation, et parle bien du royaume des Francs pour définir l’ensemble du royaume Mérovingien. C'est-à-dire que lui-même, pourtant de souche gallo-romaine, conscient d’ailleurs de ses racines, se considère comme Franc.

Ainsi, sans pour autant oublier son appartenance régionale, il y a, dans les écrits, une conscience confuse d’appartenir à un ensemble national plus important, le royaume des Francs, qui deviendra plus tard, pour schématiser à l’excès, la France.

Aussi, ces mutations vers la prise de conscience de l’existence d’un espace national français étant largement réalisées à l’avènement d’Hugues Capet, on peut dire que la royauté capétienne fut toujours une royauté nationale, à la différence de la royauté habsbourgeoise, qui fut pluri nationale.

Ensuite, il est vrai que selon la façon dont l’on conçoit la nation et le degré de prise de conscience par les peuples d’une appartenance nationale pour décréter qu’une nation existe bien, on peut toujours nuancer ce propos.

Ainsi, si dès Hugues Capet il y a la conscience confuse de faire partie d’un même royaume, si les habitants de ce royaume sont appelés Francs, en dépit de leurs différences régionales, peut-on dire que chacun ait une pleine conscience de ce que cela recouvre, et tire les conséquences de cette appartenance nationale ? Ce n’est pas sûr.

C’est pourquoi un historien comme Georges Duby voyait dans la bataille de Bouvines l’acte de naissance symbolique de la nation française. En effet, regroupant des Français de tous horizons et de toutes conditions, cette bataille, fut le premier véritable moment d’union nationale face à une menace extérieure.

Si l’idée de nation est ensuite attachée à une unité linguistique, on ne peut pas dire que la nation française soit née avec l’édit de Villers-Côteret, sous François Ier. Mais dans cette conception de la nation, on se rapproche déjà d’un idéal jacobin que les rois de France n’ont jamais connu.

C’est pourquoi, personnellement, afin de conserver une idée de la nation comme s’en faisait les contemporains de nos rois, je préfère rester plus souple, et admettre que l’idée de nation française s’est fait jour, plus ou moins confusément, avant même l’avènement capétien, quitte à rester modéré dans la définition de ce qu’est une nation.