Le Forum Catholique

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images/icones/neutre.gif  ( 6970 )Un titre peut-être racoleur? par baudelairec2000 (2009-01-18 18:42:38) 

bonsoir Monsieur,

versé dans l'étude de la période franque, je me hasarde rarement au delà de la fin du XII e siècle, je vous avoue que le titre de votre ouvrage m'étonne. Non seulement le substantif "saga", mais aussi le vocable "capétien". N'est-il pas tout bonnement réducteur? De Hugues Capet à Louis XVI, 8 siècles; certes, tous ces souverains appartiennent à la même dynastie, mais qu'y a-t-il de commun entre le contexte des Capétiens directs d'une part et celui des Valois ou des Bourbons d'autre part?
images/icones/1b.gif  ( 6989 )suite question Baudelaire par Fioretti (2009-01-19 16:50:05) 
[en réponse à 6970]

Vous etes édité par Tempora comme mr Bernard Viallet ... est ce que c'est l'éditeur qui a choisi le titre ? (comme pour lui "le mamouth m'a tuer")
images/icones/neutre.gif  ( 7010 )[réponse] par Gabriel Dubois (2009-01-20 18:20:50) 
[en réponse à 6970]

Monsieur,

Le titre, en lui-même, m’a été proposé par mon éditeur. Je le trouvais agréable à entendre, ne mettant pas en cause de vérité historique, je n’avais pas d’idée à proposer de mon côté quant à un titre autre que « Histoire des rois de France », aussi, l’ai-je accepté.

Pour le défendre et répondre à votre question, je dirais qu’il faudrait arriver, tout d’abord, à distinguer (mais non séparer) la forme et le fond.

En effet, dans la forme politique, le corps des lois, la façon dont les affaires se mènent, il n’y a presque rien à voir entre Hugues Capet et Louis XVI. Comment comparer Louis XVI dépêchant 6000 hommes aux Amériques et Hugues Capet tentant de reprendre la ville de Laon, prise par Charles de Basse-Lorraine, dernier des Carolingiens ?
Pourtant, il y a une ligne de fond, une sorte de continuité d’Hugues Capet à Louis XVI.

Tout d’abord, le sentiment confus de la même sacralité royale, l’idée d’une charge, presque sacerdotale. Le concept du roi justicier, de même, va perdurer durant toute la période royale. Ou encore cette idée, précisée par Louis XIV, que le roi est la tête d’un corps dont les différentes parties du royaume sont les membres, autrement dit, une vision organique de la royauté, tout cela va marquer la dynastie, tout du long. Il y a également ce que l’on pourrait appeler un caractère dynastique, qui marque les Capétiens. Ainsi, cette sorte de réalisme, qui consiste à créer, peu à peu, sans plan établi, mais par empirisme, un véritable pré-carré, que l’on appelle la France. Jacques Bainville voyait l’histoire de France comme l’histoire d’une famille, il y a un peu de cela, mais alors une famille paysanne, une famille de la terre.

Le terme saga, que certains jugeront peut-être malheureux, leur va bien également. C’est un véritable roman national qu’ils mènent, sans discontinuer. De guerre en révolte, de mariage en décès, l’histoire de France se trace sous la main d’une famille. Et de roi en roi, de père en fils, on voit perdurer des tendances majeures, des conflits, des intérêts, etc.

Bien sûr, il y a mille autres facteurs historiques, qui ne relèvent pas de la volonté des rois, de l’histoire de la dynastie, mais concevoir cette marche de huit siècles comme la saga d’une famille, n’est pas sot, loin de là.

A vrai dire, dans le domaine des structures profondes de la société française, on pourrait également établir cette continuité de 8 siècles, mais pour d’autres raisons. En effet, l’évolution des structures de la société est tellement lente, tellement insensible, bien que réelle, qu’elle donne une impression d’immuabilité. Et de fait, il y a des éléments qui demeurent, durant toute la période, et même au-delà, et qui prenaient leurs racines plus haut. L’inertie de ces structures sociales donnant une impression de quasi éternel, permettent aussi d’entrevoir, à un autre niveau, le pourquoi de cette image de « saga. »

Pour mieux comprendre l’évolution lente des structures sociales, donnant une impression de quasi-immuabilité, j’invite à lire les six volumes de l’histoire des institutions de la France féodale par Fustel de Coulanges. Son étude de la propriété rurale et de l’évolution de celle-ci au court des siècles montre bien les permanences historiques et le caractère lent des évolutions profondes.
images/icones/neutre.gif  ( 7072 )éléments de bibliographie par baudelairec2000 (2009-01-20 22:40:17) 
[en réponse à 7010]

Vous vous référez à Fustel de Coulanges pour appuyer la théorie de la continuité et de la permanence des structures sociales; il me semble que depuis cet auteur, si dépendants du contexte idéologique du XIX e siècle, les historiens, en particulier, un certain nombre de juristes, ont fait évoluer la réflexion sur ce point.

Je me permets de signaler aux liseurs les ouvrages suivants:

- Le miracle capétien, ouvrage collectif sous la direction de Stéphane Rials (Perrin)

- Histoire des institutions de l'époque franque à la Révolution, ouvrage collectif par J.-L. Harouel, Jean Barbey, E. Bournazel et J. Thibaut-Payen (PUF)

- Histoire des institutions avant 1789, par F. de Saint-Bonnet et Y. Sassier (Montchrestien)

- Introduction à l'étude historique du droit et des institutions, A. Rigaudière (Economica)

- La France médiévale, J.- F. Lemarignier (Armand Colin)

- Pouvoirs et institutions dans la France médiévale (2 tomes), par O. Guillot, A. Rigaudière et Y. Sassier (Armand Colin)

- Royauté et idéologie au Moyen Age, Y. Sassier (A. Colin)

- Structures du pouvoir, royauté et Res Publica (France, IX e - XII e siècle), Y. Sassier (Publications de l'Université de Rouen)

- Arcana Imperii (IV e - XI e siècle), recueil d'articles d'Olivier Guillot (Presses universitaires de Limoges)

Quelques synthèses historiques:

- Histoire de France, les origines, K. F. Werner (Fayard)

- Naissance de la noblesse, K. F. Werner (Fayard)

- Collection "Nouvelle histoire de la France médiévale", S. Lebecq, L. Theis, D. Barthélémy... (Le Seuil, Points Histoire)

- Clovis, M. Rouche (Fayard)

- Hugues Capet, Y. Sassier (Fayard)

- La mutation de l'an mille a-t-elle eu lieu?, D. Barthélémy (Fayard)

- Charles V et Charles VI, deux biographies parues sous la plume de François Autrand (Fayard)

- Genèse médiévale de la France moderne, XIV e - XV e siècle, M. Mollat (Le Seuil)

- L'Occident aux XIV e et XV e siècles, Les Etats, par Bernard Guénée (PUF, Clio)

Ajouter à cette liste les ouvrages de Roland Mousnier, de Jean Meyer, Hubert Méthivier et Lucien Bély, professeur en poste à Paris IV, sur l'Ancien régime.

On ne négligera pas les ouvrages d'histoire économique et sociale, car les régimes politiques sont dépendants en grande partie de l'évolution économique et sociale. Ainsi les événements, souvent dramatiques, les mutations des XIV e et XV e siècles peuvent s'expliquer par des conditions matérielles exceptionnelles. L' évolution de l'économie entraine des mutations sociales, l'évolution des mentalités et des bouleversements politiques. Je ne pense pas par conséquent qu'on puisse parler à propos des siècles capétiens de continuité, si ce n'est le fait qu'une dynastie perdure. La dynastie reste en place, la France évolue.




images/icones/1a.gif  ( 7073 )Bonjour! par Gentiloup (2009-01-20 22:49:13) 
[en réponse à 7072]


L' évolution de l'économie entraine des mutations sociales, l'évolution des mentalités et des bouleversements politiques. Je ne pense pas par conséquent qu'on puisse parler à propos des siècles capétiens de continuité, si ce n'est le fait qu'une dynastie perdure. La dynastie reste en place, la France évolue.



Si je peux me permettre, cher ami, Gabriel Dubois a raison et vous aussi. Ainsi qu'il le dit il y a des choses qui changent mais il est clair qu'il y a une continuité dans la France d'Ancien Régime aussi. Autrement la cassure de 1789 n'aurait pas tranchée l'histoire d'une faille abyssale.