Le Forum Catholique

http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=4240
images/icones/info2.gif  ( 4240 )Le lundi 15 décembre 2008, Jean-François Mayer est l'invité du Forum Catholique par XA (2007-12-03 09:43:11) 

Jean-François Mayer, auteur d'Internet et Religion, a en effet accepté de participer à un prochain RV du forum, le lundi 15 décembre à partir de 18h30.

Né à Fribourg (Suisse) en 1957, Jean-François Mayer a obtenu un doctorat en histoire et civilisations à l'Université de Lyon en 1984. En 1985-1986, il a collaboré à temps partiel à Radio Suisse Internationale. Puis, de 1987 à 1990, il a été responsable d'un important projet de recherche dans le cadre du PNR 21 ("Pluralisme culturel et identité nationale") du Fonds national suisse de la recherche scientifique.

De 1991-1998, il a travaillé comme analyste sur les affaires internationales et stratégiques pour le gouvernement fédéral suisse; dès 1992, il a été dans ce cadre le responsable du secrétariat de la Conférence de situation.

Revenu au monde de la recherche à la fin des années 1990, Jean-François Mayer a enseigné à l'Université de Fribourg de 1999 à 2007. Il est fréquemment invité dans des universités étrangères.

Il a fondé en août 1999 un cabinet d'études stratégiques, JFM Recherches et Analyses. Ce cabinet effectue des travaux de recherche et d'analyse pour des administrations publiques, des entreprises et des institutions scientifiques.

Depuis le début de l'année 2006, il est également devenu conseiller scientifique du nouveau projet "Religion et politique", lancé par le Program for the Study of International Organization(s) (PSIO), à l'Institut universitaire de hautes études internationales et du développement (Genève).

En 2007, Jean-François Mayer a fondé l'Institut Religioscope, qu'il dirige aujourd'hui. Dans ce cadre, il est rédacteur en chef de Religioscope, site indépendant et bilingue qui offre des informations et études sur le rôle et la place des religions dans le monde actuel, qui a vu le jour en 2002. Il est également rédacteur associé de Religion Watch, une lettre d'information sur les tendances religieuses contemporaines, publiée depuis plus de vingt ans à New York et reprise par l'Institut Religioscope à partir de janvier 2008.

Jean-François Mayer est enfin l'auteur d'une dizaine d'ouvrages et de nombreux articles, notamment consacrés aux facteurs et développements religieux dans le monde contemporain. Une liste complète de ses publications est accessible sur son site.

Il répondra en direct aux liseurs du Forum Catholique le lundi 15 décembre 2008 à partir de 18h30.
Pour la qualité des débats, il est préférable de poser de premières questions au préalable, permettant ainsi à l'invité de préparer quelques réponses.

XA
images/icones/carnet.gif  ( 6571 )Présentation d'Internet et Religion par XA (2008-12-12 10:02:07) 
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Les nouvelles technologies ont aussi un impact sur les religions. Internet a déjà transformé nos manières de travailler et de communiquer. Changera-t-il demain les pratiques religieuses et les croyances?
Pour répondre à cette question, l’auteur de ce livre explore depuis des années les recoins les plus étonnants du Web. Découvrez avec lui les réactions des grandes religions face à Internet, les cérémonies en ligne, le succès des cyberfatwas chez les internautes musulmans, les évangélistes du cyberespace, l’émergence de communautés à travers des forums, les guerres de religion virtuelles et les défis lancés par les innovations technologiques à des mouvements religieux. Ce livre n’est pas un guide des sites religieux sur Internet, mais une analyse originale et de lecture aisée pour découvrir ces développements et leurs enjeux.

2008, 192 pages, 13.5 x 21 cm, broché, 17€
ISBN 978-2-88474-096-8
Infolio Editions est diffusé et distribué en France par "Volumen" et en Suisse par "OLF"
images/icones/carnet.gif  ( 6572 )Recension d'Yves Chiron par XA (2008-12-12 10:08:36) 
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Lectures étrangères
Internet et religion


Jean-François Mayer, historien suisse, spécialiste des religions et des nouveaux mouvements religieux, a consacré plusieurs ouvrages aux courants religieux contemporains (le mouvement swedenborgien, les Mormons, le Temple solaire). Cette fois, il consacre un livre très documenté et pertinent sur la place de la religion sur internet.
Son livre dresse un état des lieux et offre un panorama réfléchi de la situation. On peut parler de la « révolution internet » (plus d’un milliard d’utilisateurs aujourd’hui). On pourrait résumer la nouveauté et les performances d’internet en trois caractéristiques : l’instantanéité de la communication, la démultiplication de la relation et la disparition de l’espace.
La religion occupe, sur la « toile », une place qui n’est pas marginale : il existe plus d’un million de sites religieux actifs (par exemple, plus de 6.000 sites mormons et près de 10.000 sites païens). Comme le souligne Charles de Laubier : « Tout internaute peut devenir lui aussi producteur d’information, tout en étant consommateur d’information ». La médiation est réduite au minimum, avec les risques que cela comporte d’informations non vérifiées, voire de rumeurs ou de bobards répandus à la vitesse de l’éclair.

L'Eglise pionnière

Le Saint-siège a un site officiel, depuis 1997. Pour la première fois aussi, le 22 novembre 2001, Jean-Paul II a envoyé par e-mail, d’un simple clic, une exhortation apostolique, Ecclesia in Oceania, à 50 évêques et nonces des antipodes. L’Eglise catholique a été pionnière aussi dans la réflexion religieuse et éthique sur internet en publiant, en février 2002, deux documents du Conseil pontifical pour les communication sociales : L’Eglise sur Internet et Ethique en Internet.
Comme le souligne Jean-François Mayer, en faisant référence à ces deux documents, Internet est un instrument de communication ambivalent : « d’une part, contribution à l’éducation et à l’enrichissement culturel, au dialogue, etc. ; d’autre part, des moyens qui peuvent aussi être utilisés pour ”exploiter, manipuler, dominer et corrompre“. »

Évangélisation et prosélytisme

Toutes les religions, tous les courants religieux, et nombre de sectes, recourent à internet pour se faire connaître. Du simple site d’informations au culte religieux diffusé en direct, en passant par le dialogue interactif, toutes les gammes de la communication religieuse sont utilisées par les divers cultes et religions. Un site juif permet de faire déposer en direct un petit papier d’invocation dans le Mur des Lamentations. Des sites musulmans répondent aux interrogations des fidèles en donnant des fatwas (des commandements selon le droit musulman), d’autres permettent de se convertir en ligne en récitant la shahada (la profession de foi musulmane) et en rendant publique sa conversion par la publication de son nom. Des sites hindous permettent de faire ses dévotions sur écran, etc.
Quand des sites catholiques proposent des heures d’adoration eucharistique peut-on dire que l’ordinateur devient « un relais de la présence réelle du Christ sur l’autel », qu’on entre dans « une nouvelle ère de l’Adoration eucharistique » comme dit le site américain Visitez le Sauveur ? La visualisation par la magie de l’électronique ne remplacera pas la présence physique. Et l’environnement profane que nécessite l’utilisation de l’ordinateur ne saurait équivaloir, pour la sanctification, la fréquentation d’un lieu consacré. Le problème s’est déjà posé, il y a plusieurs décennies, lorsque sont apparues les premières messes radiodiffusées puis télévisées.
J.-F. Mayer rappelle néanmoins que « selon l’enseignement catholique, un fidèle peut recevoir l’indulgence plénière lors de la bénédiction urbi et orbi donnée par le pape le dimanche de Pâques même s’il n’est pas présent sur la place Saint-Pierre, en suivant ce rite avec recueillement à la télévision ou à la radio. »
Le formidable essor d’Internet ces quinze dernières années n’a pas bouleversé les religions. Jean-François Mayer estime que leur caractère universel en a été renforcé. Il relève aussi que les forums de discussion religieuse favorisent la connaissance et permettent des approfondissements (même si des « liseurs » peuvent verser aussi dans la réaction passionnée et irréfléchie).
Mais les risques ne sont pas moindres. La multiplicité des opinions émises sur un même sujet ou un point de doctrine peut troubler des esprits peu assurés dans la foi ou en recherche. L’accès immédiat au contenu de toutes les religions et mouvements religieux peut aussi favoriser une « religiosité vagabonde », un patchwork spirituel.
Internet ne sauvera pas les religions. C’est un nouveau moyen de communication à utiliser avec précaution.
Yves Chiron

Jean-François Mayer, Internet et religion, Infolio éditions (CH – 1124 Gollion), 188 pages, 17 euros.

Article paru dans le numéro 1432 de l'Homme Nouveau, p.22, reproduit avec l'aimable autorisation de l'Homme Nouveau
images/icones/vatican.gif  ( 6598 )Document : L'Eglise et internet par XA (2008-12-15 10:02:32) 
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CONSEIL PONTIFICAL POUR LES COMMUNICATIONS SOCIALES

L'EGLISE ET INTERNET




I. Introduction

II. Opportunités et défis

III. Recommandations et conclusion



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I

INTRODUCTION


1. L'intérêt de l'Eglise pour Internet est une expression particulière de son intérêt de longue date pour les moyens de communication sociale. Les considérant comme un résultat du processus historique à travers lequel l'humanité progresse « toujours davantage dans la découverte des ressources et des valeurs incluses dans l'ensemble du monde créé,1 l'Eglise a souvent exprimé sa conviction selon laquelle les médias sont, à travers les paroles du Concile Vatican II, « de merveilleuses découvertes techniques » 2 qui font déjà beaucoup pour répondre aux besoins humains et qui peuvent faire encore plus.

C'est pourquoi l'Eglise a adopté une approche fondamentalement positive à l'égard des médias.3 Même lorsqu'ils ont condamné de graves abus, les documents de ce Conseil pontifical pour les communications sociales ont fait clairement remarquer qu'« une attitude purement restrictive ou de censure de la part de l'Eglise vis-vis des médias n'est ni suffisante, ni appropriée ».4

En citant la Lettre encyclique du Pape Pie XII Miranda prorsus, datant de 1957, l'Instruction pastorale sur les moyens de communication sociale Communio et progressio, publiée en 1971, a souligné ce point: « l'Eglise considère ces moyens de communication comme des “dons de Dieu”. Selon l'intention de la Providence, ils doivent engendrer entre les hommes des rapports fraternels, susceptibles de favoriser son dessein de salut ».5 Cela demeure notre opinion, et c'est l'opinion que nous avons d'Internet.

2. L'Eglise considère que l'histoire de la communication humaine est comme un long voyage, qui conduit l'humanité « depuis les projets orgueilleux de Babel, la chute dans la confusion et l'incompréhension mutuelle qui en découlèrent (Gn 11, 1-9), jusqu'à la Pentecôte et le don des langues: le rétablissement de la communication, centrée sur Jésus, à travers l'action de l'Esprit Saint ».6 Dans la vie, la mort et la résurrection du Christ, « le fondement et le prototype de l'union entre les hommes se trouvent en Dieu, qui, en Jésus-Christ, s'est fait notre Frère humain ».7

Les moyens de communication sociale modernes représentent des facteurs culturels qui jouent un rôle important dans cette histoire. Comme le souligne le Concile Vatican II, « s'il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du règne du Christ, ce progrès a toutefois beaucoup d'importance pour le royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à une meilleure organisation de la société humaine ».8 Considérés sous cette lumière, nous voyons que les moyens de communication sociale « contribuent d'une manière efficace au délassement et à la culture de l'esprit, ainsi qu'à l'extension et à l'affermissement du règne de Dieu ».9

Aujourd'hui, cela s'applique de façon particulière à Internet, qui contribue à apporter des changements révolutionnaires dans le commerce, l'éducation, la politique, le journalisme, les relations entre nations et entre cultures, des changements qui ne concernent pas seulement la façon dont les personnes communiquent, mais la façon dont elles conçoivent leur vie. Dans un document annexe, nous abordons ces thèmes sous leur dimension éthique.10 Ici, nous considérons les implications d'Internet pour la religion et en particulier pour l'Eglise catholique.

3. L'Eglise a un double objectif en ce qui concerne les médias. D'une part elle désire encourager leur correct développement et leur correcte utilisation pour le bien du développement humain, de la justice et de la paix — pour l'édification de la société au niveau local, national et des communautés à la lumière du bien commun dans un esprit de solidarité. Considérant l'importance vitale des communications sociales, l'Eglise recherche « un dialogue honnête et respectueux avec les responsables des médias » — un dialogue qui concerne avant tout l'élaboration des politiques des médias.11 « Ce dialogue implique que l'Eglise s'efforce de comprendre les médias — leurs objectifs, leurs méthodes et les différents aspects de leurs règles de travail, leurs structures internes et leurs modalités — et qu'elle soutienne et encourage ceux qui y travaillent. En se fondant sur cette compréhension et ce soutien, il devient possible de faire des propositions significatives en vue d'écarter les obstacles qui s'opposent au progrès humain et à la proclamation de l'Evangile ».12

Mais la préoccupation de l'Eglise concerne également la communication dans et par l'Eglise elle-même. Cette communication « trouve son point de départ dans la communion d'amour entre les Personnes divines et leur communication avec nous » et dans la prise de conscience que la communication trinitaire « s'étend à l'humanité: le Fils est le Verbe, éternellement “parlé” par le Père et, en Jésus-Christ et par lui, Fils et Verbe fait chair, Dieu se communique, ainsi que son salut, aux hommes et aux femmes ».13

Dieu continue de communiquer avec l'humanité à travers l'Eglise, dépositaire et gardienne de sa révélation, dont il a confié au seul magistère vivant la charge d'interpréter de façon authentique sa parole.14 De plus, l'Eglise elle-même est une communio, une communion de personnes et de communautés eucharistiques issues de la Trinité et reflétant sa communion;15 la communication est donc de l'essence de l'Eglise. Cela, plus que toute autre, est la raison pour laquelle « la pratique de la communication devrait être exemplaire dans l'Eglise et refléter les modèles les plus élevés de vérité, de responsabilité, de sensibilité aux droits humains, ainsi que d'autres principes et normes importants ».16

4. Il y a trente ans, Communio et progressio a souligné que « les médias d'aujourd'hui ouvrent aux hommes de nouvelles voies pour la rencontre du message évangélique ».17 Le Pape Paul VI a dit que l'Eglise « se sentirait coupable devant le Seigneur » si elle n'utilisait pas les médias pour l'évangélisation.18 Le Pape Jean-Paul II a qualifié les médias de « premier aréopage des temps modernes » et a déclaré qu'« il ne suffit pas de les [les médias] utiliser pour assurer la diffusion du message chrétien et de l'enseignement de l'Eglise, mais il faut intégrer le message dans cette “nouvelle culture” créée par les moyens de communication modernes ».19 Cela est d'autant plus important aujourd'hui, car non seulement les médias influencent fortement la conception que les personnes ont de la vie, mais également dans une large mesure « l'expérience humaine comme telle est devenue une expérience médiatique ».20

Tout cela s'applique à Internet. Et bien que le monde des communications sociales « peut parfois sembler étranger au message chrétien, il offre aussi des occasions uniques pour proclamer la vérité salvifique du Christ à la famille humaine tout entière. Il suffit de considérer [...] les capacités positives d'Internet pour diffuser l'information et l'enseignement religieux au-delà de toutes les barrières et frontières. Une audience aussi large aurait dépassé l'imagination la plus audacieuse de ceux qui ont prêché l'Evangile avant nous [...] Les catholiques ne devraient pas avoir peur d'ouvrir toutes grandes les portes des communications sociales au Christ, afin que la Bonne Nouvelle puisse être proclamée du haut des toits du monde! ».21

II

OPPORTUNITÉS ET DÉFIS


5. « La communication qui s'opère dans l'Eglise et par l'Eglise consiste esentiellement dans l'annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. C'est la proclamation de l'Evangile comme parole prophétique et libératrice adressée aux hommes et aux femmes de notre temps; c'est le témoignage rendu, face à une sécularisation radicale, à la vérité divine et à la destinée transcendante de la personne humaine; c'est, face aux conflits et aux divisions, le parti pris de la justice, en solidarité avec tous les croyants, au service de la communion entre les peuples, les nations et les cultures ».22

Etant donné que l'annonce de la Bonne Nouvelle à des personnes formées par une culture des médias exige de prendre en compte attentivement les caractéristiques particulières des médias eux-mêmes, l'Eglise a maintenant besoin de comprendre Internet. Cela est nécessaire afin de communiquer de façon efficace avec les personnes — en particulier les jeunes — que l'expérience de cette nouvelle technologie a modelés et également afin de bien l'utiliser.

Les médias offrent d'importants bénéfices et avantages d'un point de vue religieux: « Ils transmettent des informations sur les événements, les idées et les personnalités religieuses. Ils sont des vecteurs d'évangélisation et de catéchèse. Tous les jours, ils fournissent une inspiration, un encouragement et des occasions de prière aux personnes contraintes de rester chez elles ou dans des instituts ».23 Mais il existe d'autres bénéfices, qui, en plus de ceux-ci, sont plus ou moins spécifiques à Internet. Internet offre aux personnes un accès direct et immédiat à d'importantes sources religieuses et spirituelles — des bibliothèques, musées et lieux de culte prestigieux, des documents du Magistère, des écrits des Pères et des Docteurs de l'Eglise et la sagesse religieuse des différentes époques. Internet possède une capacité remarquable à dépasser les distances et l'isolement, en mettant les personnes en contact avec d'autres personnes de bonne volonté, animées des mêmes sentiments, qui adhèrent à des communautés de foi virtuelles afin de s'encourager et de se soutenir mutuellement.

Internet est approprié pour de nombreuses activités et programmes de l'Eglise — l'évangélisation, comprenant la réévangélisation, la nouvelle évangélisation et la traditionnelle tâche missionnaire ad gentes, la catéchèse et d'autres types d'éducation, l'information, l'apologétique, le gouvernement et l'administration et certaines formes de direction pastorale et spirituelle. Bien que la réalité virtuelle de l'espace cybernétique ne peut remplacer la communauté interpersonnelle réelle, la réalité incarnée des sacrements et de la liturgie, ou la proclamation immédiate et directe de l'Evangile, elle peut les compléter, attirer les personnes vers une expérience plus pleine de la vie de foi et enrichir la vie religieuse des usagers. Elle offre également à l'Eglise un moyen de communiquer avec des groupes particuliers, — jeunes, jeunes adultes, personnes âgées ou contraintes de garder la maison, personnes habitant dans des régions éloignées, membres d'autres organismes religieux — qu'il serait autrement difficile d'atteindre.

Un nombre croissant de paroisses, de diocèses, de congrégations religieuses et d'institutions, d'organisations et programmes ecclésiaux de tout genre, font maintenant un usage efficace d'Internet dans ces buts et de nombreux autres. Des projets créatifs promus par l'Eglise ont lieu en certains endroits au niveau national et régional. Le Saint-Siège est actif dans ce domaine depuis de nombreuses années et continue d'étendre et de développer sa présence sur Internet. Les groupes ecclésiaux qui n'ont pas encore pris de mesures pour entrer dans l'espace cybernétique, sont encouragés à étudier l'éventualité de le faire au plus tôt. Nous recommandons fortement un échange d'idées et d'informations sur Internet entre ceux qui ont une expérience dans ce domaine et les néophytes.

6. L'Eglise a également besoin de comprendre et d'utiliser Internet comme outil de communication interne. Cela exige de tenir clairement compte de son caractère particulier de moyen direct, immédiat, interactif et de participation.

L'interactivité à double sens d'Internet est déjà en train d'estomper la traditionnelle distinction entre ceux qui offrent et ceux qui sont destinataires de la communication 24 et de créer une situation dans laquelle, du moins potentiellement, chacun peut faire les deux. Il ne s'agit plus de communication à sens unique, du haut vers le bas, du passé. Alors que de plus en plus de personnes se familiarisent avec cette caractéristique d'Internet dans d'autres domaines de leur vie, on peut s'attendre à ce qu'elles la recherchent également en ce qui concerne la religion et l'Eglise.

La technologie est nouvelle, mais pas l'idée. Le Concile Vatican II a dit que les membres de l'Eglise devraient dévoiler à leurs pasteurs « leurs besoins et leurs vœux avec toute la liberté et la confiance qui conviennent à des fils de Dieu et à des frères dans le Christ »; en effet, dans la mesure de leurs connaissances, de leurs compétences, ou de leur rang, les fidèles « ont la faculté et même parfois le devoir de manifester leur sentiment en ce qui concerne le bien de l'Eglise ».25 Communio et progressio a remarqué que, en tant que « corps vivant » du Christ, l'Eglise « a besoin d'une opinion publique pour alimenter le dialogue entre ses membres ».26 Bien que les vérités de la foi « ne peuvent en aucun cas être laissées à l'interprétation arbitraire », la Constitution pastorale a souligné qu'« un champ immense s'offre à l'Eglise pour le dialogue interne ».27

Des idées semblables sont exprimées dans le Code de droit canonique,28 ainsi que dans des documents plus récents du Conseil pontifical pour les communications sociales.29 Aetatis novae qualifie l'échange de communication et l'opinion publique comme « moyen de réaliser concrètement le caractère de communio de l'Eglise ».30 Ethique dans les communications sociales dit: « Un échange d'informations et d'opinions entre les pasteurs et les fidèles, une liberté d'expression sensible au bien-être de la communauté et au rôle du Magistère dans la promotion de ce bien-être, ainsi qu'une opinion publique responsable sont autant d'expressions importantes du “droit fondamental de dialogue et d'information au sein de l'Eglise” ».31 Internet fournit un moyen technologique efficace de réaliser cette vision.

Voilà donc un instrument qui peut être utilisé de façon créative dans différents domaines de l'administration et de la gestion. Outre l'ouverture de nouveaux canaux pour l'expression de l'opinion publique, nous pensons par exemple à la consultation d'experts, à la préparation de réunions, à la collaboration avec les Eglises particulières et les instituts religieux au niveau local, national et international.

7. L'éducation et la formation représentent un autre domaine d'opportunité et de besoin. « Aujourd'hui, tout le monde a besoin d'une forme continue d'éducation aux médias, que ce soit à travers l'étude personnelle ou en participant à un programme organisé, ou les deux. Plus que d'enseigner uniquement des techniques, l'éducation aux médias aide à éveiller chez les gens le bon goût et un jugement moral authentique. Il s'agit d'une sorte de formation des consciences. À travers ses écoles et ses programmes de formation, l'Eglise devrait donner en matière de médias une éducation de ce genre ».32

L'éducation et la formation à Internet devrait faire partie de programmes complets d'éducation aux médias accessibles aux membres de l'Eglise. Dans la mesure du possible, le plan pastoral des communications sociales devrait prendre en compte cette préparation dans la formation des séminaristes, des prêtres, des religieux et du personnel pastoral laïc, ainsi que des enseignants, des parents et des étudiants.33

Il faudrait en particulier enseigner aux jeunes « non seulement à se comporter en chrétiens en tant qu'usagers, mais encore à utiliser activement toutes les possibilités d'expression qu'offrent les médias [...] S'il en est ainsi, les jeunes seront les vrais citoyens de cet âge des communications sociales dont nous entrevoyons les débuts » 34 — un âge dans lequel les médias sont considérés comme « faisant partir d'une culture encore inachevée dont les pleines implications sont encore imparfaitement discernées ».35 L'enseignement en ce qui concerne Internet et la nouvelle technologie comporte donc bien plus que des techniques d'enseignement; les jeunes doivent apprendre à bien s'intégrer dans le monde de l'espace cybernétique, à émettre des jugements judicieux, selon des critères moraux solides, sur ce qu'ils y trouvent, et à utiliser cette nouvelle technologie pour leur développement intégral et au bénéfice des autres.

8. Internet présente également certains problèmes particuliers pour l'Eglise, en dehors de ceux de nature générale traités dans Ethique en Internet, le document annexe.36 Tout en soulignant ce qu'Internet offre de positif, il est important d'être clair sur ce qui ne l'est pas.

En un sens très profond, « le monde des médias peut parfois paraître indifférent, et même hostile, à la foi et à la morale chrétienne. C'est en partie parce que la culture médiatique est profondément imprégnée par un sens typiquement post-moderne qui affirme que la seule vérité absolue est qu'il n'existe pas de vérités absolues ou que, s'il y en avait, elles seraient inaccessibles à la raison humaine et par conséquent hors de propos ».37

Parmi les problèmes spécifiques soulevés par Internet, figure la présence de sites incitant à la haine, attachés à diffamer et à attaquer des groupes religieux et ethniques. Certains de ceux-ci visent l'Eglise catholique. Comme la pornographie et la violence dans les médias, les sites incitant à la haine sur Internet « expriment la dimension la plus sombre de la nature humaine blessée par le péché ».38 Et tandis que le respect pour la liberté d'expression peut exiger de tolérer jusqu'à un certain point même des messages de haine, l'auto-régulation de l'industrie — et, lorsque cela est nécessaire, l'intervention des autorités publiques — devrait établir et appliquer des limites raisonnables à ce qui peut être dit.

La prolifération de sites en Internet qui se proclament catholiques, soulève un problème d'une nature différente. Comme nous l'avons dit, les groupes ecclésiaux devraient être présents de façon créative sur Internet, et des personnes bien intentionnées et bien informées, ainsi que des groupes non-officiels agissant de leur propre initiative, ont le droit d'être présents également. Mais il est pour le moins déroutant de ne pas pouvoir faire la distinction entre des interprétations doctrinales excentriques, des pratiques de piété particulières, des plaidoyers idéologiques affichant un label « catholique », et les positions authentiques de l'Eglise. Nous suggérons ci-dessous une approche à ce problème.

9. Certains autres points exigent encore une réflexion approfondie. En ce qui les concerne, nous invitons à une recherche et à une étude permanentes, comportant le développement d'« une anthropologie et une véritable théologie de la communication » 39 — incluant aujourd'hui une référence spécifique à Internet. Certes, outre l'étude et la recherche, un programme pastoral positif pour l'utilisation d'Internet peut et doit pursuivre.40

L'un des domaines de recherche concerne la suggestion selon laquelle la vaste gamme de choix en ce qui concerne les produits de consommation et les services disponibles sur Internet ont un effet de débordement sur la religion et encouragent une approche « de consommation » à l'égard de la foi. Les informations suggèrent que certains visiteurs de sites internet religieux sont en proie à une sorte de folie de consommation, sélectionnant et choisissant des éléments d'« offres forfaitaires » religieuses sur mesure, pouvant convenir à leurs goûts personnels. La « tendance chez certains catholiques à être sélectifs dans leur adhésion » à l'enseignement de l'Eglise est un problème reconnu dans d'autres contextes;41 une information supplémentaire est nécessaire pour savoir si oui, et dans quelle mesure, le problème est exacerbé par Internet.

De même, comme nous l'avons remarqué ci-dessus, la réalité virtuelle de l'espace cybernétique revêt des implications préoccupantes pour la religion ainsi que pour d'autres domaines de la vie. La réalité virtuelle ne remplace pas la Présence réelle du Christ dans l'Eucharistie, la réalité sacramentelle des autres sacrements, et la participation au culte dans une communauté humaine faite de chair et de sang. Il n'y a pas de sacrements sur Internet; et même les expériences religieuses qui y sont possibles par la grâce de Dieu ne suffisent pas si elles sont séparées de l'interaction dans le monde réel avec d'autres personnes de foi. Voilà un autre aspect d'Internet qui exige une étude et une réflexion. De même, le programme pastoral devrait considérer la façon de faire passer les personnes de l'espace cybernétique à la communauté réelle, et la façon dont, à travers l'enseignement et la catéchèse, Internet peut par la suite servir a les soutenir et les enrichir dans leur engagement chrétien.

III

RECOMMANDATIONS ET CONCLUSION


10. Les croyants, en tant que personnes concernées faisant partie de la vaste audience d'Internet, et ayant des intérêts personnels spécifiques et légitimes, veulent participer au processus qui guide le développement futur de ce nouveau moyen. Bien sûr, cela les obligera parfois à adapter leur façon de penser et leur pratique.

Il est également important qu'à tous les niveaux de l'Eglise, Internet soit utilisé de façon créative pour répondre aux propres responsabilités et accomplir l'œuvre de l'Eglise. Rester timidement en arrière par peur de la technologie ou pour d'autres raisons n'est pas acceptable, étant donné les innombrables possibilités positives qu'offre Internet. « Les méthodes qui facilitent la communication et le dialogue entre ses propres membres peut renforcer les liens d'unité entre eux. L'accès immédiat à l'information permet à l'Eglise d'approfondir son dialogue avec le monde contemporain [...] L'Eglise a la possibilité d'informer le monde de façon plus immédiate au sujet de ses propres croyances et d'expliquer les raisons de sa position sur n'importe quel sujet ou événement donné. Elle peut entendre plus clairement la voix de l'opinion publique et entrer dans une discussion continue avec le monde qui l'entoure, en s'engageant elle-même plus immédiatement dans la recherche commune de solutions pour les nombreux problèmes urgents de l'humanité ».42

11. En conclusion de ces réflexions, nous offrons donc des paroles d'encouragement aux nombreux groupes, en particulier aux dirigeants de l'Eglise, aux équipes pastorales, aux éducateurs, aux parents, et en particulier aux jeunes.

Aux responsables ecclésiaux: les animateurs pastoraux dans tous les secteurs de l'Eglise doivent apprendre à connaître les médias et appliquer cette connaissance à l'élaboration de plans pastoraux pour les communications sociales,43 ainsi que de politiques et programmes concrets dans ce domaine, et faire un usage approprié des médias. Si nécessaire, ils devraient eux-mêmes recevoir une formation en matière de médias; en effet, « l'Eglise serait mieux servie si les personnes accomplissant des fonctions et des rôles en son nom recevaient une formation en communication ».44

Cela s'applique à Internet ainsi qu'aux formes plus anciennes de médias. Les responsables ecclésiaux sont obligés d'utiliser « les potentialités de l'“ère informatique” [...] au service de la vocation humaine et transcendante de chaque personne, afin de glorifier ainsi le Père, qui est à l'origine de tout bien ».45 Ils devraient employer cette remarquable technologie dans de nombreux aspects de la mission de l'Eglise, tout en explorant également des opportunités de coopération œcuménique et interreligieuse en ce qui concerne son utilisation.

Un aspect particulier d'Internet, comme nous l'avons vu, concerne la prolifération parfois déroutante de sites non-officiels portant l'étiquette « catholique ». Un système de certification volontaire au niveau local et national, sous le contrôle de représentants du Magistère, pourrait être utile en ce qui concerne le matériel de nature spécifiquement doctrinal ou catéchétique. L'idée n'est pas d'imposer une censure, mais d'offrir aux usagers d'Internet des orientations fiables sur la position authentique de l'Eglise.

Aux équipes pastorales: les prêtres, les diacres, les religieux, et les agents laïcs de la pastorale devraient rechercher une formation en matière de médias, afin d'approfondir leur compréhension de l'impact des communications sociales sur les personnes et la société, et de les aider à acquérir un mode de communication qui réponde aux sensibilités et aux intérêts des personnes dans une culture médiatisée. Aujourd'hui, cela inclut bien évidemment une formation en matière d'Internet, y compris comment l'utiliser dans leur travail. Ils peuvent également profiter des sites offrant des mises à jour théologiques et des suggestions pastorales.

Quant au personnel ecclésial directement engagé dans les médias, il va sans dire qu'il doit recevoir une formation professionnelle, mais il a également besoin d'une formation doctrinale et spirituelle, car « pour proclamer le Christ, il est nécessaire de le rencontrer soi-même et de promouvoir une relation personnelle avec lui à travers la prière, l'Eucharistie et la réconciliation sacramentelle, la lecture et la réflexion de la Parole de Dieu, l'étude de la doctrine chrétienne, et le service aux autres ».46

Aux éducateurs et aux catéchistes: L'Instruction pastorale Communio et progressio a parlé de la « tâche urgente » des écoles catholiques de former les communicateurs et les destinataires des communications sociales aux principes chrétiens appropriés.47 Le même message a été répété de nombreuses fois. À l'époque d'Internet, avec son immense portée et impact, ce besoin est plus urgent que jamais.

Les universités, collèges et écoles catholiques, ainsi que les programmes éducatifs à tous les niveaux devraient mettre en place des cours pour divers groupes — « des séminaristes, des prêtres, des religieux et religieuses ou des animateurs laïcs [...] des enseignants, des parents et des étudiants » 48 — ainsi qu'une formation plus avancée dans le domaine de la technologie de communication, la gestion, l'éthique et les politiques de communication pour les personnes se préparant à une spécialisation dans les médias ou à des fonctions au niveau décisionnel, y compris ceux qui travaillent dans les communications sociales de l'Eglise. De plus, nous recommandons que les questions susmentionnées fassent l'objet d'un approfondissement ultérieur à l'attention des spécialistes et des chercheurs concernant ces disciplines appropriées dans les institutions catholiques d'éducation supérieure.

Aux parents: Pour le bien de leurs enfants, ainsi que pour leur propre bien, les parents doivent « acquérir et mettre en pratique des talents de spectateurs, d'auditeurs et de lecteurs avisés, jouant le rôle de modèles d'utilisation informée des médias à la maison ».49 En ce qui concerne Internet, les enfants et les jeunes sont souvent plus familiarisés avec cet outil que leurs parents; mais les parents sont toutefois obligés de guider et de contrôler leurs enfants en ce qui concerne son utilisation.50 Si cela signifie apprendre à connaître davantage Internet que ce qu'ils en savent jusqu'à présent, ce sera d'autant plus bénéfique.

Le contrôle parental devrait s'assurer qu'une technique de filtrage est utilisée sur les ordinateurs accessibles aux enfants afin de les protéger le plus possible des dangers de la pornographie, des prédateurs sexuels et d'autres menaces. Un accès non contrôlé à Internet ne devrait pas être permis. Les parents et les enfants devraient discuter ensemble de ce que ces derniers voient et expérimentent dans l'espace cybernétique; partager les expériences avec d'autres familles ayant les mêmes valeurs et préoccupations sera également utile. La tâche parentale fondamentale consiste ici à aider les enfants à devenir des usagers informés et responsables d'Internet.

Aux enfants et aux jeunes: Internet est une porte qui ouvre sur un monde séduisant et fascinant, exerçant une forte influence sur leur formation; mais, de l'autre côté de cette porte, tout n'est pas sain, sûr et vrai. « Les enfants et les jeunes devraient être acheminés vers la formation en ce qui concerne les médias, en évitant d'emprunter la voie facile de la passivité privée de critique, de la pression de leurs camarades et de l'exploitation commerciale ».51 Les jeunes se doivent — et ils le doivent également à leurs parents, leurs familles, leurs amis, leurs pasteurs et leurs enseignants, et enfin à Dieu — de faire un bon usage d'Internet.

Internet met à la portée des jeunes, à un âge inhabituellement bas, l'immense capacité à faire le bien et à faire le mal, à eux-mêmes et aux autres. Il peut enrichir leurs vies au-delà des rêves des générations précédentes et leur permettre d'enrichir à leur tour la vie des autres. Il peut également les plonger dans la consommation, l'imagination pornographique et violente, et l'isolement pathologique.

Les enfants, comme on l'a souvent dit, représentent l'avenir de la société et de l'Eglise. Une correcte utilisation d'Internet peut contribuer à les préparer à leurs responsabilités dans ces deux milieux. Mais ce ne sera pas automatiquement le cas. Internet n'est pas seulement un outil de divertissement, ni de gratification liée à la consommation. C'est un outil pour accomplir un travail utile, et les jeunes doivent apprendre à le considérer et à l'utiliser comme tel. Dans l'espace cybernétique, du moins autant qu'ailleurs, les jeunes peuvent être appelés à aller à contre-courant, à pratiquer la contre-culture, et même a subir une sorte de martyre au nom de ce qui est vrai et bon.

12. À toutes les personnes de bonne volonté. Enfin, nous désirons suggérer certaines vertus devant être cultivées par quiconque voulant faire un bon usage d'Internet; leur exercice devrait être fondé et guidé par une évaluation réaliste de son contenu.

La prudence est nécessaire, afin de voir clairement les implications — le potentiel de bien et de mal — dans ce nouveau moyen et de répondre de façon créative à ses défis et à ses opportunités.

La justice est nécessaire, en particulier la justice dans la tâche de resserrer l'écart qui existe entre ceux qui possèdent les informations et ceux qui ne les ont pas dans le monde d'aujourd'hui.52 Cela exige un engagement au bien commun international, ainsi qu'un sens de « solidarité internationale ».53

La force et le courage sont nécessaires. Cela signifie défendre la vérité face au relativisme religieux et moral; l'altruisme et la générosité face à la mentalité de consommation individualiste; la décence face à la sensualité et au péché.

La modération est nécessaire — une approche auto-disciplinée de ce remarquable instrument qu'est Internet; afin de l'utiliser sagement et uniquement pour le bien.

En nous penchant sur Internet, ainsi que sur tous les autres moyens de communication sociale, nous rappelons que le Christ est le « parfait communicateur » 54 — la norme et le modèle de l'approche que l'Eglise a de la communication, ainsi que le contenu que l'Eglise doit communiquer. « Puissent les catholiques engagés dans le monde des communications sociales prêcher avec audace et joie la vérité de Jésus du haut des toits, afin que tous les hommes et toutes les femmes connaissent l'amour qui est le cœur de l'autocommunication de Dieu en Jésus-Christ, le même hier, et aujourd'hui, à jamais ».55

Cité du Vatican, le 22 février 2002, en la fête de la Chaire de Saint Pierre Apôtre.

John P. Foley
Président

Pierfranco Pastore
Secrétaire





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(1) Jean-Paul II, Lettre encyclique Laborem exercens, n. 25; cf. Concile Vatican II, Constitution pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 34.

(2) Concile Vatican II, Décret sur les moyens de communication sociale Inter mirifica, n. 1.

(3) Par exemple, Inter mirifica, messages du Pape Paul VI et du Pape Jean-Paul II à l'occasion des Journées mondiales des communications sociales; Conseil pontifical pour les communications sociales, Instruction pastorale Communio et progressio, Pornographie et violence dans les médias: une réponse pastorale, Instruction pastorale Aetatis novae, Ethique en publicité, Ethique dans les communications sociales.

(4) Pornographie et violence dans les médias, n. 30.

(5) Communio et progressio, n. 2.

(6) Jean-Paul II, Message pour la XXXIVe Journée mondiale des communications sociales, 4 juin 2000.

(7) Communio et progressio, n. 10.

(8) Concile Vatican II, Constitution pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 39.

(9) 2 Inter mirifica, n. 2.

(10) Conseil pontifical pour les communications sociales, Ethique en Internet.

(11) Aetatis novae, n. 8.

(12) Ibid.

(13) Ethique dans les communications sociales, n. 3.

(14) Cf. Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur la Révélation divine, Dei Verbum, n. 10.

(15) Aetatis novae, n. 10.

(16) Ethique dans les communications sociales, n. 26.

(17) Communio et progressio, n. 128.

(18) Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, n. 45.

(19) Lettre encyclique Redemptoris missio, n. 37.

(20) Aetatis novae, n. 2.

(21) Jean-Paul II, Message pour la XXXVe Journée mondiale des communications sociales, n. 3, 27 mai 2000.

(22) Aetatis novae, n. 9.

(23) Ethique dans les communications sociales, n. 11.

(24) Cf. Communio et progressio, n. 15.

(25) Constitution dogmatique sur l'Eglise Lumen gentium, n. 37.

(26) Communio et progressio, n. 115.

(27) Ibid., n. 117.

(28) Cf. canons 212 § 2; 212 § 3.

(29) Cf. Aetatis novae, n. 10; Ethique dans les communications sociales, n. 26.

(30) Aetatis novae, n. 10.

(31) Ethique dans les communications sociales, n. 26.

(32) Ethique dans les communications sociales, n. 25.

(33) Aetatis novae, n. 28.

(34) Communio et progressio, n. 107.

(35) Jean-Paul II, Message pour la XXIVe Journée mondiale des communications sociales, 1990.

(36) Cf. Ethique en Internet.

(37) Jean-Paul II, Message pour la XXXVe Journée mondiale des communications sociales, n. 3.

(38) Pornographie et violence dans les médias, n. 6.

(39) Aetatis novae, n. 8.

(40) Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Novo millennio ineunte, n. 39.

(41) Cf. Jean-Paul II, Discours aux Evêques des Etats-Unis, n. 5, Los Angeles, 16 septembre 1987.

(42) Jean-Paul II, Message pour la XXIVe Journée mondiale des communications sociales, 1990.

(43) Cf. Aetatis novae, nn. 23-33.

(44) Ethique dans les communications sociales, n. 26.

(45) Jean-Paul II, Message pour la XXIVe Journée mondiale des communications sociales, 1990.

(46) Jean-Paul II, Message pour la XXXIVe Journée mondiale des communications sociales, 2000.

(47) Communio et progressio, n. 107.

(48) Aetatis novae, n. 28.

(49) Ethique dans les communications sociales, n. 25.

(50) Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Familiaris consortio, n. 76.

(51) Ethique dans les communications sociales, n. 25.

(52) Cf. Ethique en Internet, nn. 10, 17.

(53) Jean-Paul II, Discours au Secrétaire général des Nations Unies et au Comité administratif de coordination des Nations Unies, n. 2, 7 avril 2000.

(54) Communio et progressio, n. 11.

(55) Jean-Paul II
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CONSEIL PONTIFICAL POUR LES COMMUNICATIONS SOCIALES

ETHIQUE EN INTERNET



I. Introduction

II. Au sujet d'Internet

III. Quelques questions sensibles

IV. Recommandations et conclusion



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I

INTRODUCTION


1. « Le bouleversement qui se produit aujourd'hui dans la communication suppose, plus qu'une simple révolution technologique, le remaniement complet de ce par quoi l'humanité appréhende le monde qui l'entoure, et en vérifie et exprime la perception. La mise à disposition constante des images et des idées ainsi que leur transmission rapide, fût-ce d'un continent à un autre, ont des conséquences, à la fois positives et négatives, sur le développement psychologique, moral et social des personnes, la structure et le fonctionnement des sociétés, les échanges d'une culture à une autre, la perception et la transmission des valeurs, les idées du monde, les idéologies et les convictions religieuses ».1

Au cours de la décennie qui s'est écoulée la vérité de ces affirmations s'avère encore plus frappante. Il ne faut pas beaucoup d'imagination aujourd'hui pour concevoir la planète comme un réseau mondial, bourdonnant de transmissions électroniques, une planète “en conversation” nichée dans le silence réservé de l'espace. La question éthique est de savoir si cela contribue au développement authentique de la personne humaine et si cela aide les personnes et les peuples à être fidèles à leur destin transcendant.

Et, bien sûr, sous de nombreux aspects, la réponse est oui. Les nouveaux médias représentent des moyens puissants pour l'éducation et l'enrichissement culturel, pour l'activité commerciale et la participation à la vie politique, pour le dialogue et la compréhension interculturels; et, comme nous le soulignons dans le document qui accompagne celui-ci,2 ils servent également la cause religieuse. Mais cette médaille a son revers; les moyens de communication sociale qui peuvent contribuer au bien des personnes et des communautés peuvent aussi se prêter à exploiter, manipuler, dominer et corrompre.

2. Internet est le dernier, et, sous de nombreux aspects, le plus influent d'une série de médias — télégraphe, téléphone, radio, télévision — qui, depuis un siècle et demi ont progressivement éliminé les barrières que le temps et l'espace constituaient pour la communication. Son impact sur les personnes, les nations, et la communauté des nations, est immense.

Dans ce document, nous désirons proposer un point de vue catholique sur Internet, comme point de départ pour la participation de l'Eglise au dialogue avec les autres secteurs de la société, en particulier les autres dénominations religieuses, en ce qui concerne le développement et l'utilisation de ce remarquable réseau multimédial. Internet est une source de grands bienfaits aujourd'hui et promet de l'être plus encore. Mais il peut aussi causer beaucoup de mal. Ce qu'Internet deviendra, en bien ou en mal, est essentiellement une question de discernement — un choix auquel l'Eglise apporte deux contributions majeures: son engagement en faveur de la dignité de la personne humaine et sa longue tradition de sagesse morale.3

3. Comme pour les autres médias, la personne et la communauté humaine sont fondamentales en vue d'un jugement éthique d'Internet. En ce qui concerne le message communiqué, le processus de communication, les questions de la structure et du système de la communication, « le principe éthique fondamental est le suivant: la personne humaine et la communauté humaine sont la fin et la mesure de l'utilisation des moyens de communication sociale; la communication devrait se faire par des personnes en vue du développement intégral d'autres personnes ».4

Le bien commun — « l'ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu'à chacun de leurs membres, d'atteindre leur perfection d'une façon plus totale et aisée » 5 — fournit un deuxième principe de base pour une évaluation éthique des communications sociales. Celui-ci devrait être entendu de façon intégrale, comme l'ensemble des objectifs de qualité que les membres d'une communauté s'engagent à mettre en œuvre et à la réalisation ainsi qu'à la promotion desquels la communauté doit sa raison d'être. Le bien des personnes dépend du bien commun de leurs communautés.

La vertu qui conduit les personnes à sauvegarder et à promouvoir le bien commun est la solidarité. Il ne s'agit pas d'un sentiment de « compassion vague ou d'attendrissement superficiel » pour les malheurs des autres mais d'« une détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun; c'est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous ».6 En particulier aujourd'hui, la solidarité revêt une dimension claire et fortement internationale; il est juste de parler du bien commun international et il est impératif d'y œuvrer.

4. Le bien commun international, la vertu de solidarité, la révolution multimédiale et dans la technologie de l'information, ainsi qu'Internet, font tous partie du processus de la mondialisation.

Dans une large mesure, la nouvelle technologie gère opérativement et structure la mondialisation, créant une situation dans laquelle « le commerce et les communications ne sont plus limitées aux frontières d'un pays ».7 Les conséquences en sont extrêmement importantes. La mondialisation peut accroître la richesse et promouvoir le développement; elle offre des avantages tels que « l'efficacité et l'accroissement de la productivité [...] [le renforcement du] processus d'unité entre les peuples et [l'amélioration du] service rendu à la famille humaine ».8 Mais jusqu'à présent, ces bénéfices n'ont pas été répartis de façon équitable. Certaines personnes, groupes commerciaux et pays se sont immensément enrichis, tandis que d'autres sont restés en arrière. Des nations entières ont été presque totalement exclues de ce processus, et ne trouvent pas de place dans le nouveau monde qui prend forme. « La mondialisation, qui a profondément transformé les systèmes économiques en créant des possibilités de croissance inespérée, a aussi fait que beaucoup sont restés sur le bord du chemin: le chômage dans les pays les plus développés et la misère dans trop de pays de l'hémisphère sud continuent à maintenir des millions de femmes et d'hommes à l'écart du progrès et du bonheur ».9

Même dans les sociétés qui sont entrées dans le processus de mondialisation, il n'est pas du tout évident que cela ait été entièrement le résultat d'un choix libre et informé. Au contraire, « de nombreuses personnes, en particulier les personnes défavorisées, ressentent ce phénomène comme quelque chose qui leur a été imposé, plutôt que comme un processus auquel ils peuvent prendre part de façon active ».10

Dans de nombreuses régions du monde, la mondialisation est en train d'entraîner des changements rapides et bouleversants. Il ne s'agit pas seulement d'un processus économique, mais également culturel, comportant des aspects à la fois positifs et négatifs. « Ceux qui en sont l'objet considèrent souvent la mondialisation comme un flot destructeur qui menace les normes sociales qui les ont protégés et les points de référence culturels qui leur ont donné une orientation dans la vie [...] les mutations technologiques dans les relations professionnelles sont trop fréquentes pour que les cultures soient en mesure d'y répondre ».11

5. L'une des principales conséquences de la déréglementation des dernières années a été le déplacement du pouvoir des Etats nationaux aux entreprises multinationales. Il est important d'encourager et d'aider ces groupes à mettre leur pouvoir au service du bien de l'humanité; et cela fait apparaître le besoin d'une communication et d'un dialogue accrus entre ceux-ci et les institutions concernées comme l'Eglise.

Un ferme engagement en faveur de la pratique de la solidarité au service du bien commun, dans et entre les nations, devrait informer et guider notre utilisation de la nouvelle technologie de l'information et d'Internet. Cette technologie peut être un moyen de résoudre les problèmes humains, de promouvoir le développement intégral des personnes, de créer un monde gouverné par la justice, la paix et l'amour. Aujourd'hui, plus encore que lorsque l'Instruction pastorale sur les moyens de communication sociale Communio et progressio l'a remarqué il y a plus de trente ans, les médias ont la possibilité de faire participer toute personne en tout lieu « aux projets et aux problèmes de chacun comme à ceux du genre humain ».12

Il s'agit d'une vision stupéfiante. Internet peut la faire devenir réalité — pour les personnes, les groupes, les nations et la race humaine — uniquement s'il est utilisé à la lumière de principes éthiques clairs et solides, en particulier la vertu de solidarité. Tous pourront en bénéficier car « nous le savons aujourd'hui plus qu'hier: nous ne serons jamais heureux et en paix les uns sans les autres ».13 Cela sera une expression de la spiritualité de communion qui implique « la capacité de voir surtout ce qu'il y a de positif dans l'autre, pour l'accueillir et le valoriser comme un don de Dieu » et la capacité de « “donner une place” à son frère en “portant les fardeaux les uns des autres” (Ga 6, 2) et en repoussant les tentations égoïstes qui nous tendent continuellement des pièges ».14

6. La diffusion d'Internet soulève également un certain nombre de questions éthiques relatives à des thèmes comme la protection de la vie privée, la sécurité et la confidentialité des informations, les droits d'auteur et la loi sur la propriété intellectuelle, la pornographie, les sites incitant à la haine, la diffusion de rumeurs et la diffamation sous couvert d'informations, et bien d'autres encore. Nous évoquerons brièvement un certain nombre de ces aspects, tout en reconnaissant qu'ils exigent une analyse et un débat constant de la part de toutes les parties concernées. Toutefois, fondamentalement, nous ne considérons pas Internet uniquement comme une source de problèmes; nous le considérons plutôt comme une source de bénéfices pour la race humaine — mais de bénéfices qui ne seront pleinement réalisés que si les problèmes existants sont résolus.

II

AU SUJET D'INTERNET


7. Internet possède un certain nombre de caractéristiques frappantes. Internet est instantané, immédiat, mondial, décentralisé, interactif, il peut être développé à l'infini dans son contenu et sa portée, et possède un remarquable degré de flexibilité et de faculté d'adaptation. Il est égalitaire, dans la mesure où quiconque disposant du matériel nécessaire et d'un minimum de capacités techniques peut avoir une présence active dans l'espace cybernétique, déclarer son message au monde et exiger d'être entendu. Il permet de rester anonyme, de jouer un rôle, de développer son imagination, permet un sens de communauté et de partage. Selon les goûts de chaque personne, il se prête aussi bien à la participation active qu'à l'absorption passive « dans un monde de stimulations narcissiques et centrées sur soi, dont les effets s'assimilent à ceux des narcotiques ».15 Il peut être utilisé pour briser l'isolement des personnes et des groupes ou pour l'accroître.

8. La configuration technologique qui sous-tend Internet est étroitement liée à ses aspects éthiques: les personnes ont eu tendance à l'utiliser de la façon dont il avait été projeté, et à le projeter de façon à l'adapter à ce type d'utilisation. En effet ce « nouveau » système date de l'époque de la guerre froide, dans les années 60, lorsqu'il fut projeté pour déjouer les attaques nucléaires en créant un réseau décentralisé d'ordinateurs contenant des données vitales. La décentralisation était la clé du projet, car de cette façon, pensait-on, la perte d'un ou même de plusieurs ordinateurs n'entraînerait pas la perte de toutes les données.

Une vision idéaliste du libre échange d'informations et d'idées a joué un rôle considérable dans le développement d'Internet. Toutefois, sa configuration décentralisée et le projet également décentralisé du « World Wide Web » de la fin des années 80 se sont également révélés être le fruit d'une mentalité libertaire opposée à tout ce qui touche de près ou de loin la règlementation légitime en vue de la sécurité publique. Un individualisme exacerbé est donc apparu en ce qui concerne Internet: voilà; disait-on, un nouveau royaume, le merveilleux pays de l'espace cybernétique, où toute sorte d'expression était autorisée et où la seule loi était la liberté individuelle totale de faire ce que l'on voulait. Bien sûr, cela signifiait que la seule communauté dont les droits et les intérêts étaient véritablement reconnus dans l'espace cybernétique était la communauté des libertaires radicaux. Cette façon de penser a conservé une influence dans certains milieux, soutenus par les arguments libertaires familiers utilisés pour défendre la pornographie et la violence dans les médias en général.16

Bien que les individualistes radicaux et les entrepreneurs représentent certes deux groupes très différents, il existe une convergence d'intérêts entre ceux qui veulent qu'Internet soit un lieu pour quasiment toute sorte d'expression, quelque ignoble et destructive qu'elle soit, et ceux qui veulent qu'Internet soit un vecteur d'activité commerciale libre, fondé sur un modèle néo-libéral « qui considère le profit et les lois du marché comme des paramètres absolus au détriment de la dignité et du respect de la personne et du peuple ».17

9. L'explosion de la technologie de l'information a multiplié les possibilités de communication de certaines personnes et groupes favorisés. Internet peut servir les personnes dans leur utilisation responsable de la liberté et de la démocratie, étendre la gamme de choix disponibles dans divers domaines de la vie, accroître les possibilités éducatives et culturelles, briser les divisions, promouvoir le développement humain d'une multitude de façons. « Le libre afflux des images et des mots à l'échelle mondiale est en train de transformer non seulement les relations entre les peuples au niveau politique et économique, mais aussi la compréhension même du monde. Ce phénomène offre de multiples potentialités, autrefois impensables ».18 Lorsqu'il se fonde sur des valeurs partagées, ancrées dans la nature de la personne, le dialogue interculturel rendu possible par Internet et d'autres moyens de communication sociale peut être « un instrument privilégié pour édifier la civilisation de l'amour ».19

Mais ce n'est pas tout. « Paradoxalement, les forces mêmes qui peuvent conduire à une meilleure communication peuvent également conduire à l'augmentation de l'égocentrisme et de l'aliénation ».20 Internet peut unir les personnes, mais peut aussi les diviser, en tant qu'individus et que groupes que des soupçons mutuels séparent au niveau des idéologies, de la politique, de la richesse, de la race, de l'ethnie et de la religion. Il a déjà été utilisé de façon agressive, presque comme un arme de guerre, et on parle du danger d'un « terrorisme cybernétique ». Il serait tristement ironique que cet instrument de communication, ayant une si grande capacité de réunir les personnes, retourne à ses origines lors de la guerre froide et devienne la scène d'un conflit international.

III

QUELQUES QUESTIONS SENSIBLES


10. Un certain nombre de préoccupations en ce qui concerne Internet sont implicites dans ce que nous avons dit jusqu'à présent.

L'une des plus importantes de celles-ci se réfère à ce que l'on appelle aujourd'hui le « fossé numérique » — une forme de discrimination qui divise les riches des pauvres sur la base de l'accès, ou du manque d'accès, à la nouvelle technologie de l'information. Dans ce sens, il s'agit d'une nouvelle version d'un ancient écart entre « les riches en information » et « les pauvres en information ».

L'expression de « fossé numérique » souligne le fait que les individus, les groupes et les nations doivent avoir accès à la nouvelle technologie afin de prendre part aux bénéfices promis par la mondialisation et le développement et de ne pas rester encore plus en arrière. Il est impératif « que le gouffre qui éloigne les bénéficiaires des nouveaux moyens d'information et d'expression de ceux qui n'y ont pas encore accès ne devienne pas une cause insurmontable d'injustice et de discrimination ».21 Il faut trouver les moyens de rendre Internet accessible aux groupes les plus défavorisés, que ce soit directement, ou du moins à travers des médias traditionnels à coût modéré. L'espace cybernétique devrait être une source complète d'informations et de services accessible à tous gratuitement, et dans une grande variété de langues. Les institutions publiques ont une responsabilité particulière dans la création et le maintien de sites ainsi conçus.

Alors que la nouvelle économie mondiale prend forme, l'Eglise veut s'assurer « que le bénéficiaire de ce processus sera l'humanité tout entière » et pas uniquement « une élite prospère contrôlant la science, la technologie, la communication, et les ressources de la planète », c'est-à-dire que l'Eglise désire « une mondialisation qui sera au service de la personne et de toutes les personnes ».22

À cet égard, il faut garder à l'esprit que les causes et les conséquences de cet écart ne sont pas seulement économiques, mais également technologiques, sociales et culturelles. Ainsi, par exemple, un autre « écart » lié à Internet agit au détriment des femmes, et celui-ci également, doit être éliminé.

11. Nous sommes particulièrement préoccupés par les dimensions culturelles de ce qui se passe actuellement. Précisément en tant qu'instrument du processus de mondialisation, la nouvelle technologie de l'information et Internet transmettent et contribuent à insuffler un ensemble de valeurs culturelles — des modes de pensée en ce qui concerne les relations sociales, la famille, la religion, la condition humaine — dont la nouveauté et la fascination peuvent remettre en question et engloutir les cultures traditionnelles.

Le dialogue et l'enrichissement interculturels sont bien sûr fortement souhaitables. En effet, « le dialogue entre les cultures est particulièrement nécessaire aujourd'hui en raison de l'impact de la nouvelle technologie de la communication sur les vies des personnes et des peuples ».23 Mais ce processus doit se réaliser dans les deux sens. Les cultures ont beaucoup à apprendre les unes des autres et imposer simplement la vision mondiale et les valeurs d'une culture sur une autre ne conduit pas au dialogue, mais à l'impérialisme culturel. La domination culturelle est un problème particulièrement sérieux lorsqu'une culture dominante est porteuse de fausses valeurs, contraires au véritable bien des personnes et des groupes. En l'état actuel des choses, Internet, de même que d'autres moyens de communication sociale, transmet le message et les valeurs de la culture occidentale sécularisée à des personnes et à des sociétés qui, dans de nombreux cas, ne sont pas préparées à l'évaluer et à y faire face. Cela soulève de graves problèmes — par exemple, en ce qui concerne le mariage et la vie de famille, qui connaissent une « crise diffuse et radicale » 24 dans de nombreuses parties du monde.

La sensibilité culturelle et le respect pour les valeurs et les croyances des autres personnes sont impératives dans ces circonstances. Le dialogue interculturel qui « préserve le caractère distinctif des cultures en tant qu'expressions historiques diverses et appropriées de l'unité originelle de la famille humaine, et [...] qui sauvegarde leurs particularités, ainsi que la compréhension et la communion réciproques » 25 est nécessaire pour édifier et maintenir un sens de solidarité internationale.

12. La question de la liberté d'expression sur Internet est tout aussi complexe et soulève une autre série de préoccupations.

Nous soutenons fortement la liberté d'expression et le libre échange d'idées. La liberté de rechercher et de connaître la vérité est un droit humain fondamental 26 et la liberté d'expression est la pierre d'angle de la démocratie. « L'ordre moral et l'intérêt commun étant saufs, l'homme [peut] librement chercher la vérité, faire connaître et divulguer ses opinions [...] cela demande qu'il soit informé impartialement des événements de la vie publique ».27 Et l'opinion publique, « une expression essentielle de la nature organisée dans la société », exige absolument « la liberté d'exprimer les idées et les attitudes ».28

À la lumière de ces exigences du bien commun, nous déplorons les tentatives accomplies par les autorités publiques pour bloquer l'accès à l'information — sur Internet ou dans d'autres moyens de communication sociale — car elles le jugent menaçant ou embarrassant pour elles, pour manipuler le public à travers la propagande et la désinformation, ou pour empêcher la légitime liberté d'expression et d'opinion. Les régimes autoritaires sont de loin les pires coupables à cet égard; mais le problème existe également dans les démocraties libérales, où l'accès aux médias pour l'expression politique dépend souvent de la richesse et où les hommes politiques et leurs conseillers violent la vérité et la justice en présentant sous un faux jour leurs opposants et en réduisant les questions à des dimensions de piètre mesquinerie.

13. Dans ce nouvel environnement, le journalisme traverse une période de profonds changements. La combinaison des nouvelles technologies et de la mondialisation a « augmenté les capacités des moyens de communication sociale, mais a également accru leur vulnérabilité aux pressions idéologiques et commerciales »,29 et cela est également vrai pour le journalisme.

Internet est un instrument hautement efficace pour transmettre rapidement l'information aux personnes. Mais la concurrence économique et la présence 24 heures sur 24 du journalisme sur Internet ont également contribué à rechercher le sensationnel et à alimenter la rumeur, à créer un amalgame d'informations, de publicité et de divertissement et au déclin apparent du reportage et du commentaire sérieux. Le journalisme honnête est essentiel pour le bien commun des nations et de la communauté internationale. Les problèmes aujourd'hui manifestes dans la pratique du journalisme sur Internet exigent une correction rapide de la part des journalistes eux-mêmes.

La quantité extrême d'informations sur Internet, dont, pour la plupart, on ne se préoccupe pas de contrôler si elle est juste ou appropriée, est un problème pour de nombreuses personnes. Mais nous sommes également préoccupés par le fait que les usagers d'Internet puissent utiliser la capacité de la technologie à fabriquer sur commande l'information simplement pour élever des barrières électroniques contre des idées non familières. Cela ne serait pas sain dans un monde pluraliste où les personnes ont besoin de croître dans la compréhension réciproque. Si les usagers d'Internet doivent être sélectifs et auto-disciplinés, cela ne devrait pas aller, jusqu'à se couper des autres. Les implications de ce media pour le développement et la santé psychologiques, doivent également être étudiée, y compris l'éventualité que l'immersion prolongée dans le monde virtuel de l'espace cybernétique puisse nuire à certaines personnes. Bien qu'il existe de réels avantages à la capacité que la technologie donne aux personnes de « réunir des ensembles d'information et de services désignés uniquement pour eux », cela « soulève une question incontournable: l'audience de l'avenir sera-t-elle une multitude d'audiences composées d'une seule personne? [...] Qu'en sera-t-il de la solidarité? — qu'en sera-t-il de l'amour — dans un tel monde? ».30

14. A côté des ces questions qui concernent la liberté d'expression, l'intégrité et la véracité des informations, ainsi que le partage d'idées et d'information constituent une autre série de préoccupations engendrées par la mentalité libertaire. L'idéologie libertaire radicale est à la fois erronée et nuisible, surtout pour la libre expression légitime au service de la vérité. L'erreur consiste à exalter la liberté « au point d'en faire un absolu, qui serait la source des valeurs [...] Mais de cette façon la nécessaire exigence de la vérité a disparu au profit d'un critère de sincérité, d'authenticité, d'“accord avec soi-même” ».31 Cette façon de penser ne laisse pas de place à la communauté authentique, au bien commun, et à la solidarité.

IV

RECOMMANDATIONS ET CONCLUSION


Comme nous l'avons souligné, la vertu de solidarité est la mesure du service d'Internet au bien commun. Le bien commun sert de contexte à la question éthique: « Les médias sont-ils utilisés pour faire le bien ou le mal? ».32

De nombreuses personnes et groupes ont une responsabilité à cet égard, par exemple, les entreprises multinationales dont nous avons parlé plus haut... Tous les usagers d'Internet ont l'obligation de l'utiliser de manière bien informée et cohérente en vue d'objectifs moralement valables; les parents devraient guider et contrôler l'utilisation que leurs enfants font d'Internet.33 Les écoles et les autres institutions et programmes d'éducation pour les enfants et les adultes devraient fournir une formation en vue d'une utilisation judicieuse d'Internet dans le cadre d'une éducation exhaustive aux médias, qui ne consiste pas seulement à transmettre des connaissances techniques — « la connaissance informatique » et tout ce qui s'y rapporte — mais à acquérir la capacité à évaluer de façon bien informée et judicieuse son contenu. Ceux dont les décisions et les actions contribuent à former la structure et le contenu d'Internet ont le devoir particulièrement important de pratiquer la solidarité au service du bien commun.

16. La censure préalable par les gouvernements devrait être évitée. « La censure [...] ne devrait être utilisée qu'en ultime recours ».34 Mais Internet n'est pas dispensé plus que les autres médias de lois raisonnables contre les discours incitant à la haine, à la diffamation, à la pornographie, et aux d'autres violations. Un comportement criminel dans d'autres contextes demeure un comportement criminel dans l'espace cybernétique, et les autorités civiles ont le devoir et le droit réaffirmer de telles lois. De nouvelles règlementations peuvent être également nécessaires pour traiter les effractions liées de façon spécifique à Internet, telles que la propagation de virus sur les ordinateurs, le vol d'informations personnelles sur disque dur, et d'autres méfaits de ce genre.

La règlementation d'Internet est souhaitable, et en principe, l'auto-règlementation de l'industrie est préférable. « La solution des problèmes nés de cette commercialisation et de cette privatisation non réglementées ne réside pas toutefois dans un contrôle de l'Etat sur les médias, mais dans une plus ample règlementation, conforme aux normes du service public, ainsi que dans une responsabilité publique plus grande ».35 Les codes déontologiques de l'industrie peuvent jouer un rôle utile, à condition qu'ils aient des intentions sérieuses, que leur élaboration et leur application engagent des représentants du public, qu'ils comportent des sanctions appropriées en cas de violations, y compris la censure publique.36 Les circonstances peuvent parfois exiger l'intervention de l'Etat: par exemple, en créant des Conseils de médias représentant toute la palette d'opinions de la communauté.37

17. Le caractère transnational, de dépassement des frontières d'Internet et son rôle dans la mondialisation exigent une coopération internationale pour établir des normes et des mécanismes visant à promouvoir et à souvegarder le bien commun international.38 En ce qui concerne la technologie des médias, et beaucoup d'autres questions « il y a un besoin urgent d'équité au niveau international ».39 Une action déterminée dans le secteur privé et public est nécessaire pour réduire et arriver à éliminer l'écart numérique.

De nombreuses questions complexes liées à Internet exigent un accord international: par exemple, comment garantir la protection des individus et des groupes respectueux de la loi sans empêcher les fonctionnaires chargés de faire respecter la loi et la sécurité d'exercer leur surveillance sur les criminels et les terroristes; comment faire valoir les droits d'auteur et les droits liés à la propriété intellectuelle sans limiter l'accès des personnes au matériel de domaine public — et comment définir le concept de « domaine public » lui-même; comment établir et maintenir de vastes répertoires d'information sur Internet librement accessibles à tous les usagers d'Internet dans une variété de langues; comment protéger les droits des femmes en ce qui concerne l'accès à Internet et d'autres aspects de la nouvelle technologie de l'information. En particulier, la question de savoir comment réduire le « fossé numérique » entre ceux qui sont riches en information et ceux qui sont pauvres en information exige une attention sérieuse et urgente en ce qui concerne ses aspects techniques, éducatifs et culturels.

Il existe aujourd'hui « un sens croissant de solidarité internationale » qui offre à l'institution des Nations Unies en particulier « une occasion unique de contribuer à la globalisation de la solidarité en servant de lieu de rencontre entre les Etats et la société civile et de point de convergence des divers intérêts et besoins [...] La coopération entre les agences internationales et les organisations non-gouvernementales aidera à assurer que les intérêts des Etats — aussi légitimes soient-ils — et des différents groupes entre eux ne soient pas invoqués ou défendus au détriment des intérêts ou des droits d'autres peuples, en particulier des moins riches ».40 À cet égard, nous souhaitons que le Sommet mondial de la Société d'information, qui doit avoir lieu en 2003, apportera une contribution positive au débat sur ces questions.

18. Comme nous l'avons mentionné auparavant, un document annexe à celui-ci intitulé l'Eglise et Internet, traite de façon spécifique de l'utilisation d'Internet et du rôle d'Internet dans la vie de l'Eglise. Nous désirons ici uniquement souligner que l'Eglise catholique, de même que d'autres dénominations religieuses, devrait avoir une présence visible et active sur Internet et participer au dialogue public sur son développement. « L'Eglise ne prétend pas dicter ces décisions et ces choix, mais elle cherche à fournir une aide véritable en indiquant les critères éthiques et moraux applicables à ce domaine, critères que l'on trouvera dans les valeurs à la fois humaines et chrétiennes ».41

Internet peut apporter une contribution extrêmement précieuse à la vie humaine. Il peut promouvoir la prospérité et la paix, la croissance intellectuelle et esthétique, la compréhension mutuelle entre les peuples et les nations à l'échelle mondiale.

Il peut également aider les hommes et les femmes dans leur recherche séculaire de la connaissance de soi. À toute époque, y compris la nôtre, les personnes se posent la même question fondamentale: « Qui suis-je? D'où viens-je et où vais-je ? Pourquoi la présence du mal? Qu'y aura-t-il après cette vie? ».42 L'Eglise ne peut imposer ses réponses mais elle peut — et elle doit — proclamer au monde la réponse qu'elle a reçue; et aujourd'hui, comme toujours, elle offre l'unique réponse ultimement satisfaisante aux questions les plus profondes de la vie — Jésus-Christ qui « manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation ».43 Comme le monde contemporain lui-même, le monde des médias, y compris Internet, a été introduit par le Christ, de façon incomplète mais vraie, au sein du du Royaume de Dieu et mis au service de la Parole de salut. Pourtant, « l'attente de la nouvelle terre, loin d'affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller: le corps de la nouvelle famille humaine y grandit, qui offre déjà quelque ébauche du siècle à venir ».44

Cité du Vatican, le 22 février 2002, en la fête de la Chaire de Saint Pierre Apôtre.

John P. Foley
Président

Pierfranco Pastore
Secrétaire




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(1) Conseil pontifical pour les communications sociales, Instruction pastorale Aetatis novae, sur les communications sociales pour le 20e anniversaire de Communio et progressio, n. 4.

(2) Conseil pontifical pour les communications sociales, L'Eglise et Internet.

(3) Conseil pontifical pour les communications sociales, Ethique dans les communications sociales, n. 5.

(4) Ibid., n. 21.

(5) Concile Vatican II, Gaudium et spes, n. 26; cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 1906.

(6) Jean-Paul II, Sollicitudo rei socialis, n. 38.

(7) Jean-Paul II, Discours à l'Académie pontificale des sciences sociales, n. 2, 27 avril 2001.

(8) Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in America, n. 20.

(9) Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, n. 3; 10 janvier 2000.

(10) Jean-Paul II, Discours à l'Académie pontificale des Sciences sociales, n. 2.

(11) Ibid., n. 3.

(12) Conseil pontifical pour les communications sociales, Instruction pastorale sur les moyens de communication sociale Communio et progressio, n. 19.

(13) Discours au Corps diplomatique, n. 4.

(14) Jean-Paul II, Lettre apostolique Novo millennio ineunte, n. 43.

(15) Ethique dans les communications sociales, n. 2.

(16) Conseil pontifical pour les communications sociales, Pornographie et violence dans les médias: une réponse pastorale, n. 20.

(17) Ecclesia in America, n. 56.

(18) Message pour la Journée mondiale de la paix 2001, n. 11.

(19) Ibid., n. 16.

(20) Jean-Paul II, Message pour la XXXIIIe Journée mondiale des communications sociales, n. 4, 24 janvier 1999.

(21) Jean-Paul II, Message pour la XXXIe Journée mondiale des communications sociales, 1997.

(22) Jean-Paul II, Discours à l'Académie pontificale des sciences sociales, n. 5.

(23) Ibid., n. 11.

(24) Novo millennio ineunte, n. 47.

(25) Message pour la Journée mondiale de la paix 2001, n. 10.

(26) Jean-Paul II, Centesimus annus, n. 47.

(27) Concile Vatican II, Gaudium et spes, n. 59.

(28) Communio et progressio, nn. 25-26.

(29) Jean-Paul II, Discours lors du Jubilé des journalistes, n. 2, 4 juin 2000.

(30) Ethique dans les communications sociales, n. 29.

(31) Jean-Paul II, Veritatis splendor, n. 32.

(32) Ethique dans les communications sociales, n. 1.

(33) Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Familiaris consortio, n. 76.

(34) Communio et progressio, n. 86.

(35) Aetatis novae, n. 5.

(36) Cf. Communio et progressio, n. 79.

(37) Ibid., n. 88.

(38) Cf. Discours à l'Académie pontificale des sciences sociales, n. 2.

(39) Ethique dans les communications sociales, n. 22.

(40) Jean-Paul II, Discours au Secrétaire général des Nations Unies et au Comité administratif de coordination des Nations Unies, nn. 2 et 3, 7 avril 2000.

(41) Aetatis novae, n. 12.

(42) Jean-Paul II, Lettre encyclique Fides et ratio, n. 1.

(43) Gaudium et spes, n. 22.

(44) Ibid., n. 39.