Le Forum Catholique

http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=3965
images/icones/neutre.gif  ( 3965 )Félicitations et questions par Stella Maris (2007-10-13 17:53:38) 

Cher monsieur,

Tout d'abord merci de bien vouloir consacrer votre soirée à répondre à nos questions.

Je ne voudrais pas poser ma question sans vous féliciter d'abord pour votre remarquable journal (aux positions toujours si équilibrées, si réfléchies, si romaines et traditionnelles) mais aussi pour votre tout aussi remarquable blog Caelum et Terra, si instructif et au contenu de si grande qualité (on a envie de vous demander, mais comment faites-vous pour connaître tout ça ? Les journées font-elles plus de 24h chez vous ?).

Par ailleurs, j'ai lu votre biographie de Baden-Powell il y a quelques années, elle est tout simplement passionnante.

Donc félicitations pour tout votre travail.

Enfin, ma question, en deux temps :

-Comment voyez-vous l'avenir du scoutisme, dont les valeurs sont de plus en plus en décalage avec notre pauvre société décadente ?

- Pensez-vous que le scoutisme pourra jouer encore le rôle pour lequel il a été crée il y a un siècle, c'est-à-dire éduquer une jeunesse sans repère, issue de milieux défavorisés (ce qu'il ne fait pas aujourd'hui, le scoutisme étant pratiquement absent des banlieues et autres quartiers défavorisés)
images/icones/1d.gif  ( 4032 )Merci par Philippe Maxence (2007-10-22 19:03:38) 
[en réponse à 3965]

Merci pour toutes ces félicitations qui font chaud au cœur. Ce n'est pas tous les matins (ni tous les soirs d'ailleurs) que cela arrive.
Il m'est difficile de répondre sur l'avenir du scoutisme en général, car je suis plutôt, bien que modestement, un « historien » du scoutisme ou plus exactement de son fondateur, qu'un spécialiste du scoutisme. Il y a cependant quelques précisions que je puis apporter concernant mon regard et mes espérances.

1°) Plus un mouvement de jeunes est en décalage avec le reste de la société plus il a tendance – normalement – à attirer ces mêmes jeunes. J'écris « normalement » car il est vrai que la jeunesse actuelle semble « formatée » par les idéologies en vogue, et plus encore, à mon sens, par la société de consommation et sa logique propre. Si être rebelle aujourd'hui, c'est porter un portrait de Che sur soi, mieux vaut être scout.
2°) Au-delà de cette généralité, j'estime, peut-être à tort, que le scoutisme porte en lui-même les gages de l'avenir puisqu'il repose sur le mode de fonctionnement de l'adolescent :
– besoin de vivre en groupe;
– besoin d'être reconnu comme un adulte tout en sentant qu'il a besoin encore d'aide, comme un enfant;
– sens de l'honneur qui parfois devient une fierté mal placée;
– sens des signes d'appartenance (il suffit de regarder dans la rue).
Ces aspects existent toujours et offrent au scoutisme un moyen d'appel assez fort. Il est clair que le sens de Dieu, de l'effort, de la vie en plein air peuvent paraitre contraires aux aspirations des jeunes actuels. Encore que…
Ajoutons que le scoutisme a survécu au communisme soviétique (il renait à l'Est);
– au totalitarisme nazi;
– à l'Occupation en France et dans le reste de l'Europe.
– Il a survécu en Angleterre, par deux fois (1914 et 1940) à la tentation de l'Etat britannique de l'accaparer pour le fondre dans un mouvement unique d'Etat (comme quoi les « démocraties » ont des tentations peu avouables…).
– Il a survécu à ses propres divisions (deux fortes scissions ont menacé B-P lui-même, avec une première scission dès 1909, deux ans après la fondation du mouvement et une autre plus grave sur le fond, en 1919) en France (dès le début) et dans le reste du monde.
Il devrait survivre encore, donc. Espérons que l'embonpoint de ses cent ans ne lui soit pas fatal.

3°) Il faut ici casser un mythe entretenu par le scoutisme lui-même : B-P n'a pas fondé le scoutisme pour les milieux défavorisés. Il faut gommer de nos esprits le dessin de Joubert (cf. Scoutorama par ex.) représentant un B-P en chapeau melon et costume, croisant des enfants en guenilles dans les rues de Londres.
A l'origine (je n'ai pas assez fait ressortir cet aspect dans mon livre), Baden-Powell a une visée « impérialiste ». Il veut redonner une jeunesse saine et forte au pays, alors l'Empire britannique. Au camp expérimental de Brownsea Island, une partie seulement des garçons sélectionnés vient de simples familles bourgeoises (par le biais du mouvement des Boy's brigade) et le reste vient de familles de la haute bourgeoisie ou de l'aristocratie (venant des grandes Public schools). Mais, à la suite de ce camp, B-P n'entend pas créer un mouvement. Son souhait, au départ, était de redynamiser les mouvements existants (principalement Boy's Brigade et YMCA) et non de lancer son propre mouvement.
Pourquoi va-t-il le faire, alors ? Deux raisons :
a) la publication des premiers fascicules de Scouting for boys (Eclaireurs) remporte un énorme succès parmi la jeunesse. Cette jeunesse veut faire du scoutisme comme B-P, mais sans entrer dans les mouvements de jeunesse déjà existants.
b) Devant ce succès, son éditeur, Pearson, voit tout de suite l'intérêt financier qu'il peut en retirer. Il pousse B-P à lancer son mouvement dont il publiera le journal, les livres et dont il assurera la vente des insignes et autres pièces d'uniforme.

Dès le début, le scoutisme s'est adressé aux gosses de bourgeois et d'aristocrates parce qu'ils pouvaient financièrement suivre et que plus que d'autres, ils avaient besoin de retrouver le sens du réel, par le contact avec la nature. Ensuite, le scoutisme visera effectivement à répondre aux besoins des plus pauvres, des plus nécessiteux. Au temps de B-P par exemple, l'association anglaise lance des fermes scoutes permanentes pour former aux métiers agricoles. Les badges sont conçus pour aider à l'acquisition des rudiments d'un futur métier. Etc.
images/icones/fleche2.gif  ( 4087 )Merci et question supplémentaire si vous avez le temps par Stella Maris (2007-10-22 21:56:56) 
[en réponse à 4032]

Merci pour votre longue réponse et la correction que vous apportez à l'idée reçue d'un scoutisme conçu à l'origine pour les milieux défavorisés.

Comment se fait-il que vos centres de reflexion se portent principalement sur la Grande-Bretagne (B.P., Chesterton, Lewis,l'Irlande, etc...). Est-ce une simple coincidence ? Etes-vous attiré d'une façon particulière vers la culture anglo-saxonne ? Pour quelles raisons ?

Et, question qui fait écho à certains commentaires bêtement anglophobes d'après match de rugby : Aimez-vous les anglais ?

Stella Maris, heureuse expatriée dans les Midlands, terre de rugby s'il en est.
images/icones/neutre.gif  ( 4100 )Non, par Philippe Maxence (2007-10-22 22:24:58) 
[en réponse à 4087]

ce n'est pas un hasard. Je suis attiré par la culture catholique anglo-saxonne parce qu'elle me semble respirer souvent (pas toujours) un air de fraicheur, de celui qui a retrouvé la lumière du jour et qui s'en extasie en permanence. J'aime Chesterton, Belloc, Baring, Saesson, Waugh, Lewis (anglican), Tolkien (catholique) et d'autres encore. Question d'atmosphère.
Oui, j'aime bien les Anglais et je regrette même de n'avoir pas pu prendre un verre ce soir avec un ami d'Oxford qui réside à la maison en ce moment. Mais j'aurai eu le plaisir de m'entretenir avec vous. Pardon de cette courte réponse.