Le Forum Catholique

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images/icones/hein.gif  ( 2757 )Foi et Raison par Prosper Gardès (2007-05-14 12:55:20) 

Le pape Jean Paul II avait baptisé une de ses célèbres encycliques Fides et Ratio.

Existe-t-il dans la religion musulmane un lien entre foi et raison ?
images/icones/neutre.gif  ( 2801 )[réponse] par Annie Laurent (2007-05-14 20:38:25) 
[en réponse à 2757]


Selon la doctrine islamique, il n’y a pas lieu de s’interroger sur l’identité de Dieu, sur son Etre et sur les motifs qui l’ont conduit à créer l’univers visible et invisible. La création relève de l’arbitraire divin et ce qui est requis de l’homme est sa soumission (c’est le sens du mot « islam ») aux décrets de Dieu qui « égare qui Il veut », qui « pardonne à qui il veut », etc. Il y a dans l’islam une part de prédestination au bien et au mal, selon ce que Dieu décide souverainement pour chacune de ses créatures. Cette soumission peut être aveugle ou confiante, elle n’en demeure pas moins absolue dans la mesure où le musulman n’a pas à chercher à connaître Dieu ou à comprendre ses desseins.
En islam, il n’y a d’ailleurs pas de théologie, il n’y a que la « science de la religion ». Les savants musulmans font des commentaires du Coran pour aider les fidèles à interpréter correctement ce qui peut leur paraître obscur ou imprécis, vérifier la conformité du droit à la Loi islamique (charia) ou résoudre les problèmes liés aux contradictions se trouvant dans leur Livre qui prévoit lui-même la possibilité pour Dieu d’abroger certaines prescriptions au profit d’autres censées être « meilleures » (cf. Coran 16, 101 ; 2, 106 ; 22, 52). Ce dernier aspect a donné lieu à l’élaboration d’une science dite « de l’abrogeant-abrogé » qui détermine, selon un ordre chronologique reconstitué (les sourates sont classées par ordre de longueur décroissante), les versets qui abrogent et ceux qui sont abrogés. Mais ces classements peuvent changer selon les contextes historiques.
Les savants musulmans ne pratiquent pas l’exégèse du Coran comme cela se fait dans l’Eglise pour l’Ecriture sainte. Le recours aux méthodes d’analyse scientifique et aux investigations historiques, philologiques ou archéologiques, démarches propres à la raison humaine, est en effet strictement interdit car cela est considéré comme pouvant altérer le contenu de la « révélation » coranique.
Durant les trois premiers siècles de l’islam, notamment sous la dynastie abbasside régnant à Bagdad (IX-Xème siècles), le monde musulman a pourtant été traversé de débats de fond sur cette question. Certains intellectuels insistaient alors sur le recours à la raison et à la responsabilité humaines pour saisir la sagesse de Dieu plutôt que sur la soumission passive à l’arbitraire divin que prônaient leurs contradicteurs. Cela supposait l’acceptation du caractère créé du Coran qui aurait alors été considéré comme œuvre humaine et non divine. C’est finalement le dogme d’un Coran incréé, consubstantiel à Dieu, qui s’est imposé et qui perdure, d’autant plus qu’à la même époque, les autorités religieuses de l’islam ont décidé la fermeture de la « porte de l’ijtihad » (« interprétation-innovation »). Malgré la demande de certains intellectuels contemporains, que l’on appelle les « nouveaux penseurs de l’islam », aucune institution autorisée ne prend le risque de déclarer la réouverture de cette « porte », soit parce que cela ne correspond pas à ses orientations soit par crainte d’être la cible de représailles de la part d’islamistes. Le problème se complique du fait qu’en islam, il n’y a pas de Magistère suprême et unique.
Il résulte de tout ceci que le Coran et la Sunna enveloppent les musulmans dans un système qui échappe à toute analyse critique et donc à toute évolution ou adaptation. Pour un musulman, l’absolu c’est le Coran, livre fixé une fois pour toutes, tandis que pour un chrétien l’absolu est une Personne vivante, Jésus-Christ, qui se donne à connaître par les Evangiles. En raison de son statut « divin », le Coran exerce une prégnance extraordinaire qui obscurcit l’intelligence et entrave la liberté.