Le Forum Catholique

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images/icones/sacrecoeur.gif  ( 2752 )Questions à Annie LAURENT par charim (2007-05-14 10:52:10) 

Madame,

Avant tout un grand merci pour la qualité de vos publications, qui sont une contribution de premier plan pour une bonne connaissance de l'Islam et aussi de la doctrine catholique relative aux relations interreligieuses.

Les insuffisances, l'imprécision de la déclaration "Nostra Aetate" touchant l'Islam sont la source d'ambiguïtés, d'interprétations, et même de manipulations qui faussent le dialogue islamo-chrétien. Ce dialogue ne se fait pas généralement sur des bases de vérité. On assiste souvent à une certaine autocensure par respect pour la foi des musulmans.

Une telle situation est la source d'une réelle souffrance pour les convertis issus de familles musulmanes. Vus comme un obstacle aux bonnes relations interreligieuses, ils se sentent marginalisés. Ainsi sur le site Web "Notre-Dame de Kabylie", on peut lire "peu à peu ce dialogue, perverti, s’est transformé en un courant d’Eglise qui exclut toute idée de proposer l’Evangile, allant jusqu’à refuser catégoriquement d’enseigner ceux qui le demandent, de surcroît, librement" (cf. la "Raison d'être de l'association"). De même ils ne peuvent trouver leur voie "de nouveau chrétien" dans l'idéologie relativiste, dominante chez les religieux en Algérie, idéologie illustrée par la déclaration d'une Soeur Blanche citée ci-dessous en annexe.

Ce cadre amène deux questions:

- (a) Tel que le dialogue est mené actuellement n'est-il du à cette "attitude fausse au plan doctrinal" dont parle l'abbé Guy VANDEVELDE-DAILLIÈRE (texte de "Vivre avec l'Islam")?

- (b) Faut-il voir dans la déclaration de BENOÎT XVI à L’Osservatore Romano (3 mai 2005), l'amorce d'un changement à court terme?

En vous remerciant pour vos réponses.

Bien cordialement


****** ANNEXE *********

Second témoignage, celui de Sr Trees d'Heygere après celui de Sr Marie-Renée Wyseur,
au colloque du 7et 8 /12/02 à la rue Friant,
Organisé par les Pères Blancs et Soeurs Blanches

"L'EVOLUTION DU DIALOGUE ISLAMO-CHRETIEN EN ALGERIE"

Extrait du texte complet sur http://soeurs-blanches.cef.fr/dheyre.htm

….. Car Dieu est Amour, n'est qu'Amour, tendresse, et Il nous envoie les uns vers les autres, dans cet Amour.
Je dis bien les uns envers les autres, ce qui inclut que nous aussi , nous avons à recevoir de nos frères et soeurs musulmans le témoignage qu'ils nous donnent lorsqu'il s'agit du don que l'Esprit de Dieu leur accorde à eux, dans leur propre culture et civilisation spirituelle.

Il est aussi évident qu'il fut un temps où la fin de l'Evangile de Matthieu: " De toutes les nations, faites des disciples, et baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit " fut prise à la lettre. Ceci ne nous a pas aidés au respect et à l'ouverture à la religion de l'autre. (partie non soulignée dans le texte original)

Pour ma part, je peux ignorer cette citation de Matthieu, la laisser de côté; je peux aussi me poser la question: " Mais qu'est-ce que cela veut dire? " Il me semble qu'à aucun moment la révélation du Père par Jésus-Christ n'est allée de pair avec une conquête. Le Dieu Père que Jésus est venu nous révéler n'a rien de conquérant. C'est le Père de l'enfant prodigue, c'est le Père qui accepte que son Fils meure sur une croix. Il n'y a aucune preuve de force, aucune contrainte ….
images/icones/vatican.gif  ( 2753 )Propos de Benoit XVI du 3 mai 2005 par Le Webmestre (2007-05-14 11:00:51) 
[en réponse à 2752]

Cher liseur,

Je me permets d'intervenir ici au sujet des propos de Benoit XVI. Je ne sais si tout le monde a cela en tête.

Je pense que vous faites référence à cela :


Alors qu’il recevait les représentants des autres religions présents à la célébration d’inauguration de son pontificat, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, suivant l’enseignement du Concile Vatican II et le chemin indiqué par Jean-Paul II, a déclaré: « Je suis particulièrement reconnaissant de la présence parmi nous de membres de la communauté musulmane, et j’exprime ma satisfaction pour le développement du dialogue entre musulmans et chrétiens, tant au niveau local qu’international. Je vous assure que l’Église désire continuer à construire des ponts d’amitié avec les fidèles de toutes les religions, dans le but de rechercher le bien authentique de chaque personne et de la société dans son ensemble ». Le Pape, rappelant ensuite les conflits, la violence et les guerres de notre époque, a souligné le devoir, pour chacun d’entre nous, particulièrement pour ceux qui appartiennent à une tradition religieuse, de travailler pour la paix. Il a dit que «nos efforts pour nous rencontrer et promouvoir le dialogue constituent une précieuse contribution pour construire la paix sur des fondements solides ». Le Pape Benoît XVI a conclu: « C’est pourquoi il est impératif de s’engager dans un dialogue authentique et sincère, construit sur le respect de la dignité de chaque personne humaine, créée, comme nous chrétiens le croyons fermement, à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27) » (L’Osservatore Romano, 3 mai 2005).



Si tel n'est pas le cas, n'hésitez pas à être plus précis pour les liseurs moins avertis.

Merci !
images/icones/sacrecoeur.gif  ( 2755 )Réponse au Webmestre par charim (2007-05-14 11:35:55) 
[en réponse à 2753]

Merci d'avoir bien voulu citer le texte de BENOÃŽT XVI.

Je fais référence à la partie "il est impératif de s’engager dans un dialogue authentique et sincère, construit sur le respect de la dignité de chaque personne humaine, créée, comme nous chrétiens le croyons fermement, à l’image et à la ressemblance de Dieu"

Implicitement "dialogue authentique et sincère" implique un dialogue sur des bases de vérité, donc sans autocensure, ainsi que la réciprocité au plan du respect de chaque personne humaine.

"personne humaine, créée, comme nous chrétiens le croyons fermement, à l’image et à la ressemblance de Dieu" est l'affirmation d'une différence essentielle entre la foi des musulmans et la notre: bien que Créateur le Dieu du Coran n'est pas celui des chrétiens.
images/icones/neutre.gif  ( 2790 )[réponse] par Annie Laurent (2007-05-14 20:00:15) 
[en réponse à 2753]

Vous m'avez envoyé la déclaration de Benoît XVI s'adressant aux dignitaires musulmans présents à Rome après son élection. Je ne vois rien à redire à ces propos qui situent clairement le cadre du dialogue avec les musulmans. Le pape prend bien soin d'éviter de parler d'un dialogue doctrinal ou religieux. La décision qu'il a prise peu après de rattacher le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux au Conseil pour la Culture montre son souci de remédier à l'indifférentisme et au relativisme qui ont pu naître d'une compréhension incorrecte des orientations de l'Eglise. J'observe aussi dans cette déclaration que le pape rappelle l'enseignement de la Genèse montrant que l'homme est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, précision inexistante dans le récit coranique de la création et qui a des implications anthropologiques fondamentales.
En ce qui concerne le dialogue islamo-chrétien, il me semble que celui-ci devrait porter à présent sur les points de divergence, surtout dans le domaine de l'anthropologie et de la vie sociale, plutôt que de rester accroché aux convergences. C'est le seul moyen de progresser et cette façon de faire serait également l'occasion d'évangéliser les musulmans.
images/icones/neutre.gif  ( 2788 )[réponse] par Annie Laurent (2007-05-14 19:49:48) 
[en réponse à 2752]

D'abord, merci de vos encouragements.
Concernant le "dialogue islamo-chrétien", je pense qu'il aurait fallu, juste après Vatican II, expliquer aux catholiques ce que l'Eglise entendait réellement par l'ouverture prônée par Nostra Aetate. Il y a eu des lacunes qui ont laissé la place à des interprétations et des initiatives laissant croire au plus grand nombre que le dialogue remplaçait la mission et l'évangélisation, ce qui n'était pas vrai. L'annonce a ainsi été remplacée par l'enfouissement. Tout ceci s'est produit, en outre, dans un contexte post-colonial qui a engendré un malencontreux complexe chez les chrétiens, assorti d'une idéalisation pour la "religion de l'opprimé" (entendez : le colonisé). Enfin, les chrétiens invités à la rencontre avec les musulmans, de moins en moins formés sur le contenu de leur propre religion, ont eu tendance à minimiser les divergences doctrinales et anthropologiques qui opposent islam et christianisme.
Il en est résulté des ravages auxquels d'importants documents du Magistère (Evangelii nuntiandi, 1975 ; Redemptoris Missio, 1990, Dialogue et annonce, 1991, et Dominus Iesus, 2000) n'ont pas pu remédier. Ce qui conduit à ses situations vraiment regrettables comme celles que connaissent les musulmans du Maghreb attirés par le Christ et que vous évoquez.
Je partage l'analyse de l'abbé Guy Vandevelde qui sait d'autant mieux de quoi il parle qu'il a été ordonné prêtre pour le diocèse d'Alger.
Mais il faut ajouter que l'on peut voir à présent l'ébauche d'un changement d'attitude chez certains responsables d'Eglise, en particulier des évêques, qui ont le souci de l'évangélisation des musulmans. La relève au sein de l'épiscopat devrait accentuer cette tendance, du moins je l'espère.
Quant au texte de Benoît XVI auquel vous faites allusion, pourriez-vous me dire de quoi il s'agit afin que je puisse vous répondre en connaissance de cause ?
Merci d'avance.