Le Forum Catholique

http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=2680
images/icones/neutre.gif  ( 2680 )une question délicate par Tardivel (2007-04-30 22:30:52) 

M. Renaud,

Vous savez que le défunt chanoine Achille Larouche s'est beaucoup démené avant sa mort récente pour obtenir qu'un groupe de catholiques suffisamment convaincus et actifs se décident à former un parti politique provincial d'inspiration explicitement catholique, à savoir la "Démocratie Chrétienne du Québec" (complètement groupusculaire). Je crois, sans avoir été du tout proche de ce mouvement, qu'ils ont au surplus bénéficié des sympathies voire de l'appui logistique d'une jeune communauté établie dans le Bas Saint-Laurent, soit la "Société Catholique des Missionnaires Laics", qui était à l'origine un mouvement de jeunes d'esprit franciscain, et de très bon esprit je pense.

Que pensez-vous de cette initiative? Étant québécois, ayant vécu en Gaspésie, dans la Beauce, à Québec et à Montréal, ces élans de générosité et cette dépense d'énergie me semblent une perte de temps (je ne parle pas de la SCML en soi, qui a un autre horizon). Non pas que je dénigre le politique en soi, non pas que je ne crois pas en l'importance de mettre en application la doctrine sociale de l'Église, non pas que je dénigre l'idéal de la chrétienté... mais le contexte actuel me semble tout simplement impossible pour une action de cet ordre. Peut-être cela aurait-il pu avoir encore un sens dans les années 70, mais maintenant? Il me semble qu'il y autre chose à faire avant de prétendre influer le cours des choses à l'échelle d'un État et d'une société qui sont aujourd'hui totalement étrangères à notre foi. Et s'il fallait faire de la politique, je dirais qu'il faut se battee pour obtenir le droit de faire nos propres choses, comme d'ouvrir des céoles libres comme cela se faiten France, ou encore tâcher de bâtir des petites communautés comme aux États-Unis, oû ce genre d'utopie (réalisable à petite échelle) a une longue histoire. Qu'en pensez-vous? Je vous avoue que je suis plutôt inquiet quand je pesne à la DCQ; je ne crains pas que la politique active les corrompe, je crains que trop de travail soit fait pour rien et qu'il n'en résulte, à terme, qu'un sentiment d'impuissance défnitive, faute d'avoir bien jugé de ce qu'il fallait faire dans le contexte d'aujourd'hui.
images/icones/neutre.gif  ( 2682 )Le plus important par Jean Renaud (2007-05-01 00:30:05) 
[en réponse à 2680]

Bonsoir,

On m’a signalé votre question tardive. Je trouve vos remarques excellentes.

Il faut fonder des institutions en marge de l’État-Mammouth.

Je ne crois pas non plus que la création d’un parti politique marginal serve à quelque chose. Il vaut mieux mener le combat culturel avant le combat électoral, qui vient après : « Politique ensuite », si j’ose dire.

J’ajoute que le sentiment d’impuissance, d’inutilité, nous guette tous, que notre situation de relative marginalité peut être difficile à porter. L’amertume, le découragement, le ressentiment, et donc le nihilisme, sont dans l’air, dans l’atmosphère que nous respirons. Et nous sommes, chacun de nous, des modernes claudicants, des êtres blessés et peccables… C’est pourquoi, si nous ne voulons pas succomber au désespoir, notre combat culturel conservateur ne doit pas se complaire dans l’activisme. L’activiste est impuissant à accueillir; il croit que le plus important est ce qui vient de lui. Il surestime l’effort aux dépens du silence et de la contemplation. Il est par conséquent toujours déçu. Nous sommes obnubilés par les médias, par le quantitatif, alors que le plus important ne se voit pas. Le combat culturel est un combat spirituel.
images/icones/neutre.gif  ( 2683 )merci de votre réponse par Tardivel (2007-05-01 23:38:00) 
[en réponse à 2682]

Je constate que nous partageons jusqu'à un certain point la même vision des choses; je suppose que vous n'avez pas de contact avec les gens du parti de la DCQ... C'est difficile de dire à des gens sûrement dévoués et bien intentionnés qu'ils marchent vers une impasse... Oui, je sais qu'un Le Pen en France a mis des années avant de percer, mais la France est 10 fois plus populeuse que le Québec et il y a depuis très longtemps dans ce pays une base catholique laique "tradionnaliste" (en commençant par De Maistre jusqu'à Madiran), ce qui n'a jamais existé au Canada français oû le clergé controlait tout.

En revanche, je suis plutôt réticent pour ce qui est de votre appréciation du mouvement conservateur américain, à l'exception des "Crunchy Cons" qui apportent un minimum de critique politique et sociale en étant moins naivement capitalistes et libéraux (au plan économique) que les fondamentalistes qui croient que le sionisme est une condition de la Parousie et qui joignent le mouvement pro-vie à une politique étrangère fondée sur l'industrie pétrolière...
images/icones/neutre.gif  ( 2684 )Crunchy Cons par Jean Renaud (2007-05-02 01:43:13) 
[en réponse à 2683]

Je n’admire guère pour ma part les « Crunchy Cons ». Ils me paraissent relever de ce que j’appelle romantisme politique, un romantisme qui noie la haute valeur rationnelle du conservatisme dans un traditionalisme avili par le subjectivisme et l’angélisme. Ce n’est plus une critique politique qu’ils proposent, mais une négation du politique qui confine à l’anarchisme (certains d’entre eux se définissent d’ailleurs comme des anarchistes).

Cette mentalité agrarienne, isolationniste, tentation de la vieille droite américaine, conduirait au désastre et au triomphe des pires. Elle ouvrirait la voie à l’islamisme qui ne trouverait devant lui que le sourire niais de ceux qui ont oublié que nous sommes entrés depuis longtemps dans l’ère atomique. L’Amérique a des responsabilités impériales que ni la Belgique ni le Luxembourg ne peuvent assumer.

Les évangéliques sionistes ont sans doute de grandes faiblesses théologiques, mais je partage leur admiration pour Israël, pour ce petit peuple héroïque qui refuse de plier, face à l’islam, sur le bastion de l’Est. Les Américains, par leur défense d’Israël, sont devenus non seulement les gardiens des intérêts occidentaux, mais ceux de son honneur. Que l’Amérique soit aujourd’hui l’unique protecteur de Jacob, contre l’ONU, l’Europe et le monde arabe, cela ne me paraît pas contradictoire avec le fait qu’il s’agisse d’un des derniers peuples occidentaux restés à peu près fidèles à leur baptême.

Qu’en général, les membres des mouvements pro-vie aux États-Unis ne soient pas hostiles au capitalisme et à la politique étrangère de leur pays, cela ne diminue en rien la valeur de leur combat pour le respect de la vie. Ce sont des sujets distincts. Pour ma part, je me méfie de l’anticapitalisme, qui mène à tout sauf à la prospérité.

Je sais que je m’oppose ici largement à mes amis de la vieille droite. Mais je crois que nous avons tort de succomber au romantisme politique. Cela ne peut finir que dans le ressentiment, l’envie et la boue. Qui veut faire l’ange fait la bête et le pacifiste professionnel ou le Crunchy Cons isolationniste en viennent un jour ou l’autre à saluer les barbares, sinon à les inviter, comme le philosophe Alain en 40, qui, en bon pacifiste, se réjouissait à l’avance de la victoire d’Hitler.
images/icones/fleche2.gif  ( 2685 )Je respecte votre opinion... par Tardivel (2007-05-02 02:18:47) 
[en réponse à 2684]

... mais l'alliance de la Bible et du Pétrole me paraît infiniment moins respectable que celle du Trône et de l'Autel (laquelle est caduque, je sais).

N'oubliez pas qu'il est probable que les positions pro-vie de la présidence Bush ne lui survivront pas, emportées dans un même discrédit avec les déboires de sa politique en Irak, alors que l'appui américain pour Israel traversera toujours les lignes partisanes et idéologiques.
images/icones/fleur.gif  ( 2686 )De toute façon par Tardivel (2007-05-02 02:38:00) 
[en réponse à 2685]

(et je m'excuse de poursuivre ici un débat clos!), il me semble que votre position plutôt méfiante par principe envers l'État moderne n'a pas tant de raisons d'être plus bienveillante pour Washington. Que ce soit aux USA ou au Québec, l'approche devrait être la même: dans une société globalement apostate et pratiquement athée, la priorité, nous en sommes d'accord, est de rebâtir des institutions chrétiennes de proximité. Que la religion soit sociologiquement mieux portée aux USA n'empêche pas que ce pays est le fournisseur de ce qui pervertit tous les autres, et la source d'une "culture" mondiale qui lamine les autres, ce qui n'a rien pour vous plaire j'en suis certain.

J'aimerais bien vous lire à ce propos mais je compte terminer ici ma contribution (puisque nous ne concluerons pas) pour ne pas vous "tirer la pipe" abusivement. Je vous remercie en tous cas pour cette occasion d'échanger avec vous.
images/icones/neutre.gif  ( 2687 )G.I. par Jean Renaud (2007-05-02 03:17:21) 
[en réponse à 2686]

La critique de l’étatisme ne signifie pas que l’on doive mépriser l’État. Les « institutions de proximité » (qui constituent nos franchises et nos libertés proprement dites) n’empêchent pas qu’il faille une autorité centrale forte, attentive à l’ordre public et à la défense des frontières. Il faut tenir les deux bouts de la chaîne. Sans l’armée américaine, sans le G.I., je ne donne pas cher de nos «institutions de proximité». Honneur aux soldats qui permettent aux libertés de durer et de fleurir. Je vous laisse là-dessus. Merci vivement de vos remarques.