Le Forum Catholique

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images/icones/sacrecoeur.gif  ( 2668 )Charles-Ferdinand Ramuz par dismas (2007-04-30 21:42:14) 

Bonsoir monsieur et merci pour vos réponses
Je vois dans la présentation que le FC fait de vous que vous avez écrit sur Charles-Ferdinand Ramuz. J'ai un souvenir de jeunesse sur "Vie de samuel Belet" qui m'a laissé une douceur à l'âme certaine. Pouvez-vous nous dire un peu ce que vous pensez de cet homme qui écrivait des évidences telles que: "Quand on ne peut pas avoir, on détruit."

Bien à vous
Dismas
images/icones/neutre.gif  ( 2673 )Ramuz par Jean Renaud (2007-04-30 22:00:48) 
[en rponse 2668]

Le nom de notre revue est tiré d’une phrase de Ramuz : « L’économique n’est pas tout. L’homme est aussi payé, il est surtout payé, par les égards.» Cette phrase, on peut la lire sur chaque livraison d’Égards.

Charles-Albert Cingria, cet écrivain d’avant-garde profondément traditionnel, a ces mots sur Ramuz : « Si l’on parle de philosophie ou d’occultisme, il parle de la tête des gens qui font de la philosophie ou de l’occultisme. Mais si l’on en parle bien (pas d’occultisme : de philosophie) en se servant de termes scolastiques et en employant un langage tout simple comme était le latin de gloses du XIIIe, alors il trouve (…) des solutions merveilleuses »

Cingria revient à cette comparaison curieuse entre Ramuz et les grands scolastiques dans son beau portrait de Strawinsky :

« Il lit et recherche l’enseignement sain, comme l’unicorne altéré l’eau de pierre. Taille de l’homme de Ramuz, où les choses sont remises au point comme personne de nos temps n’a su le faire, l’a passionné, On l’a vu lire debout, se promenant, s’arrêtant, disant et commentant de longs passages à voix haute. Il sait le latin (comme beaucoup de Slaves qui ont fait simplement chez eux leurs études classiques) et il le sent dans le français, mais ce qu’il sent et ce qui le grise c’est les armatures, pas les mots qui entraînent et font se perdre la force en jetant du charme. Il déteste le charme ; aussi le trop de littérature de “textes” des gens à la page de l’époque lui est carrément hostile. Dans Ramuz comme dans la dissertation scolastique il y a un contrepoint et une tonicité : c’est ça qu’il aime. »

Celui qui s’est rapproché le plus de la langue de saint Thomas au XXe siècle, c’est Ramuz. La « tonicité », le « contrepoint » - cette superposition de points de contact avec les choses, font de cette œuvre une des intercessions disponibles pour guérir de cette gangue de verbalisme et de verbosité qui nous entoure :. « (…) la France est une civilisation verbale. Ramuz n’aime pas ce qui est verbal. », dit encore Cingria. Qu’est-ce qu’une civilisation verbale ? C’est une civilisation sans mots ou privés des mots qui atteignent la réalité des choses, le fruit d’une rupture entre le mot et le monde. Toute renaissance est retour à l’élémentaire, retrouvaille avec les sources sacrées. Voici encore une belle citation, celle-ci de Ramuz lui-même sur son ami Strawinsky :

« Nous avons lié connaissance devant les choses et par les choses (…). J’aime le corps, vous le savez, parce que je ne le sépare guère de l’âme; j’aime avant tout la belle unité qu’il y a dans leur participation totale à telle opération, où abstrait et concret se trouvent conciliés, s’expliquent, s’éclairent mutuellement. (…) Plus simplement, ce que je percevais en vous, c’était le goût et le sens de la vie, l’amour de tout ce qui est vivant ; et que tout ce qui est vivant était pour vous, comme d’avance et en puissance, de la musique. (…) celui qu’alors j’aimais en vous (que j’aime toujours en vous) était celui qui (…) tire d’abord d’au-dessous de lui ses certitudes, s’assure qu’elles sont solides, et ensuite seulement monte dessus, s’il est capable d’y monter. Autrement dit, il faut être matérialiste (vous l’étiez), - puis devenir spiritualiste, si on veut ou si on peut (et je crois que vous l’avez pu), mais n’être idéaliste en aucune façon et à aucun moment.

(…) il faut être ensemble un sauvage et un civilisé ; il ne faut pas être seulement un primitif, mais il faut être aussi un primitif »

On croirait lire un vieux sage du XIIIe siècle.
images/icones/fleur.gif  ( 2677 )Remerciements par dismas (2007-04-30 22:20:27) 
[en rponse 2673]

"Je vous lis avec passion et réflexion. Vous êtes une blessure ouverte dans le gris du monde et c´est peut-être pour cela que vos écrits me touchent si profondément."
Message de Belet à Charles-Ferdinand Ramuz

Bien à vous
Dismas