Le Forum Catholique

Comme nous avons ce soir des représentants des médias de tailles différentes et de public assez variés, pouvez-vous nous décrire comment avez-vous marqué votre spécificité (journalistique et personnelle) au moment du décès de Jean-Paul II et de l'élection de Benoît XVI ?
Comment avez-vous fait pour marquer votre différence au milieu du déferlement médiatique généralisé ? Comment marquer l'évènement en sortant des sentiers rebattus, par les journaux TV par exemple ?

en ce qui nous concerne ! En effet, l’affaire était simple… ou presque.

Nous nous préparions, professionnellement, à la mort de Jean-Paul II. Comme les autres agences de presse nous avons fourni une somme immense de dépêches sur le pontificat du pape polonais. Comme l’exige notre ligne éditoriale depuis notre création, il y a une quinzaine d’années, nous n’avons pas tiré à boulets rouges sur ‘le pape qui dit non au préservatif’ ou encore sur ‘ce vieux pontife qui ne dirige plus l’Eglise’. Non, notre travail était de fournir sérieusement des données à nos clients (chez nous on dit rarement lecteurs puisque nous travaillons exclusivement avec les autres médias) concernant le pape défunt, son pontificat, et ce qui allait se passer ensuite… jusqu’à l’Habemus Papam !

...La préparation à l'évènement, cependant, n'a pas empêché le catholique journaliste que je suis de verser une sacrée série de larmes, place Saint-Pierre, au moment de recevoir sur son téléphone portable un SMS urgent du Bureau de presse du Saint-Siège annonçant la mort du pape.

C’est peut-être le plus grand problème de la presse aujourd’hui, au moins en France : l’uniformisation… Et quand vous y ajoutez le phénomène de la gratuité, cela devient carrément saignant ! Car enfin, quand vous avez vu quelque chose gratuitement au 20h, que vous l’avez réentendu gratuitement à la radio le matin en vous levant (ou en vous rasant) : allez-vous vraiment PAYER un journal pour lire la même chose ? La seule manière pour les journaux de s’en sortir est donc de proposer quelque chose de différent.

Le journalisme ne consiste pas à recopier l'autre. Dès lors, quel que soit le sujet, il faut travailler seul. Personnellement, je ne lis pas mes confrères pour me faire une idée - même si parfois on peut apprendre chez ses confrères. Je préfère confronter ce que j'ai écrit à leur lecture. Quitte à me corriger si j'estime que j'ai fait fausse route... Au quotidien, c'est souvent trop tard, et doit attendre le lendemain.

Quand on le peut, être sur place, pour voir, entendre, et, si possible, interroger les personnes concernées, voire les acteurs. C'est ce que j'ai tenté de faire pour l'élection de Benoît XVI.

Lors de l'élection de Benoît XVI nous étions en train de boucler. ( généralement c'est fait vers 18 /19 heures le Mardi) La nouvelle tombe de l'élection du pape à peu prés à cette heure.Que faire? Non pas rechercher sa différence mais rechercher l'information. Nous avions préparé plusieurs bios,de papabile l'abbé Barthe nous avait adressé un trés bel article de Rome. Nous avons modifié la Une ,modifié l'édito, dressé une biographie de l'interressé. Habemus papam un point c'est tout! Il ne faut pas croire que la concurrence nous amène toujours à chercher l'originalité, seul le traitement de l'évènement et l'équipe qui y travaille peut imprimer sa différence, il est, au surplus ,risqué de chercher la différence pour elle-même. Quant à considérer la différence avec les médias non catholiques la réponse a été donnée plus haut.

Pour marquer sa différence, devraient suffire d'une part la ligne du journal et d'autre part l'angle choisi par le rédacteur. Hélas, dans notre société, c'est la correctness à l'anglo-saxonne qui domine. Et tout le monde finit par dire la même chose sur tous les sujets ! Cela donne certaines “nouvelles maquettes” de la presse nationale : des articles de plus en plus courts et purement factuels. Dans ces conditions on comprend qu'il soit difficile à la presse de lutter contre Internet et d'affirmer sa différence. Je crois qu'il suffit donc de défendre un véritable point de vue pour redevenir attractif. La presse d'opinion est l'avenir de la presse.