Le Forum Catholique

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images/icones/1v.gif  ( 990 )Votre vision de votre métier par XA (2006-12-18 11:40:30) 

Comment envisagez-vous votre métier de journaliste ? Vous considérez-vous plus comme un analyste de l'information ou plus comme un reporter qui évoque des faits bruts ? Où se situe pour vous la frontière ? Y a-t-il des limtes que vous vous fixiez ?
images/icones/hein.gif  ( 1035 )Visionnaire ? par Olivier Figueras (2006-12-18 18:44:28) 
[en réponse à 990]

Clairement comme une vocation – non ! je ne me compare pas à un religieux. Mais il s’agit, dans un domaine qui reste limité, d’une espèce d’apostolat. D’autant plus que, après quinze ans d’expérience, je dois avouer que la lettre tue… assez souvent.

Ayant dit cela, il va de soi que je me situe plus du côté de l’analyse – ce qui n’empêche nullement d’aller à la recherche de l’information. La frontière entre les deux est excessivement ténue dès lors qu’on s’intéresse à son sujet. Où commence l’interprétation (voire la déformation) personnelle ? C’est assez délicat à dire, et parfois difficile à percevoir. Si les attaques dont on peut être l’objet (surtout dans ce genre de presse) sont blessantes, elles ont du moins le mérite de nous obliger à réfléchir à l’expression de l’objectivité – ce qui ne signifie pas qu’il faille donner raison à l’adversaire.

Quant aux limites, me semble-t-il, elles sont celles que peut s’imposer tout un chacun : la conscience, le bon sens, et, pour les catholiques, la foi. La limite la plus délicate étant, dans mon cas, la seconde. Lorsqu’on est plongé, à temps et à contre-temps, dans un domaine, on arrive parfois à perdre l’horizon du réel…
images/icones/neutre.gif  ( 1037 )Les deux... par Nicolas Senèze (La Croix) (2006-12-18 18:45:03) 
[en réponse à 990]

J’aurais tendance à répondre : les deux… Nous partons de faits bruts. Mais ceux-ci doivent être replacés dans une histoire et mis en perspective. Ne serait-ce que pour des lecteurs qui ne disposent pas de tous les outils pour le faire…
images/icones/hein.gif  ( 1045 )Les lecteurs par Marc B. (2006-12-18 18:49:31) 
[en réponse à 1037]

Bonsoir Nicolas Seneze,

Vous parlez fort justement des lecteurs qui ne disposent pas des outils pour mettre en pespective certains faits.

Votre métier n'est-il pas rendu difficile par le manque de formation des lecteurs? Vous arrive-t'il de ne pas traiter un sujet pour cette raison?

La recherche de "l'évènementiel" permet-elle de rechercher la profondeur des choses, au risque d'ennuyer les lecteurs?
images/icones/neutre.gif  ( 1049 )Lecteurs par Nicolas Senèze (La Croix) (2006-12-18 18:51:59) 
[en réponse à 1045]

La question de la culture (notamment religieuse) est un véritable problème. Ils nous faut donc donner également aux lecteurs cette culture. Notre chance à La Croix est d'avoir la place pour le faire.

Reste le risque : former sans déformer. Mais les lecteurs sont rarement dupes et je sais d'expérience qu'ils savent très bien quand on les aide à pensser (ce qu'ils apprécient beaucoup) et quand on veut penser pour eux (ce qu'ils détestent...)
images/icones/neutre.gif  ( 1039 )plume par Sophie de Ravinel (Le Figaro) (2006-12-18 18:47:46) 
[en réponse à 990]

Les limites que je m'impose sont liées aux crampes du poignet. Pour ce qui est de l'analyse, le Figaro nous réserve une double colonne dans les pages débats opinions, que j'utilise à l'occasion. C'est un moyen précieux pour nous permettre d'aiguiser notre sens critique. Pour le reste, je pense que ce dont les lecteurs ont le plus besoin est une information claire, possiblement impartiale, susceptible de les aider à se faire leur propre jugement. Un travail délicat en matière religieuse. On y travaille de la pointe d'une plume.
images/icones/neutre.gif  ( 1052 )Précision par Nicolas Senèze (La Croix) (2006-12-18 18:53:11) 
[en réponse à 1039]

Bonjour chère Sophie,

J'apporterais une précision pour ma part en distinguant l'analyse et le commentaire du fait (même si la frontière peut être très mince entre les deux)...
images/icones/neutre.gif  ( 1044 )médiateur par Guillaume Riffaud (2006-12-18 18:49:14) 
[en réponse à 990]

Je considère que mon rôle est d'être un médiateur entre des faits et des idées, et des lecteurs. Je n'ai la prétention de pouvoir guider mes lecteurs. Je ne peux que leur apporter mon travail le plus honnête possible. Descartes (je crois) disait qu'un bon maître apprenait à penser, et non des pensées. Je crois qu'un journaliste doit surtout ne pas se considérer comme un maître: il est là simplement pour rapporter des idées, des pensées, des faits. Lorsqu'un journaliste pense pouvoir apprendre à penser à ses lecteurs, il court le risque de perdre toute son objectivité. Me semble-t-il. Editorialiste, c'est un autre métier.
images/icones/neutre.gif  ( 1053 )[réponse] par Philippe Maxence (Homme Nouveau) (2006-12-18 18:53:13) 
[en réponse à 990]

Le rythme de L’Homme Nouveau répond d’emblée à cette question. Paraissant tous les quinze jours, nous ne sommes ni un hebdomadaire, ni un mensuel. Nous pouvons donc rester suffisamment en phase avec l’actualité tout en nous donnant la possibilité de l’analyser avec profondeur, de la mettre en perspective. La frontière ou la limite principale que je rencontre est principalement celle du temps, surtout lorsque le bouclage arrive. De ce point de vue, le métier de journaliste est parfois frustrant : il ne permet pas toujours d’aborder un sujet dans toute sa complexité, avec le recul nécessaire. Certains sujets n’autorisent pourtant pas ce manque de recul, ni cette absence de réflexion. Cela peut expliquer les surprises rencontrées par les lecteurs qui estiment que vraiment « ces » journalistes n’y connaissent rien ou disent n’importe quoi. En même temps, si ces mêmes lecteurs n’ont pas à temps leur journal, ils s’estiment floués.
images/icones/neutre.gif  ( 1064 )Monde & Vie par Olivier Pichon (Monde & Vie) (2006-12-18 18:58:52) 
[en réponse à 990]

Entre les faits et les commentaires, il faut trouver un équilibre, mais je pense que nous avons trop tendance, comme journalistes d’organes réputés d’opinion, à nous contenter de commentaires. Il faut impérativement faire une part à la recherche des faits bruts, c’est d’ailleurs ce à quoi je me suis efforcé à Monde &Vie, c’est ce qui a permis le redressement du journal et le gain de nouveaux lecteurs. Ceux-ci ont généralement un niveau culturel supérieur à la moyenne et nous demandent aussi des faits, c’est en tout cas la tâche que j’ai assignée à tous les jeunes journalistes que j’ai recrutés.
D’autant plus que les gros médias occultent les faits qui les dérange, mais qu’en revanche Internet les diffuse plus aisément.
Dans le cas de l’affaire AZF par exemple, où j’ai fait en sorte qu’une certaine vérité officielle soit réfutée d’abord sur Radio Courtoisie dans mon libre journal puis dans Monde &Vie, le principal scientifique à l’origine du démontage a finalement été entendu comme témoin pendant six heures par le juge de Toulouse.
Comme historien, je n’oublie pas qu’en grec « historié » signifie enquête, je suis passé comme journaliste aujourd’hui, de l’enquête au passé à l’enquête au présent.
images/icones/heho.gif  ( 1067 )Brute l'information ? par Dominique Molitor (Le Choc du mois) (2006-12-18 19:01:47) 
[en réponse à 990]

Nous ne tenons pas particulièrement à nous substituer aux agences de presse qui donnent l’information brute. Il est bien sûr indispensable dans un article de rappeler les faits, mais il faut aussi les décrypter et à partir d’eux construire des problématiques qui nous introduisent dans la réalité politique. Un vrai journaliste aujourd’hui apporte un plus parce qu’il a une culture qui lui permet la mise en perspective des faits bruts et leur interprétation qui se doit d’être objective.
Par ailleurs il me semble qu’un bon reporter ne doit surtout pas se contenter de relater les faits bruts mais bien plutôt de planter un décors, de restituer un climat, bref de donner une âme à une histoire ou retrouver le cœur d’une situation.
images/icones/neutre.gif  ( 1078 )[réponse] par Gérard Leclerc (France Catholique) (2006-12-18 19:08:03) 
[en réponse à 990]

Je me suis toujours considéré comme un journaliste engagé, défendant des convictions, ce qui n'est pas contradictoire avec une conception rigoureuse de la déontologie du métier. Par exemple, il m'est arrivé de traiter d'un sujet particulièrement conflictuel durant le premier septennat de François Miterrand, puisqu'il concernait le sort fait à l'école catholique par la loi Savary. J'ai eu la satisfaction de recevoir des témoignages "d'adversaires" qui considéraient que nos désaccords ne m'empêchaient pas de les traiter honnêtement. Alain Savary s'est même félicité que je fasse un livre sur le sujet, parce qu'il m'avait apprécié dans le simple traitement de l'information.

Par vocation, j'ai toujours eu une préférence pour la confrontation intellectuelle, ce qui implique une primauté de l'analyse. Mais je n'ai jamais dédaigné les enquêtes factuelles qui impliquent la collation rigoureuse des informations, leur recoupement éventuel.

Pour moi il n'y a pas de frontière. Tout fait n'est intéressant que s'il est interprétable, le tout étant de savoir ce dont on parle et quelle est la pertinence du discours que l'on tient.
images/icones/bravo.gif  ( 1123 )Catholicité = universalité par Daniel Hamiche (Radio Courtoisie) (2006-12-18 19:27:34) 
[en réponse à 990]

Je voudrais rajouter mon petit grain de sel à ce "fil" de grand intérêt. Essayant, depuis des années, de porter le regard des catholiques français au delà du débat qui nous est propre, et qui est donc nécessairement quelque part franco-français, en l'ouvrant, notamment, sur le réalités du catholicisme outre-Atlantique (et je remercie L'Homme Nouveau, Objections, Le Choc du Mois… d'avoir été les supports de ma "marotte"), je pourrais dire que le travail du journaliste – outre la relation du fait brut ou son commentaire – est d'abord, à mon sens, la recherche, l'investigation. On peut faire du très bon travail d'information catholique hors des agences de presse officielles, en allant directement à la source ou, pour mieux dire, aux sources qui se comptent par milliers aux Etats-Unis, et qui déversent une eau autrement fraîche que celle de l'AFP, d'AP et d'autres…
images/icones/1b.gif  ( 1263 )Cher Daniel par Don Rodrigue (2006-12-18 20:55:20) 
[en réponse à 1123]

Un petit coucou d'un compagnon de table (et de boisson !!!) d'un jour !
images/icones/bravo.gif  ( 1334 )Bonsoir aux Lorrains par Daniel Hamiche (Radio Courtoisie) (2006-12-18 21:45:51) 
[en réponse à 1263]

Merci de votre petit signe amical. Je me souviens parfaitement de ce sympathique déjeuner. Vous êtes bien lorrain, n'est-ce pas ?
images/icones/1a.gif  ( 1337 )Tout à fait ! par Don Rodrigue (2006-12-18 21:47:07) 
[en réponse à 1334]

Lorraine vaincra !!!
images/icones/neutre.gif  ( 1129 )LA NEF par Christophe Geffroy (La Nef) (2006-12-18 19:29:54) 
[en réponse à 990]

Au départ, créer un journal a été pour moi une façon de vivre professionnellement ce qui est pour moi l'essentiel, à savoir vivre chrétiennement de la foi et servir l'Eglise, en sachant bien que je le fais en « serviteur inutile » pour reprendre l'expression de saint Luc. Mais pour un laïc, vivre sa profession comme un service d'Eglise est une grâce extraordinaire, et cela guide bien évidemment toute ma façon d'être journaliste.
De toute façon, dans quelque activité que ce soit, on ne peut découpler sa vocation de chrétien et son activité professionnelle. Où que l'on soit, on est chrétien et l'on doit témoigner de la foi que nous avons reçue comme une grâce. Quand on travaille dans un journal qui se veut explicitement catholique, on a finalement peu de mérite puisque cela coule presque de source. Pour ceux qui travaillent dans des grands groupes, c'est autrement plus difficile – et j'en ai fait l'expérience – mais pourtant nécessaire.
Servir l'Eglise, cela signifie informer de la vie de l'Eglise, mais aussi aller au-delà, expliquer le Magistère, aider les lecteurs à se former. Enfin, au-delà, ce qui nous passionne à La Nef, c'est le débat d'idées, c'est pourquoi nous consacrons une grande place à la réflexion, à la rencontre des intellectuels qui apportent quelque chose au débat d'idées, même s'il n'est pas de notre chapelle