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images/icones/livre.gif  ( 10424 )Père Emmanuel par Alexandre (2018-05-28 15:18:36) 

Monsieur l'Abbé,

Le Père Emmanuel André, curé de Mesnil Saint-Loup et abbé de Notre-Dame de la sainte-Espérance († 1903), a écrit dans ses Lettres à une mère sur la Foi qu'il fallait avant tout que l’enseignement se fasse « ex fide in fidem » (Rm 1,17) : de la foi (acquise) de la maman à la foi (infuse) de l'enfant, reçue au baptême.

L'oubli de cette attitude n'est-il pas une des causes importantes de l'échec des catéchismes, avant même la modification des textes que vous déplorez ?


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LETTRES À UNE MÈRE SUR LA FOI

Introduction

(...)

O mère chrétienne, vous voulez éviter de pareils malheurs à vos enfants bien-aimés. Travaillez-y. Nous vous aiderons.

Et tout d’abord, nous vous dirons, qu’il y a trois manières ou méthodes d’enseigner la religion.

La première serait la méthode qui irait de votre mémoire à la mémoire de votre enfant ; la seconde celle qui procéderait de votre esprit à son esprit ; la troisième enfin celle qui va droit de votre foi à sa foi.

La première méthode règne dans bien des écoles, la seconde également ; la troisième est aujourd’hui le privilège presque exclusif et le grand honneur des mères chrétiennes.

La méthode que nous appelons de la mémoire est une méthode facile. Aujourd’hui, on veut que tout soit facile ; mais, sans comparaison, c’est la méthode nécessaire pour l’instruction de l’animal. Il y a des animaux savants. Appliquée au chrétien, cette méthode fait à son intelligence un tort considérable. Chez le chrétien, l’intelligence est le point important de l’âme, c’est la citadelle de la place. Là doit régner la vérité, maintenant par la foi ; au ciel, par la vue de Dieu. C’est donc l’intelligence de l’enfant qu’il faut viser. Si vous ne vous adressez qu’à sa mémoire ; si vous faites apprendre à l’enfant son catéchisme comme vous lui faites apprendre sa grammaire ; si vous lui faites réciter son histoire sainte comme sa géographie ; vous pourrez bien n’avoir fait que constater si sa mémoire a retenu fidèlement ce qui est écrit dans son livre. Vous aurez fait le plus grand tort à son intelligence qui, ne recevant pas l’aliment et le stimulant qui lui sont indispensables, s’affaissera nécessairement, et tombera d’inanition.

La seconde méthode l’emporte de beaucoup sur la précédente ; au moins elle va de l’esprit à l’esprit. Une personne qui sait s’adresse à l’enfant pour lui faire savoir. Cette seconde méthode force à travailler l’intelligence de l’enfant ; elle l’habitue au raisonnement, elle lui fait sentir la puissance d’une démonstration. Avec tout cela, elle ne peut toujours faire que des savants ; elle ne répond pas à tous les besoins de l’âme d’un baptisé. Si à force de vouloir donner de la science à votre élève, vous oubliez les aspirations de son âme chrétienne ; si vous ne travaillez pas à vivifier la foi de son baptême, les trésors de grâce déposés dans cette âme par le Baptême, la Confirmation, l’Eucharistie, iront en s’épuisant, et à un jour donné, l’homme que vous aurez instruit, aura cessé de croire. Ne dit-on pas que bien des hommes ont perdu la foi en étudiant, même en étudiant la théologie? Donc, si cette seconde méthode peut faire des savants, elle est insuffisante puisqu’elle ne fait pas des croyants. Si la première méthode fait tort à l’intelligence, la seconde fait tort à la foi.

Il vous faut donc, ô mère chrétienne, sans négliger la mémoire, sans négliger aucune des ressources de votre esprit et de l’esprit de votre enfant, il vous faut une méthode plus puissante, plus sûre, plus adaptée à la fin que vous vous proposez. Ce sera la méthode qui va droit, avons-nous dit, de votre foi à la foi de votre enfant. Son intelligence de baptisé réclame quelque chose que tous les livres du monde ne sauraient lui donner. La lettre tue, dit saint Paul, dans son langage divinement énergique. A cette chère âme baptisée, il faut faire entendre ce que le même saint Paul appelle verbum fidei, la parole de la foi : un hébraïsme, il est vrai ; mais en français cela veut dire : LA FOI PARLÉE. La foi parlée ! oui, voilà, ô mère chrétienne, le lait spirituel que votre enfant vous demande. Donnez-le lui ; soyez mère ; et croyez-nous, pas de nourrices. L’enfant réclame d’abord la parole, non le livre. Le livre viendra en son temps. Mais si vous croyez, ô mère, dites votre foi à votre enfant ; il est baptisé pour vous écouter, il vous écoutera, il croira par la grâce de son baptême, et son âme dira : J’ai mon pain, je vis.