Le Forum Catholique

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images/icones/neutre.gif  ( 10082 )Toast d'Alger par Pumaj (2013-12-18 19:22:28) 

Bonsoir Monsieur Dickès et merci du temps que vous nous consacrez.
Votre dictionnaire aborde t-il la question du toast d'Alger (Incitation de Mgr Lavigerie depuis Alger, aux catholiques français, de rallier la république) ? Si oui, que concluez-vous sur la politique vaticane ?

Avec mes remerciements

Philippe
images/icones/macos.gif  ( 10098 )La réponse est: OUI par Christophe Dickès (2013-12-18 20:46:18) 
[en réponse à 10082]

cher Pumaj....

mais ce n'est ni à Alger (toast-), ni à Alimentation des papes, ni à Apéritif des papes mais, plus sérieusement à Ralliement pp. 832-834 (article de Paul Airiau) et à Lavigerie pp 618-619 (Article d'Adelaïde Pouchol). Comme vous êtes sympathique, voici un extrait de la notice Ralliement:


Le 12 novembre 1890, devant l’état-major de l’escadre de la Méditerranée en visite à Alger, le prélat porte un toast dont il affirme qu’il ne sera pas désavoué : « quand la volonté d’un peuple s’est nettement affirmée, que la forme d’un gouvernement n’a rien en soit de contraire, comme le proclamait dernièrement Léon XIII aux principes qui seuls peuvent faire vivre les nations chrétiennes et civilisées ; lorsqu’il faut, pour arracher son pays aux abîmes qui le menacent, l’adhésion sans arrière-pensée à cette forme de gouvernement, le moment vient de déclarer enfin l’épreuve faite et, pour mettre un terme à nos division, de sacrifier tout ce que la conscience et l’honneur permettent, ordonnent à chacun de nous de sacrifier pour l’amour de la patrie.» Le salut de la France impose l’unité nationale et donc l’acceptation de la République, légitime parce qu’elle dure malgré tout.

Les réactions sont immédiates. Les élites catholiques (monarchistes, bonapartistes) sont majoritairement dubitatives, voire hostiles, doutant que la République puisse être autre chose qu’antichrétienne, puisque tous les républicains affirment l’intangibilité des lois laïques. Le Saint-Siège ne clarifie pas immédiatement ses positions. Notamment, une lettre à l’évêque de Saint-Flour laisse la porte ouverte à de multiples interprétations. En janvier 1892, une déclaration des cardinaux dénonce la législation laïque mais conseille aux catholiques de s’accommoder des institutions. Léon XIII intervient alors directement. Dans une interview au Petit Journal, le 17 février, il déclare que « la république est une forme de gouvernement aussi légitime qu’une autre ». L’encyclique Au milieu des sollicitudes, publiée le 19 février, invite à l’union pour lutter contre la législation anticléricale, demande l’adhésion à la République et insiste sur la nécessité de maintenir le concordat, objet de doute d’une partie de la hiérarchie catholique en raison de son utilisation anticléricale. Ces positions sont réitérées à plusieurs reprises. Les réactions catholiques sont plurielles. Une minorité s’affirme hostile, demeurant monarchiste et contestant la politique papale. Une majorité se consacre à la défense religieuse dans le cadre républicain, abandonnant la question du régime, acceptant de soutenir des gouvernements républicains modérés, combattant cependant fortement leurs bouffées anticongrégationnistes ponctuelles. Une minorité entre clairement en République pour la christianiser (Jacques Piou, Etienne Lamy) ou la rendre chrétienne et sociale (Albert de Mun, abbé Lemire). Mais ces ralliés ne réussissent pas à représenter plus d’une trentaine de députés. L’alliance de terrain avec les opportunistes est limitée, et les radicaux jouent de la menace socialiste pour conserver l’unité républicaine.

L’adhésion franche au Ralliement est donc faible, d’autant plus que l’affaire Dreyfus relance dès 1898 l’anticléricalisme républicain, en raison de l’antidreyfusisme majoritaire des catholiques. Pourtant, le parti monarchiste, qui revendiquait l’identification exclusive aux intérêts catholiques, est cassé puisque l’Eglise ne lui reconnaît plus de légitimité pour s’identifier à la défense de ses intérêts. Léon XIII aide ainsi à l’enracinement républicain. Il faut malgré tout attendre les années 1920-1930 pour l’acceptation complète de la République par les catholiques, en particulier par leurs élites. La Première Guerre mondiale permet leur réintégration à la nation. Pie XI impose ensuite brutalement, par la condamnation de l’Action française, la théologique politique et l’ecclésiologie de Léon XIII. Aussi certains historiens parlent-ils pour cette période de « Second Ralliement ». (Extrait du Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège, coll. Bouquins, Robert laffont, Paris, 2013, pp. 833-834, tous droits réservés, copie interdite sans autorisation de l'éditeur et des ayant-droits)




images/icones/sacrecoeur.gif  ( 10101 )Archives par Pumaj (2013-12-18 20:58:09) 
[en réponse à 10098]

Trouve t-on, dans les archives, un quelconque constat de l'échec de cette politique de Léon XIII, ou, tout au moins, de définition tronquée ou mal comprise du terme "ralliement" ? il semble, en effet, que malgré les encouragements du pape, les catholiques français n'ont jamais réussi, ni à s'allier suffisamment, ni à s'adapter à la république... qui le leur rendait (et leur rend toujours !!) bien !

Philippe
images/icones/livre.gif  ( 10105 )Il faudrait demander par Christophe Dickès (2013-12-18 21:22:28) 
[en réponse à 10101]

à Luc Perrin qui a travaillé sur Léon XIII. Mais je le cite: "Le Ralliement a donc manqué ses buts à court terme et constitue un échec."

Je ne suis pas spécialiste du règne malheureusement, mais il est un fait acquis que cette politique française a été un échec . A l'époque, le catholicisme faisait figure d'obscurantisme pour la classe politique française. Dans un article du Figaro de vendredi dernier, un éditorialiste rappelait que la religion en vogue était le protestantisme, nullement le catholicisme... Elle eut d'ailleurs son "prolongement" dans la politique internationale avec le wilsonisme, quand Benoît XV n'eut aucun droit de cité à la conférence de paix de 1919, à cause de l'Italie qui avait monnayé son engagement entre autre sur cette question.

Voir aussi le livre indispensable sur le règne de Léon XIII publié par l'Ecole française de Rome. (En dehors naturellement du Dictionnaire du Vatican ;o)))

images/icones/sacrecoeur.gif  ( 10107 )[réponse] par Pumaj (2013-12-18 21:30:37) 
[en réponse à 10105]

Je vous remercie pour cet éclaircissement.
Je recommande, sur cette période du ralliement, le livre de M Dumont "le saint siège et l'organisation politique des catholiques français aux lendemains du ralliement " passionnante thèse d'historien.
Bien à vous