l'Église entre Afrique et Europe

Le Forum Catholique

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Luc Perrin -  2009-12-12 12:41:53

l'Église entre Afrique et Europe

Monseigneur,
mon respectueux souvenir d'une rencontre à Rome pour le CIEL en 2006.

Mes questions :
1. Que pensent les évêques africains du mépris dans lequel sont tenues - hélas - les populations africaines catholiques installées en France, si l'on songe que les documents du Magistère pour la pastorale des migrants y sont ignorés, uniquement pour les Africains ? Est-il normal que l'Afrique soit le seul continent pour lequel l'instance de coordination de la CEF indique qu'il n'y a AUCUNE structure pastorale spécifique ?
Pourtant la CEF produit de nombreux discours sur la migration et les migrants bizarrement, sans se soucier des catholiques africains. Il est bien d'encourager à la connaissance de l'Autre musulman mais si c'est pour ne rien faire pour son propre frère venu d'Afrique...
Les évêques d'Afrique, particulièrement des pays autrefois liés à la France, n'ont-ils pas à rappeler - collectivement -, dans les formes les plus appropriées, à leurs confrères français (et européens) que ces catholiques existent, qu'ils ont des besoins spirituels propres et pourraient apporter plus à la vie de nos diocèses s'ils étaient pris en compte réellement comme le réclame Erga Migrantes Caritas Christi ?

2. Enseignant d'une Faculté de Théologie catholique qui accueille chaque année un nombre conséquent d'étudiants africains (souvent clercs ou séminaristes), je suis frappé par leur désir d'apprendre, de leur extrême bonne volonté en dépit des grosses difficultés culturelles et matérielles.
Mais la plupart sont peu armés, voire pas préparés du tout, à se confronter aux théologies occidentales dissidentes, parfois carrément hétérodoxes par rapport au Magistère romain. Plutôt que d'enrichir leur réflexion doctrinale et pastorale par une fréquentation habituelle avec la Tradition et le Magistère, il y a souvent - pas toujours - une fascination pour l'hétérodoxie qu'ils ont tendance à assimiler à la "modernité" religieuse dont nos Églises malades ou mourantes d'Europe seraient porteuses, comme l'a encore dit la cardinal Danneels récemment, se croyant en mesure de donner des leçons à ses confrères d'Afrique.
Je précise que cette malheureuse fascination n'est pas invicible chez les clercs africains : la grande majorité ont, en arrivant, l'amour de l'Église et celui de Rome et ne demandent qu'à s'abreuver aux bonnes sources.

Comme je suis convaincu que l'Afrique noire est un lieu décisif pour l'avenir du catholicisme au XXIe siècle, j'aimerais savoir ce qu'un évêque pense de cet état de fait. N'y-a-t-il pas une carence dans la formation initiale en Afrique de ces prêtres qui les rend plus vulnérables à l'hétérodoxie répandue en Europe et leur fait perdre leur sens critique à l'égard des lectures déviantes et des pastorales inspirées par des principes qui ont conduit, chez nous en Europe, à un échec patent ?
Les échanges de clercs, spécialement des Africains venant en Europe, sont essentiels et contribuent à unir l'Eglise, c'est pourquoi l'enjeu me semble important.

3. La liturgie romaine latine (Forme extraordinaire) fait partie du patrimoine des Églises africaines puisque l'évangélisation du XIX-XXe siècle s'est faite dans cette liturgie. Pourquoi les évêques d'Afrique en général sont si réticents à mettre en valeur ce patrimoine qui leur appartient autant qu'aux Européens ou aux Latino-américains ?
Un séminariste ivoirien, ordonné prêtre cette année, que j'avais amené à la Messe latine traditionnelle me disait qu'il comprenait désormais mieux ce que lui rapportait sa mère sur la liturgie plus priante et d'adoration qu'elle avait vécue dans sa jeunesse. Le style de la liturgie romaine traditionnelle s'est très bien inculturé dans les civilisations africaines et résonne très bien avec le sens du sacré dans ces cultures traditionnelles. Pourquoi l'Église en Afrique tend-elle à se priver de cette Forme extraordinaire de la liturgie comme un des atouts à sa disposition pour l'évangélisation ?
Je sais bien Monseigneur que vous n'êtes pas directement concerné mais comment comprenez-vous la tendance très majoritaire dans l'Église africaine ? N'est-ce pas une conséquence de la question n°2 ?
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