Les synodes en France aux XIXe et XXe siècles

Le Forum Catholique

Imprimer le Fil Complet

Escartefigue -  2009-12-06 19:18:34

Les synodes en France aux XIXe et XXe siècles

Les synodes en France aux XIXe et XXe siècles (Cerf, octobre 2006) de l’abbé Louis Trichet, décédé en 2002, canoniste connu pour ses études sur le costume ecclésiastique ou la tonsure, offre l’intérêt de rassembler en une centaine de pages la concordance et la sévérité des critiques des spécialistes à l’égard des assemblées postconciliaires. Il met l’accent sur une rupture concernant une caractéristique essentielle de l’institution synodale : jusqu’au concile le synode a toujours été une assemblée de « responsables », de personnes chargées d’un ministère. Cette représentation permettait de participer, ponctuellement mais pleinement, à l’élaboration de la loi synodale que l’évêque promulgue en tant qu’unique législateur canonique du diocèse. La tentation fut grande après Vatican II « de réaliser dans l’Eglise diocésaine ce qui a été réalisé dans l’Eglise universelle par le Concile œcuménique » (Mgr Jean Passicos). La métamorphose de l’institution passe par un flou étymologique, largement entretenu : le grec sunodos, qui a toujours désigné une réunion, a subit un glissement de sens par confusion avec sunodia, « faire route ensemble ». En découlent les termes bien peu rigoureux : « démarche synodale », etc. Selon le Directoire de pastorale (1973) l’évêque devait appeler au synode « selon les normes du droit, clercs, religieux et laïcs » (art. 163). L’article suivant demandait une large participation des simples laïcs, hommes et femmes de toutes conditions, ouvrant la voie au parlementarisme ou à une session de formation permanente. Tel a été, consciemment ou non, le dessein poursuivi dans maintes assemblées, tant en France qu’ailleurs. Personne ne semble avoir pris garde de la disparition de ces directives dans le nouveau Code de droit canonique de 1983. « De toute façon, comme l’a fait remarquer un canoniste espagnol, les évêques n’ont pas tenu compte de cette suppression et ont continué de programmer la préparation des synodes conformément aux directives de 1973 ». Imitant le Code de 1917 qui permettait à l’évêque de réunir tout le clergé, à l’exception de ceux dont la présence était nécessaire dans les paroisses, le nouveau Code offre aux évêques la possibilité de réunir « d’autres personnes », y compris des laïcs. Une note de L. Trichet en page 78 est étonnante ; dans la traduction du c. 460 on lit : « Le synode est la réunion des délégués des prêtres et des autres fidèles ». « Contresens invraisemblable ! » commente l’abbé, « on a confondu delectorum (de deligo, “choisir”), avec delegatorum (de delegare, “déléguer”). Un texte cependant publié avec toutes les garanties exigées des documents officiels… » En fait, souligne l’auteur, le Code a été publié alors que l’usage s’était établi d’offrir aux laïcs, souvent désignés par leurs pairs, une large place correspondant d’ailleurs à l’objectif de ces assemblées : faire participer l’ensemble de la population fidèle à l’événement dans lequel elle devait être impliquée sans réserve en apportant ses préoccupations et ses questions. Cette « réévaluation théologique » introduit la démocratie dans l’Eglise et gomme la différence essentielle et non de degré entre le sacerdoce ministériel qui dérive du sacrement de l’ordre et le sacerdoce commun des fidèles, ce qui aboutit à une transformation radicale des synodes diocésains. C’est la conception même de l’institution synodale, « la plus ancienne de l’Eglise », qui est mise en cause. Mgr Jean Passicos précisait avec humour sur l’avenir de ce genre de « fait ecclésial » : « Va-t-il au “casse-pipe” ? Ne serait-il pas une superstructure, une sorte d’épiphénomène, comme une étoile filante dans le ciel de la vie diocésaine, qui laisse une belle traînée et surtout un beau souvenir, mais… qui a filé et disparu dans les nébuleuses du cimetière institutionnel ». La critique est sans appel.
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=8286