sémantique pour NéoAthanase

Le Forum Catholique

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baudelairec2000 -  2008-01-02 11:46:39

sémantique pour NéoAthanase

Pour approfondir le sujet, je me permets de citer quelques lignes de Robert Fossier (Le Travail au Moyen Age, Hachette, pp.14-15). Qu'il ne faut pas confondre des termes comme "opus", "operatio", "ars" ou bien encore "labor".

" Trois champs sémantiques s'ouvrent à lui (au scribe du Moyen Age). Le premier ne contient aucune appréciation qualitative; il est neutre. "Opus", "operare", "operatio", c'est l'exécution d'une activité, une "oeuvre"; c'est "agir" tout simplement, "faire", par exemple, aussi bien une aumône (opus pium) qu'une corvée (co-opera). Ces termes passe-partout pourront donc s'appliquer à toute forme de travail. La recherche d'un résultat, profitable ou non, en est exclue; pour le dégager, il faut un qualificatif, mais qui restera seulement descriptif: "opus manuale", "opus divinum", "opus mechanicum". C'est dire que l'emploi du mot et de sa famille, s'accomodant de tout, triomphant de tout, trimphe partout, sans que nous sachions ce que pensait celui qui l'a employé.

S'il veut au contraire donner quelque relief à l'action, souligner le soin qu'il faut lui apporter, l'habileté qu'elle révèle, le service qu'elle rendra à autrui, il dira, certes, "cura", "industria", "ministerium", mais surtout "ars", art. S'occuper des âmes, apprêter un drap, exercer un office, ce ne peut être que l'activité d'un "homme de l'art", de même qu'enseigner la grammaire ou bâtir une église. Ce qui est à l'horizon du travail de l'"artifex", de l'artisan, c'est le résultat de son activité, en principe toujours heureux et souhaité: on se servira donc de ces mots lorsqu'il faudra parler du spirituel, ou de l'intellectuel, mais aussi pour évoquer lerèglment, l'organisation, ce qui servira à la collectivité pour son "commun profit". Curé, "industrieux", métier ou ministère, ecclésiastique ou judiciaire, artiste ou architecte. La liste sreait longue des termes, en principe flatteurs, qui recouvrent le "bon travail".

Bon? Sans doute, mais certainement pénible. Obtenir un résultat, en acquérir la jouissance, se dit, en latin, "laborare". "Labor" est donc bien le mot qui qualifie la production par le travail, mais une production fruit d'un effort, d'une peine, dont la Bible, déjà, avait bien souligné le caractère fâcheux: avant la faute, dans l'Eden, Adam "operat", ensuite, puni, "laborat". Naturellement, c'est toujours la signification de "labeur", car "labour" dans le sens de "travail au sol" ne s'est concentré sur cette acception réduite qu'au VXIV e siècle. Auparavant, les "laboratores" sont les travailleurs en général, et non les seuls possesseurs de trains d'attelage à la campagne. Et si le scribe use, enfin, de mots plus rudes, "poena", "tribulatio", il ne reste pas de dout sur son intention de mettre en lumière l'effort difficile qu'impose le travail dont il parle.

On fera donc en sorte de bien peser la charge émotive et de bien mesurer le cadre circonstanciel qui accompagnent le vocable, surtout s'il est, au fil des siècles,de significations diverses. Un bon exemple pourrait être donné par le latin "ministerium": "metier certes mais au service de Dieu ou du prince, c'est alors la fonction d'un prêtre ou d'un officier; activité artisinale, c'est ou bien ce que l'on y apprend, ou bien ce qui la structure, mais aussi l'ensemble des hommes qui la pratiquent, le quartier où ils résident, et même l'instrument dont ils se servent. Cette polysémie ne doit pas nous effrayer ou nous décourager. Elle témoigne seulement d'une souplesse de la langue qui montre la richesse du champ à parcourir. "

Application au texte de la Genèse:

nous avons déjà abordé cette question sur le Forum. Je vous rappelle que le texte latin est le suivant:

" Tulit ergo Dominus Deus hominem, et posuit eum in paradiso voluptatis, ut operaretur et custodiret illum."

Beaucoup s'empressent de traduire la proposition finale par " afin de le (paradisum) travailler et de le garder". On voit mal pourquoi il faudrait travailler "dans le paradis du plaisir ou des délices".

Vous me citez le texte de saint Augustin qui donne son interprétation de ce passage; vous n'ignorez pas que saint Thomas, docteur commun, n'a retenu qu'un seule interprétation donnée par son illustre prédécesseur: le sujet de "operaretur" et de "custodiret" n'est pas Adam, l'homme, mais Dominus Deus, le complément "illum" renvoyant non pas à "paradisum mais à "hominem".Ce qui change la perpective et rend vains de nombreux développements sur le travail comme dimension fondamentale de l'homme.

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