La question des exorcismes

Le Forum Catholique

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Père M. Mallet -  2007-12-20 14:16:43

La question des exorcismes

Bonjour,
Dans votre diocèse, j'ai cru comprendre que vous étiez particulièrement gâtés avec un évêque qui a bien compris les choses. (Je suis désolé de n'avoir pas pu aborder cette question avec votre excellent évêque.)

Malheureusement, ailleurs, la plupart du temps, le clergé fait preuve d'une ignorance époustouflante. Tout prêtre qui se trouve avoir à s'occuper d'une personne possédée est suspecté d'obscurantisme, et tout est fait pour empêcher que des exorcismes soient faits.
Or je connais plusieurs personnes qui souffrent atrocement depuis des années ; le démon a parlé par la bouche de l'une d'elle lors de divers exorcismes réalisés par divers exorcistes officiels : le cas est donc d'une grande certitude.

Le problème est général dans l’Église de France. La loi, et plus encore son interprétation et son application pratique, a été poussée jusqu’à l’absurde (on se focalise par exemple sur les troubles psychiques, au point de faire d’interminables et minutieuses recherches pour être sûr que la personne n’a pas de troubles psychiques – comme si le fait d’avoir de tels troubles était une garantie contre les troubles démoniaques ! Comme si à l’inverse le fait d’être possédé était une garantie contre le fait d’être déséquilibré ! Comme si les deux n’allaient pas généralement de pair... Le démon n'étant pas créateur, il passe par les failles psychologiques, humaines et spirituelles de la personne. De fait, il faut distinguer le psychologique du démoniaque, mais sans tomber dans une sorte de dualisme manichéen) ; et de plus la loi est mal rédigée, comme l’expliquent les commentaires du canon 1172 dans le « Code annoté » bien connu des canonistes, publié à Québec (chez Wilson et Lafleur) par l’Université de Navarre et l’Université St. Paul. Poussée à l’absurde, au point d’aller frontalement contre l’intention du législateur, qui ne pouvait vouloir que deux choses : que les exorcismes soient faits, et qu’ils soient faits correctement. Au point d’aller contre le précepte formel, spécifique et répété de Jésus : « chassez les démons, guérissez les malades ». De telle sorte que notre Juge suprême serait en droit de faire ce reproche : « Pourquoi, vous aussi, transgressez-vous le commandement de Dieu à cause de votre tradition ? Car Dieu a commandé, disant : Chassez les démons. Mais vous, vous avez annulé la loi de Dieu à cause de votre loi humaine » (cf. Mt 15, 3-6) et à cause de questions de juridiction : en sorte qu’un prêtre qui descendrait de Jérusalem à Jéricho et qui verrait un malheureux dans une mare de sang, sur le bas-côté gauche, serait en droit de lui dire : ‘désolé, mon ami, je n’ai juridiction que sur le bas-côté droit, je ne peux rien faire pour vous’. Que dis-je, ‘serait en droit’ ! Il serait obligé de le faire et de ne pas s’occuper de lui, sous peines de sanctions autrement plus lourdes que pour des fautes pourtant très graves.
Et pourtant, fait rarissime, dans ce domaine, Jésus a formellement interdit d’interdire : à Jean, qui voulait interdire à un tiers d’effectuer un exorcisme sans autorisation, Jésus répond : ‘Ne l'en empêchez pas, car il n'est personne qui puisse faire un miracle en invoquant mon nom et sitôt après parler mal de moi’, confirmant ainsi le caractère miraculeux de l’exorcisme (Mc 9, 39).
De même, le coup de colère de Jésus (Luc 13, 11-17) est riche de détails à méditer : on détache son bœuf pour le conduire à l’abreuvoir, et s’il tombe dans le puits, on l’en sort, même le jour du sabbat ; et cette femme que Satan tenait liée depuis dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer de cette chaîne ce jour-là ? L’idée de laisser cette femme souffrir un jour de plus, était totalement inacceptable pour Jésus. Par ailleurs, le rôle de Satan, qui avait déjà été souligné par le verset 11, est catégoriquement affirmé par Jésus ; et ce récit correspond de façon remarquable au cas de Béatrice.
Pour les exorcistes, on pourrait encore paraphraser Jésus (Mt 26, 13) : ‘Vous ne faites pas votre travail, et ceux qui en seraient capables et qui seraient disposés à le faire, vous leur interdisez de le faire !’.

Que faire ?...

Merci de vos conseils.

Père M. Mallet
Doctorant en Droit canonique et en Droit
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=4542