L'espérance chrétienne est-elle individualiste?

Le Forum Catholique

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Métronome -  2007-12-13 19:44:50

L'espérance chrétienne est-elle individualiste?

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13. Dans le cours de leur histoire, les chrétiens ont cherché à traduire ce savoir qui ne sait pas en
figures représentables, développant des images du « ciel » qui restent toujours éloignées de ce que,
précisément, nous connaissons seulement négativement, à travers une non-connaissance. Toutes ces
tentatives de représentation de l'espérance ont donné à de nombreuses personnes, au fil des siècles,
l'élan pour vivre en se fondant sur la foi et en abandonnant aussi, de ce fait, leurs « hyparchonta »,
les substances matérielles pour leur existence. L'auteur de la Lettre aux Hébreux, dans le onzième
chapitre, a tracé une sorte d'histoire de ceux qui vivent dans l'espérance et du fait qu'ils sont en
marche, une histoire qui va d'Abel à son époque. À l'époque moderne, une critique toujours plus
dure de cette sorte d'espérance s'est développée: il s'agirait d'un pur individualisme, qui aurait
abandonné le monde à sa misère et qui se serait réfugié dans un salut éternel uniquement privé.
Dans l'introduction à son œuvre fondamentale « Catholicisme. Aspects sociaux du dogme », Henri
de Lubac a recueilli certaines opinions de ce genre, qui méritent d'être citées: « Ai- je trouvé la joie?
Non [...]. J'ai trouvé ma joie. Et c'est terriblement autre chose [...]. La joie de Jésus peut être
personnelle. Elle peut appartenir à un seul homme, et il est sauvé. Il est en paix [...] pour maintenant
et pour toujours, mais seul. Cette solitude de joie ne l'inquiète pas, au contraire: il est l'élu. Dans sa
béatitude, il traverse les batailles une rose à la main ».
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14. Face à cela, de Lubac, en se fondant sur la théologie des Pères dans toute son ampleur, a pu
montrer que le salut a toujours été considéré comme une réalité communautaire. La Lettre aux
Hébreux parle d'une « cité » (cf. 11, 10.16; 12, 22; 13, 14) et donc d'un salut communautaire. De
manière cohérente, le péché est compris par les Pères comme destruction de l'unité du genre
humain, comme fragmentation et division. Babel, le lieu de la confusion des langues et de la
séparation, se révèle comme expression de ce que, fondamentalement, est le péché. Et ainsi, la «
rédemption » apparaît vraiment comme le rétablissement de l'unité, où nous nous retrouvons de
nouveau ensemble, dans une union qui se profile dans la communauté mondiale des croyants. Il
n'est pas nécessaire que nous nous occupions ici de tous les textes dans lesquels apparaît le
caractère communautaire de l'espérance. Restons dans la Lettre à Proba, où Augustin tente
d'illustrer un peu cette réalité connue inconnue dont nous sommes à la recherche. Le point de départ
est simplement l'expression « vie bienheureuse ». Puis il cite le Psaume 144 [143], 15: «
Bienheureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu ». Et il continue: « Pour faire partie de ce peuple
et que nous puissions parvenir [...] à vivre avec Dieu pour toujours, “le but du précepte, c'est
l'amour qui vient d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère” (1 Tm 1, 5) ».
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Cette
vie véritable, vers laquelle nous cherchons toujours de nouveau à tendre, est liée à l'être dans l'union
existentielle avec un « peuple » et, pour toute personne, elle ne peut se réaliser qu'à l'intérieur de ce
« nous ». Elle présuppose donc l'exode de la prison de son propre « moi », parce que c'est seulement
dans l'ouverture de ce sujet universel que s'ouvre aussi le regard sur la source de la joie, sur l'amour
lui- même – sur Dieu.
15. Cette vision de la « vie bienheureuse » orientée vers la communauté vise en fait quelque chose
au delà du monde présent, mais c'est précisément ainsi qu'elle a aussi à voir avec l'édification du
monde – en des formes très diverses, selon le contexte historique et les possibilités offertes ou
exclues par lui. Au temps d'Augustin, lorsque l'irruption de nouveaux peuples menaçait la cohésion
du monde, où était donnée une certaine garantie de droit et de vie dans une communauté juridique,
il s'agissait de fortifier le fondement véritablement porteur de cette communauté de vie et de paix,
afin de pouvoir survivre au milieu des mutations du monde. Jetons plutôt au hasard un regard sur un
moment du Moyen-Âge selon certains aspects emblématiques. Dans la conscience commune, les
monastères apparaissaient comme des lieux de fuite hors du monde (« contemptus mundi ») et de
dérobade à ses responsabilités dans le monde, pour la recherche de son salut personnel. Bernard de
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Clairvaux, qui, avec son Ordre réformé, fit rentrer une multitude de jeunes dans les monastères,
avait sur cette question une vision bien différente. Selon lui, les moines ont une tâche pour toute
l'Église et par conséquent aussi pour le monde. Par de nombreuses images, il illustre la
responsabilité des moines pour tout l'organisme de l'Église, plus encore, pour l'humanité; il leur
applique la parole du Pseudo-Ruffin: « Le genre humain vit grâce à peu de gens; s'ils n'existaient
pas, le monde périrait ».
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Les contemplatifs – contemplantes – doivent devenir des travailleurs
agricoles – laborantes –, nous dit-il. La noblesse du travail, que le christianisme a hérité du
judaïsme, était apparue déjà dans les règles monastiques d'Augustin et de Benoît. Bernard reprend à
nouveau ce concept. Les jeunes nobles qui affluaient dans ses monastères devaient se plier au
travail manuel. En vérité, Bernard dit explicitement que pas même le monastère ne peut rétablir le
Paradis; il soutient cependant qu'il doit, presque comme lieu de défrichage pratique et spirituel,
préparer le nouveau Paradis. Un terrain sauvage est rendu fertile – précisément tandis que sont en
même temps abattus les arbres de l'orgueil, qu'est enlevé ce qui pousse de sauvage dans les âmes et
qu'est préparé ainsi le terrain sur lequel peut prospérer le pain pour le corps et pour l'âme.
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Ne nous
est-il pas donné de constater de nouveau, justement face à l'histoire actuelle, qu'aucune structuration
positive du monde n

e peut réussir là où les âmes restent à l'état sauvage?
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