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Le Forum Catholique

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abbé Vincent Ribeton -  2006-11-13 19:28:16

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Je vous remercie, cher Réginald, pour ces questions judicieuses. Elles pourraient à elles seules nourrir un débat dépassant largement le cadre de mon intervention ce soir, et pour lequel des personnes plus compétentes pourraient s’exprimer. Néanmoins, je ne veux pas esquiver vos questions ; je vous demande simplement pardon de ne pas y répondre avec toutes les nuances et les précisions qu’il faudrait.

Evidemment, je reconnais la validité du Novus ordo missae. Pendant les dix-huit premières années de ma vie, je n’ai d’ailleurs pas connu d’autre rite, et je ne veux pas faire table rase du Catholicisme de mon enfance, car il m’a beaucoup apporté. Je me souviens notamment de curés basques de mon diocèse d’origine dont la foi était chevillée au corps, qui étaient d’une incontestable ferveur et générosité pastorale, et qui faisaient mon admiration. Je ne crois pas que, sans eux, je serais prêtre aujourd’hui. J’ai des amis prêtres diocésains qui m’édifient par leurs vertus et qui, certainement, célèbrent, avec le nouvel ordo, une messe riche en grâces pour leurs fidèles comme pour leur propre sanctification. Il faut beaucoup d’orgueil et d’ignorance de la réalité vécue par tant de catholiques fidèles de par le monde, pour affirmer que seule pourrait plaire à Dieu, une messe célébrée selon les rubriques antérieures à 1969.

Je ne crois pas que célébrer la messe selon le nouvel ordo, évidemment dans l’observance des rubriques, puisse en soi constituer un désordre moral objectif. Dire le contraire reviendrait à affirmer que l’Eglise aurait promulgué un rite intrinsèquement mauvais, ce qui paraît impossible à soutenir sans tomber dans le sédévacantisme. Je ne suis pas convaincu que le nouveau rite exprime très adéquatement chacune des réalités qui s’actualisent à l’autel, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il soit hétérodoxe. De fait, les conditions de validité et d’orthodoxie d’un rite sont minimales, et l’Eglise a toujours assumé des rites d’une plus ou moins grande richesse, voire, pardonnez-moi l’expression, d’une certaine pauvreté.

Dire cela, ce n’est évidemment pas éliminer la lex orandi, lex credendi ni bien sûr rejeter tout débat autour du nouveau rite, ni refuser de relever certaines faiblesses ou ambiguïtés . D’ailleurs, il me semble que certains évêques de France sont prêts à un débat constructif et loyal autour de certains points qui, pour nous, font difficulté dans la réforme liturgique de 1969 et dans son application. Compte tenu de l’histoire propre de la Fraternité St-Pierre, de la position connue de ses fondateurs sur la réforme liturgique, de leur acceptation en juillet 1988 des conditions du protocole d’accord du 5 mai 1988 –notamment de la faculté qu’il reconnaissait de participer à une critique constructive-, compte tenu également de la volonté du Pape Jean-Paul II, qui, pour favoriser l’unité de l’Eglise, n’a pas voulu obliger les prêtres de la Fraternité St-Pierre à adopter à l’époque –même occasionnellement- une réforme liturgique dont ils soulignaient les limites, compte tenu également du rôle de pont que doit jouer la Fraternité St-Pierre vis-à-vis des prêtres et fidèles de la Fraternité St-Pie X, il me semble que les prêtres de la Fraternité St-Pierre sont fondés à préférer ne célébrer que le rite tridentin, et à considérer que cette attitude, loin de rompre la communion ecclésiale, est opportune et prudente pour servir la cause de l’unité des catholiques « traditionalistes » autour du Pape, et pour stimuler un débat constructif autour de la liturgie.

Ceci étant dit, c’est à chaque prêtre de se déterminer de façon prudente, car les constitutions de la Fraternité St-Pierre prévoient une observance fidèle des livres liturgiques de 1962, et non pas exclusive.
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