Voici ci-dessous le texte de l'entretien que
Philippe Conte a accordé à
la Nef, entretien paru dans le numéro de décembre 2008 (n°199, p.48)
- Qu'est-ce qui a déclenché votre intérêt pour la question écologique ?
En réalité, je suis de formation et de sensibilité scientifique et technique, aussi au départ mon intérêt pour l’écologie, et particulièrement pour l’écologie politique, était plutôt négatif. Il me semblait que les problèmes étaient souvent exagérés et que les solutions imaginées étaient marquées par le dogmatisme, un certain pessimisme et un manque de confiance dans les capacités collectives des hommes. En fait je semblais avoir le profil parfait d’un bon « climat-sceptique » comme on dit aujourd’hui !
La Providence a œuvré dans un sens tout différent. La découverte des positions de Jean-Marc Jancovici dans le cadre professionnel, le travail au sein de l’IHEDN m’ont fait découvrir l’ampleur du problème. Aussi lors de la création de l’observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon en juin 2005, il m’a parut indispensable qu’une commission environnement soit constituée. Bien que cela était assez novateur, j’ai été suivi et encouragé par l’ensemble des membres de l’observatoire.
La lecture attentive des encycliques de Jean-Paul II et de Benoit XVI ainsi que nombre de leurs discours m’ont alors fait comprendre l’urgence de la situation, le modèle libéral de développement étant entré dans une véritable impasse. J’ai découvert de même l’originalité profonde de l’écologie chrétienne.
- Qu'appelez-vous "l'impasse écologique" ?
Comme je l’évoquais à l’instant, le modèle développement libéral qui prévaut en Occident depuis les Lumières a connu une efficacité immédiate qui explique son extension actuelle au monde dans son ensemble. Il s’est constitué en système, c'est-à-dire que ses différents éléments se renforcent mutuellement et empêchent l’émergence d’actions correctives. C’est ce que Jean-Paul II appelait « les structures de péché ». C’est ce système, ce sont ces structures de péché en tant que tels qui, en servant de substrat aux actions individuelles mauvaises, sont à l’origine de la crise environnementale. Les solutions purement techniques ne sauraient suffire, ainsi que l’étatisation de l’économie souvent prônées dans un dosage variable par l’écologie sécularisée.
Seule une conversion sociale qui mette en avant la véritable croissance, qui est spirituelle et culturelle, peut rendre possible l’invention de solutions nouvelles. Solutions qui restent largement à découvrir car personne de sérieux ne peut prétendre aujourd’hui avoir les plans de sortie de crise dans son cartable !
- Quelle est la spécificité de l'approche chrétienne de l'écologie ?
Sa première spécificité c’est son ancienneté ! L’Ancien Testament commence en éclairant le rapport de l’Homme avec la création. Dès le jardin d’Eden, les notions essentielles de responsabilité et de limites sont posées. Ce sont ces mêmes questions qui sont encore aujourd’hui au cœur de la crise ! Tout au long de l’histoire de la Chrétienté, jusqu’aux temps modernes, ce rapport a été précisé, actualisé, repensé ; l’Homme étant toujours conçu comme partie prenante de la création, elle-même appréhendée comme état mais également comme action. Etat de ce que Dieu a confié à notre responsabilité et action de création continue et collaborative de Dieu et de l’homme.
Propos recueillis par Falk van Gaver