est impossible en français, au rebours des langues slaves par exemple, comme l'avait démontré Cioran qui a utilisé la langue française comme une camisole de force pour réprimer ses instincts, sa propension au débordement, à l'enflure du moi, à la violence même. Cela dit je ne suis pas adepte du retour à la langue très classique, purifiée à l'excès. Je pense qu'elle doit aussi s'ouvrir à la langue populaire, à la force brute surgie des profondeurs de l'être. Là je me sépare d'un Richard Millet qui rejette Céline (ce qui est étonnant, car son style musical est très travaillé) et qui fait du style de Proust, de Claude Simon le modèle indépassable.
Par contre le style de M. Moix dans son dernier livre dont j'ai parcouru quelques pages me semble à la fois trop relâché et trop artificiel (cf. l'usage des deux poins que n'auraient pas désavoué les auteurs du Nouveau Roman). Huysmans, en écrivant son hagiographie sur Lidwine de Shiedam, a renoncé à la "rhétorique", à la recherche du mot rare, de l'artifice. Voir "Huysmans, de l'écriture à l'Ecriture", de Pierre Cogny, très intéressant.

Je pense que Yann Moix aurait dû essayer d'atteindre à cette limpidité, cette clarté caractéristique du style de S. Weil et à un degré moindre celle d'Edith Stein. Il y a un style religieux féminin, fruit de l'ascèse, de la douceur, de la pacification...voir par exemple l'extraordinaire petit livre de Madame Cécile de Bruyères, première abbesse de Solesmes : "La vie spirituelle et l'oraison" (elle a d'ailleurs correspondu avec Huysmans), une référence pour tous les catholiques.