Je réponds sans ambages à l’ami Lamy et à Sam Gamegie : Chapeau bas devant Charles Maurras ! Chapeau bas devant celui qui a su entraîner les plus beaux esprits français du XXe siècle dans le combat pour l’ordre naturel et contre les errements démocratiques.

Vous m’avez fait reprendre cette « Démocratie religieuse » (1921). Que de profondes intuitions ! Comment un homme qui n’avait pas la foi a-t-il pu voir avec tant d’acuité l’intime, la consubstantielle, liaison de l’ordre naturel et de l’Eglise catholique ? Comment imaginer qu’un agnostique cite l’intégralité du Syllabus de Pie IX pour combattre la république ? Lorsqu’il ferraille contre Marc Sangnier, il relève la consanguinité du modernisme et de la démocratie. Quelle vision ! Il n’a pas par hasard clamé haut et fort son admiration pour saint Pie X (qui l’a en retour défendu et béni) et n’a pas hésité à relever le caractère religieux de ce qu’il nomme « l’évangile démocratique » (« L’ordre et le désordre », éd. L’Herne, p. 50). Je ne peux donc que m’inscrire dans le prolongement de son ouvrage.

Pourtant je ne me définis pas comme « maurrassien », car je crains qu’il n’ait pas sondé la plaie jusqu’au fond.

Tout d’abord plusieurs de ses critiques du régime démocratique sont l’écho de la République de Platon. Il faudrait donc être platono-maurassien. Ensuite ce n’est pas faire injure à Maurras que dire que son combat est plus politique que métaphysique. Lorsque, dans la « Démocratie religieuse », il attaque « notre vieille ennemi la liberté-principe » (p. 263), il ne cherche guère à en approfondir la définition.
Il me semble que Maurras avait l’esprit trop clair, trop droit, trop bien fait, pour imaginer et comprendre la monstrueuse métaphysique du monde moderne. Il adhère à la métaphysique d’Aristote, de saint Thomas, c’est-à-dire à l’ordre des essences dans la nature. Pour lui le désordre est le contraire de l’ordre, c’est-à-dire un peu comme un ordre à l’envers. Mais il n’a peut-être pas suffisamment vu que la démocratie est moins le contraire de l’ordre naturel qu’un ordre artificiel sur une nature en évolution perpétuelle. Maurras connaît bien Rousseau et Robespierre, mais il semble n’avoir guère lu Kant et Hegel (qu’il mentionne en passant dans « L’ordre et le désordre »). Peut-être aimait-il tant la France qu’il voulait que même la révolution n’appartint qu’à nous !!! La vérité est qu’on ne peut entièrement comprendre la modernité sans voyager en Germanie.

Disons à sa décharge qu’il a combattu pour défendre une cité aux fondations sapées et aux murs lézardés, tandis que, de nos jours, cette vieille cité étant écroulée, nous voyons monter sous nos yeux les murs de la nouvelle. C’est tout de même plus facile d’y voir clair !

Sam, je vous laisse juge de mon jourdanisme !