M.Dantec,

Avant toute chose, merci de venir répondre à nos questions sur ce forum. Je vous lis depuis 1998 et n'ai manqué aucun de vos ouvrages. J'ai moi-même été converti en partie grâce à la lecture du journal de Léon Bloy, alors je me flatte d'avoir un point commun avec vous !!

J'ai plusieurs questions :

1) Vous dites à plusieurs reprises dans American Black Box que sans le rock and roll, vous ne vous seriez pas converti au catholicisme. Pourriez-vous développer ce rapport entre foi et musique et le rôle que tient/doit tenir la musique dans notre société ?

C’était une perspective plus étroite, plus angulaire : le rock me semble, fondamentalement, la musique sacrée de l’âge atomique, précisément parce que tout en étant de nature profane ses origines plongent au plus profond de la tradition des Gospels. Elle fait donc le « pont » entre le chant grégorien et le minimalisme électronique de la musique composée après Apollo.
Personne – bien sûr – n’a voulu comprendre comment des poètes comme Jim Morrison ou Iggy Pop détachaient l’Amérique de son matérialisme, même si ce fut au prix de déviances parfois mortifères.
Les temps demandaient des prises de risque parfois inconscientes, elle demandait la traversée de la zone d’impact, juste après le flash.

2) Pouvez-vous nous évoquer la figure de Youri Gagarine ? Pourquoi son omniprésence dans votre oeuvre ?

Je l’ai vu à l’âge de 3 ans (souvenirs quasiment effacés ) lors de sa tournée en France, c’était en 1962, à Ivry-sur-Seine.
Mon père l’a interviewé peu de temps après son retour au Kazakhstan.
Il est le premier, c’est tout.

3) Toujours dans American Black Box, vous remettez en cause la validité du principe d'identité et celle du principe de non-contradiction en philosophie. J'avoue ne pas vous avoir suivi ! Comment penser en dehors de ces deux principes ? La scolastique n'en sort pas me semble-t-il...

C’est l’aristotélicisme qui ne s’en sort pas, c’est tout. Tout principe contient son principe contraire, de façon a-dialectique, synthétique/disjonctive.
Denys l’Aréopagite en a écrit de redoutables pages, qui auraient dû alerter les scolastiques plus tardifs, influencés par la pensée arabe, et la « logique » binaire d’Aristote.

4) Vous êtes un atlantiste convaincu, c'est le moins qu'on puisse dire, et votre position a au moins le mérite de faire réfléchir ceux qui vous lisent et qui ont des réflexes intellectuels peut-être un peu trop conditionnés ; cependant, vous conspuez, avec raison, l'ONU et toute la structure "onuzie" pour reprendre votre terminologie. Or, il me semble que l'ONU est un instrument aux mains des USA. Comment conciliez-vous ces deux positions (pro-Américain/anti-ONU) ?

L’ONU aux mains des USA ? Vous êtes en pleine science-fiction, cela fait 40 ans que l’Amérique doit entamer régulièrement des bras de fer avec cette organisation pacifiste. Sous Reagan, sous Bush Sr, Bush Jr, du communisme à l’islamisme, l’ONU, avec ses alliés de choix : France, Chine ex-URSS, s’est positionnée, dès le tournant des années 50/60 sous la bannière du tiers-modisme et du socilaisme. Souvenez-vous juste, très récemment, les délicieuses relations entre Bolton et Kfi Annan.
Les Américains ont à plusieurs reprises arrêté de verser leur (énorme) contribution financière à l’organisation, des groupes actifs militent depuis longtemps pour un retrait unilatéral des USA de cette agence mondiale des bons sentiments.

Je serais ravi et honoré que vous répondiez à ces questions. Je tiens encore une fois à vous faire part de ma plus vive admiration.

Je vous en remercie -

Cordialement dans le Christ,

Ey.

In Xto Rege
MgD