Un sentiment de malaise

Le Forum Catholique

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XA -  2008-04-23 12:07:53

Un sentiment de malaise

Cher Monsieur,

Merci pour commencer d'avoir accepté le principe de ce débat avec les liseurs du Forum Catholique. Vous évoquez dans votre livre un thème dont vous savez qu'il est cher à nombre d'entre eux. Il était à mon sens normal que nous vous invitions pour en parler ensemble.

La lecture de votre livre, je ne vous le cache pas, m'a rendu un peu mal à l'aise. Je me permets de vous préciser ou de vous rappeler que je ne suis pas au nombre des fidèles de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, et que je ne l'ai même jamais été. Pour reprendre votre distinction, je serais donc au nombre des catholiques traditionalistes (cf. p.130 de votre livre).

La crise intégriste, s'il aborde un thème au demeurant intéressant, a été qualifié par M. l'abbé Celier de livre "ni fait ni à faire". Je ne suis pas d'accord avec la deuxième proposition, mais partage plus ou moins la première. Il me semble en effet que votre travail manque de témoignages précis et concrets, qu'il reprend énormément de citations d'ouvrages, avec le risque au final de sélectionner les seules parties qui servent une fin qui est jouée d'avance. On trouve trop souvent à mon goût des propos de prêtres sans référence ou source précise. Ainsi par exemple, page 164, vous attribuez à MM. les abbés Aulagnier et Laguérie la phrase "Monseigneur aurait signé", sans indiquer où et quand elle aurait été prononcée, alors même qu'à ma connaissance ce propos est celui du seul abbé Aulagnier. Qui a suivi les événements qui débouchèrent sur l'exclusion de M. l'abbé Philippe Laguérie de la FSSPX sait que les motifs de cette exclusion ne concernaient pas exclusivement cette question de signature et qu'à ma connaissance elle n'en constitua même pas le motif. Aussi le résumé quelque peu lapidaire que vous en faites a un côté trompeur.

D'une façon générale, d'ailleurs, il apparait que votre approche manque de profondeur. Pour traiter sérieusement un tel sujet, il aurait fallu recueillir des témoignages plus nombreux, avec des sources plus larges, plus fouillées. Cette démarche aurait permis que l'on ait le sentiment que l'auteur d'un tel ouvrage avait un souci certain d'objectivité. Votre appartenance à la rédaction de La Croix, dont on sait qu'elle n'a pas un a priori très favorable à l'égard des catholiques traditionnels, même "traditionalistes", vous imposait - selon moi - de vous montrer vraiment rigoureux pour manifester votre volonté d'objectivité.

M. l'abbé Célier a relevé quelques imprécisions ou erreurs. J'ai pour ma part noté une incohérence dans une de vos pages. Je vous renvoie pp. 85 et 86.
Vous écrivez à propos de Monseigneur Lefebvre : "Jusqu'en 1974, lui même célèbrera l'office avec les modifications introduites après le concile, ce qui ne sera pas sans causer certains problèmes avec les séminaristes américains (...)" Puis, neuf lignes plus bas : "Il faudra en fait attendre 1971 pour que Mgr Lefebvre refuse officiellement le nouveau Missel romain." C'est là un des écueils de votre livre que de nous transporter sans cesse dans le temps avec des retours en arrière successifs qui finissent par nous faire perdre le fil de ce qui pourtant s'inscrit dans une certaine logique d'ensemble, et une succession d'événements qui viennent expliquer sinon justifier les évolutions des différentes tendances au sein des catholiques traditionnels. Il apparait comme une évidence, vu de l'extérieur, que le temps nécessaire n'a pas été pris pour construire cette histoire. Et que ce livre a manqué d'une relecture.

Au final, donc, je ne vous cache pas que je suis effectivement vraiment resté sur ma faim. Là où vous auriez pu nous apporter un intéressant regard historique sur la crise de l'Eglise vue depuis le Tradiland, vous avez produit un essai qui relève, selon moi, plus de l'article, du documentaire, que de la thèse. A ce titre, donc, oui, ce livre reste "à faire", cette histoire reste "à écrire" par une personne extérieure au monde catholique traditionnel.

Et là se pose vraiment pour moi la question : qu'est-ce qui vous a poussé à écrire un tel livre qui aurait selon vous manqué aux catholiques de notre temps ? En quoi son écriture s'est-elle imposée à vous ? Quelle retombée en espér(i)ez-vous ?

Pardon de m'être montré si long. Mais j'ai déjà dû faire au plus court...

XA
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