Cher Maxence,
Plutôt que de vous poser une question, comme je vous l’avais promis, je viens vous offrir une citation qui me semble remarquable dans le contexte de votre champ d’étude spécialisé. Elle vient du Cardinal Manning, son livre « The Present Crisis of the Holy See ». La voici :
Feu M. de Tocqueville, sans avoir apparemment la moindre intention de confirmer ou de vérifier ce que j’affirme, écrivant au sujet de la démocratie en Amérique, constate que la tendance actuelle de tout gouvernement du monde est vers la démocratie, c’est à dire, vers la diminution et l’épuisement des pouvoirs du gouvernement et vers le développement de la licence de la volonté populaire, en sorte de faire de toute loi rien autre que la volonté de la multitude. Il observe qu’en France, chaque demi-siècle a porté la société plus en avant vers la démocratie ; que les mêmes phénomènes se voient partout dans le monde chrétien. (…) Il est curieux de mettre cela en vis-à-vis avec les paroles de saint Hippolyte, écrites au troisième siècle, qui affirment qu’à la fin du monde l’Empire Romain passera εἰς δημοκρατίας, « en démocraties ».
C’est la dernière phrase surtout qui m’a impressionné. Le Cardinal Manning argumente énergiquement pour conclure que cette tendance, marquant la fin de la civilisation chrétienne, est un signe de l’imminence du règne de l’Antéchrist. Il voyait que la démocratie ne supportait jamais l’indépendance politique de la papauté et se hâtait de démolir tout ce que les âges de foi avaient bâti. C’est pourquoi il s’attendait déjà en 1861 à voir s’achever l’apostasie des nations, à voir s’établir partout une « liberté religieuse » par laquelle on prétend que les sociétés n’ont pas connu et ne peuvent connaître la vraie religion. Il s’attendait aussi à voir survenir une grave crise dans l’Église qui devrait vivre sa passion, suivie d’une mort apparente. Il prévoyait qu’en quelque sorte le saint-siège même soit écarté afin d’ouvrir le chemin de l’Antéchrist. Telle est la thèse de son livre.
J’espère que ces pensées du docte cardinal anglais vous intéresseront et seront l’occasion pour vous de nous faire part de vos réactions.
Bien à vous in Christo Rege,
John