Le lien historique entre Maurras et Madiran est connu, notamment un certain « passage de témoin » adressé aussi à Jean Ousset, ainsi que le fameux : « Si vous êtes catholique, ne le soyez pas à moitié ! » Son lien intellectuel, j’essaie de le résumer dans le deuxième chapitre de mon livre intitulé : « Parce qu’il fut pieux… ». En écrivant cela, j’ai bien conscience d’être juché comme un nain sur les épaules de géants, selon la fameuse formule, d’être un petit poucet laissant seulement quelques cailloux pour mieux se repérer dans leurs « itinéraires de chrétienté ». C’est évidemment la piété filiale envers l’être historique de la nation mais aussi de l’Eglise qui réunit les deux hommes. Leur combat fut celui de la piété contre l’impiété.
Ce que Madiran écrit pour son maître vaut en un sens pour lui : « Ce n’était pas la seule place du seul rempart. C’en était une. Parmi d’autres. Mais celle-là même où la nouvelle religion voulait faire brèche, et où elle l’a fait parce que l’on vous y a finalement laissé trop seul, trop démuni, sans les renforts qu’il fallait. Vous étiez au point décisif de la bataille pendant que d’autres, intérieurement plus fidèles peut-être aux exigences de leur baptême, s’étaient assoupis. Ou laissé circonvenir. »
Maurras comme Madiran, parce qu’ils furent pieux dans leur combat de preux, nous ont indiqué à leur rempart « le point stratégique de la délivrance et de la reconquête ». Dans un entretien en 2002 avec l’abbé Guillaume de Tanoüarn pour la revue Certitudes, Jean Madiran résumait ainsi sa position et sa similitude avec celle du maître de Martigues : « Si je devais donner un titre général à mes livres, je dirais : Témoin à charge contre mon temps. Je ne répéterais pas la formule de Saint-Exupéry : “Je hais mon époque, parce qu’on y meurt de soif.” Je ne parlerais pas de haine car la haine m’est étrangère, mais les charges sont graves... Peut-être ne suis-je pas digne de prendre un tel titre ? Dans ma vision, c’est le meilleur qualificatif qu’on puisse donner à l’œuvre de Charles Maurras. Maurras, témoin à charge de son temps, est le défenseur par excellence - y compris au plan religieux. Lui, l'agnostique, il a défendu l’Eglise, il le répétait “l’Eglise telle qu’elle se définit elle-même”. Et donc il a défendu Jésus-Christ, et, comme Pie X le lui a fait dire, il a défendu la foi. C’est “un beau défenseur de la foi” déclare le pape de Pascendi à Camille Bellaigue. On dira : il a défendu la foi, peut-être, mais il ne le savait pas, il n’en était pas conscient. Je réponds : dans l’Evangile, on lit justement quelque chose comme cela : “Seigneur, quand vous ai-je donné à manger ?” »