Outre son exceptionnelle acuité intellectuelle et son étonnant esprit de jeunesse, les premiers traits de caractère qui me viennent en tête sont sa liberté d’esprit mais aussi la confiance qu’il donnait à ses rédacteurs, autrement dit sa grande bienveillance.
Ce qui ne l’empêchait pas d’avoir aussi un caractère « plus que difficile », comme dirait le P. de Blignières, marqué par une certaine susceptibilité, lorsqu’il estimait, à tort ou à raison, qu’on avait trahi cette confiance. Mais ses brouilles bien connues n’empêchaient pas non plus des réconciliations authentiques, comme si rien ne s’était passé. Sa relation propre avec moi, nonobstant l’inégalité immense qu’elle supposait évidemment entre nos compétences respectives, était fondée sur une discrétion et une pudeur mutuelles mais aussi sur une vive dilection commune pour la philosophie et le scoutisme. Je me souviens d’une de ses dédicaces manuscrites qu’il m’avait faite en me remettant l’un de ses derniers livres : « A mon plus ancien complice à la rédaction de Présent, qui le soit encore aujourd’hui, en amical hommage, (…), à son âme du scoutisme et en communion catholique. »
Je ne peux aussi que rappeler le portrait très révélateur qu’en traçait Marcel Clément en 1960 mais qui vaut aussi pour la « génération Présent » : « Jean Madiran n’est pas un homme secret. Il est pourtant l’un des écrivains les plus mal connus de notre époque. On l’a dit polémiste. C’est un apôtre. On l’a cru vieux. Il est au printemps de la vie. On l’a enfermé dans une définition de journaliste “politique”. C’est un philosophe serein et profond, un professeur clair et écouté. On l’a décrit comme un individualiste. On a découvert un directeur de revue, animant une équipe fraternelle, où les divergences, à son contact, deviennent complémentarité. D’où viennent ces erreurs de perspective ? N’est-ce pas, en un temps où la saine et véritable liberté d’esprit devient rare, que l’on ne sait plus la reconnaître du premier coup ? »
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